Qu’appelle-t-on innovation dans le cas des agricultures des pays du Sud ? P. Gondard, géographe, s’interroge sur le concept en se référant à l’économiste Schumpeter, théoricien de l’innovation du début du siècle. Pour Schumpeter, l’innovation est plus que l’invention (l’idée): c’est une invention introduite dans l’économie et qui a changé l’ordre ancien. L’innovation est une invention réussie : on ne peut donc l’évaluer qu’a posteriori. Schumpeter met également l’accent sur deux autres caractéristiques de l’innovation : l’intentionnalité des acteurs et la prise de risque. On n’innove pas involontairement : toute innovation est la conséquence d’un choix et l’acceptation d’une possibilité d’échec. Pour Schumpeter, le comportement innovateur est le moteur des transformations économiques et la condition d’un dépassement des crises.
Peut-on distinguer innovations endogènes et exogènes ? G. Serpantié et P. Milleville, agronomes, proposent d’appeler innovation endogène à un groupe social donné une invention (ou un emprunt)passée dans la pratique sans intervention volontariste de la part d’une administration ou d’une ONG. Les innovations endogènes peuvent être interprétées comme des signes d’aspirations nouvelles ou de réponses à un changement du contexte. Elles renseignent sur les stratégies poursuivies, les savoirs mobilisés, les réseaux actifs, etc... En les observant, on peut mieux connaître les sociétés paysannes et faire des propositions plus adaptées. En revanche, les innovations exogènes nous renseignent d’abord sur les logiques des institutions de développement. Cependant, les observateurs doivent prendre garde quand ils passent de l’observation d’innovations à l’énoncé d’hypothèses sur les stratégies des acteurs : l’interprétation du sens des innovations est plus difficile qu’il n’y parait.
J.P. Chauveau, anthropologue, propose d’appeler innovation, non pas une pratique ou une proposition technique, mais le processus au cours duquel celles-ci sont élaborées. Et il appelle innovateur, non pas celui qui émet l’idée, mais celui qui la met en pratique et en assume les risques. Il s’intéresse en particulier aux innovations exogènes et aux facteurs qui la conditionnent. Par exemple:
. les organismes de développement ont pour fonction de produire de l’innovation, même si celle-ci n’est pas toujours nouvelle, pertinente ou nécessaire.
. les institutions qui prennent en charge un développement "total" (aide technique, crédit, commercialisation...)sont difficiles à contourner. Leurs logiques institutionnelles pèsent d’un poids décisif dans la nature de leurs propositions techniques, tout comme les manières de penser de leurs cadres, souvent issus des "grands corps".
. un changement se diffuse de façon inégale dans un milieu social, hétérogène par nature. Mais il contribue en même temps à en modifier la structure. Il y a là un jeu dialectique.
inovação técnica, agricultura, mudança social, difusão da inovação
Le LEA est le Laboratoire d’études agraires de l’ORSTOM de Montpellier.
Relatório
ORSTOM-LEA, ORSTOM-LEA in. DOCUMENTS SCIENTIFIQUES DU LEA, 1992 (France), N°1
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