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L’eau mal partagée, une source de conflits

Odile ALBERT

11 / 1995

L’eau est devenue, en bien des endroits, une ressource rare et convoitée. Les besoins grandissants de cette ressource (la demande mondiale a plus que triplée en un demi-siècle)nécessitent de plus en plus des partages équitables, sinon l’eau peut engendrer des crises graves, voire des conflits armés. Fleuves transfrontaliers, grands aménagements hydrauliques, mauvaise répartition entre les activités humaines ou pénurie sont autant de raisons de crises.

Comme de nombreux fleuves sont partagés entre plusieurs Etats (plus de deux cents réseaux hydrographiques sont partagés entre deux pays au moins), les motifs de querelles sont variés : barrage, détournement d’eau, réduction du débit, pollution, pénurie... Le droit international est très flou et n’impose aucune règle. Il concerne essentiellement la navigation. Il ne constitue aucune obligation pour les Etats.

On nomme "fleuve international" un cours d’eau qui traverse deux Etats au moins et qui est navigable sur toute sa longueur. C’est ainsi que la Turquie ne reconnaît pas le Tigre et l’Euphrate comme fleuves internationaux car ils ne sont pas navigables. Elle décide donc seule de l’utilisation des eaux de ces fleuves dont elle possède le parcours amont, sans consultation des deux autres pays desservis, la Syrie et l’Irak.

Elaborer un plan de partage équitable des eaux entre pays reste hautement stratégique. Si une volonté réelle de coopération régionale entre les pays amont et aval ou entre les pays frontaliers n’arrive pas à se mettre en place, des conflits peuvent éclater.

La guerre déclenchée par Israël en 1967 est, sans doute, l’une des premières guerres modernes de l’eau. Depuis plusieurs années, on assistait à des attentats en des points stratégiques concernant l’eau ou à des polémiques diplomatiques tant de la part des pays arabes que de l’Etat hébreu. Cette guerre rend donc Israël maître des eaux du Jourdain. De même, l’occupation du Sud Liban par Israël relève sans doute plus d’une préoccupation de sécurité hydraulique que d’une volonté militaire.

Le barrage de Farraka qui détourne les eaux du Gange vers Calcutta est un sujet permanent de querelle entre l’Inde et le Bangladesh. La décision en avait été prise unilatéralement par l’Inde en 1988 et aucun accord n’a été trouvé depuis lors. Moyennant quoi, un front salin avance progressivement dans le delta du Gange mettant en péril les écosystèmes.

De même, les barrages réalisés sur le fleuve Sénégal sont la cause première des affrontements qui ont eu lieu en 1989 entre les paysans sénégalais et mauritaniens qui ont vu changer leurs méthodes de travail et s’appauvrir leurs conditions de vie.

Les grands travaux hydrauliques peuvent également provoquer des confrontations violentes avec la population locale qui est souvent amenée à être déplacée et qui perd son milieu naturel et ses conditions de vie. Ces migrations ou changements entraînent, en règle général, un appauvrissement de la population concernée. Dans le cas du projet de barrage sur la Narmada (Inde), la population a manifesté son opposition au gigantisme du projet avec suffisamment de force pour que ses préoccupations trouvent un écho au niveau international.

Des révoltes violentes pourraient bien éclater dans les villes à très forte croissance où des quartiers entiers ne sont équipés ni de systèmes d’assainissement ni de points d’eau suffisants. En Chine, on ne pourra satisfaire les besoins minimum en eau de certaines villes du Nord qu’en contraignant l’agriculture locale à baisser son irrigation de près de 30 %. A Alger, les innombrables coupures d’eau dues à la rareté de la ressource ont eu des conséquences politiques et ont créé un courant anti-FLN dont les Islamistes ont su profiter. A Mexico, la surexploitation de la nappe phréatique entraîne déjà des pénuries graves dans une ville surpeuplée.

A Bangkok, l’eau manque dans certains quartiers. Des manifestations ont déjà eu lieu en raison de sa rareté et de son prix excessif. Et pourtant de l’eau, il y en a. La première cause de ces pénuries est due aux salons de massage qui en consomment (ou gaspillent ?)des volumes considérables (3 millions de litres par jour). Ces salons sont une véritable industrie, extrêmement bénéficiaire, destinée à la fois à la clientèle locale et aux touristes. Il pourrait donc y avoir des révoltes de l’eau comme il y a eu des émeutes du pain.

De même, on peut redouter des rivalités entre l’agriculture dévoreuse d’eau et l’extension des villes. Les gouvernements préfèrent parfois satisfaire plutôt le monde rural, politiquement influent, que les pauvres des quartiers pauvres des villes. Inversement, si les gouvernements imposent une diminution de l’eau d’irrigation pour satisfaire les besoins des villes, de graves tensions risquent de voir le jour.

Partager l’eau, c’est aussi la partager avec la nature pour lui permettre de se régénérer dans de bonnes conditions. Si on se met à pomper plus pour satisfaire tous les utilisateurs, on provoquera de graves dommages aux équilibres naturels du milieu aquatique. Dans le Sud-Ouest des Etats-Unis, devant l’importance des dégats provoqués par le surpompage, le Congrès a voté une loi qui oblige à prélever sur l’eau destinée à l’irrigation une quantité très importante qui est réinjectée dans les rivières de la région pour protéger les poissons (en particulier le saumon)et la faune sauvage.

Pour parvenir à un usage durable de l’eau, il est nécessaire de mettre en place des stratégies nouvelles (établir des prix pour l’eau, rationner en fonction des usagers...)qui protègent tous les consommateurs mais aussi les écosystèmes.

Palavras-chave

política da água, irrigação, represa, concertação, acesso à àgua, cooperação, recursos hídricos, conflito internacional, salinidade da água


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Fonte

Livro ; Artigos e dossiês

L'autre journal (France), n° 16, sept. 1991, pp. 58-73.- Futuribles (France), n° 188, juin 1994, pp. 39-56.- Nations solidaires (France),n° 194, juillet 1994, pp. 9-36.- Courrier de la Planète (France), n° 24, sept.-oct. 1994.- Cérès (FAO), n° 156, nov.-déc. 1995.

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