Innovations économiques et développement rural en Limousin

A la demande d’un syndicat agricole (FRSEA)et de la Chambre des métiers du Limousin, les auteurs de ce travail de recherche ont tenté de mieux connaître les innovateurs ruraux dans le but de mieux répondre à leurs attentes. Ils ont étudié le parcours et les valeurs revendiquées par 22 innovateurs, créateurs de PME ou agriculteurs ayant développé des activités nouvelles comme la vente directe, la transformation de leurs produits, etc.... Ils les classent en trois groupes:

- les Légitimes sont des natifs de la région et souvent héritiers de l’entreprise familiale, qui se réclament de la légitimité des autochtones. Gardiens des valeurs de la tradition locale mais modernistes en même temps (en recherche de "tradition rénovée"), ils ont une identité régionale forte et sont désireux d’intervenir sur l’avenir du territoire. Ce sont des porteurs du développement local. Très intégrés dans le champ institutionnel, souvent élus, ils sont en bonne position pour se constituer en futurs notables.

- les Autonomes sont souvent des "étrangers" (à l’espace local)ou des "partis-revenus" (natifs ayant fait un détour lors de leur parcours professionnel). Ils ont une ambition plutôt centrée sur leur projet personnel que sur l’avenir de la région. Ouverts sur l’extérieur, anticipant les changements à venir, ils sont souples dans leur évolution. Tacticiens, valorisant l’entreprise individuelle, ils ont une vision essentiellement économique de leur activité et s’investissent peu dans les institutions locales.

- les Alternatifs sont des individus en rupture d’héritage familial, qui adoptent une démarche en forme de défi. Dotés d’un niveau culturel élevé, ils sont au coeur de réseaux alternatifs et conventionnels à la fois. Ils veulent "faire autrement", mettent leur activité professionnelle au service de leur éthique et bâtissent un projet conçu comme un champ d’expérimentation en vue d’un changement social global. Ce choix les conduit à structurer des réseaux et à s’impliquer dans les institutions territoriales tout en participant à des mouvements nationaux. Ils sont résolument engagés dans le développement local.

Les innovateurs ne restent pas toujours figés dans un profil, ils peuvent glisser de l’un à l’autre: celui des alternatifs semble le plus mouvant (on s’en échappe facilement), celui des légitimes le plus stable (quand on l’est, on le reste).

Malgré les différences entre ces profils, les innovateurs ont des caractéristiques communes:

- ils vivent une transformation de leur métier et ont besoin de compétences multisectorielles (de la production à la commercialisation des produits). Tous se posent le problème de l’acquisition de nouvelles compétences, correspondant à leur polyvalence. Ils ont besoin de nouvelles formes de transmission et d’acquisition de savoir-faire, et leur expérience à ce sujet pourrait inspirer des programmes de formation professionnelle.

- ils souhaitent des rapprochements entre les institutions profesionnelles pour éviter les cloisonnements,

- ils sont favorables aux politiques d’accueil et d’ouverture de la région sur l’extérieur, à la venue d’autres entrepreneurs, à l’intercommunalité.