05 / 1995
Rencontre avec Danièle OLIVIER, directrice du centre social Abbaye Jouhaux, Véronique BONNET, animatrice de la Confédération Syndicale des Familles (CSF)et Geneviève BOUVIER, animatrice du CREFE de l’Isère (Centre Ressources Enfance Famille École).
Le quartier Abbaye Jouhaux à Grenoble compte 12 000 habitants. Abbaye, Châtelet et Jouhaux, les trois quartiers qui le composent, se caractérisent selon l’INSEE par le haut degré de précarité des ménages : près de 10 % des ménages vivent avec le RMI. Le taux de chômage y était de 23,7 % en 1990 (47 % à Châtelet où est implantée une forte communauté gitane).
L’actuelle directrice du centre social arrive au printemps 1989 au moment de la mise en place du RMI. Le service social se posait alors la question du contenu du contrat d’insertion à passer avec de jeunes mères de famille. Celles-ci, éloignées de toute insertion professionnelle, au passé scolaire cahotique et proches de l’illettrisme, faisaient preuve d’une bonne dose d’agressivité envers les institutions ; leur unique demande formulée était celle de l’aide financière ou d’un emploi. à ce moment aussi, "le quartier n’allait pas bien, les enfants fonctionnaient mal à l’école, les femmes s’en plaignaient".
Six mères de famille se réunissent et, avec l’appui d’une animatrice de la CSF, elles expriment leurs soucis et leurs besoins. Leur préoccupation principale concerne leurs enfants : inquiétude pour leur avenir, mise en cause violente de l’école, souhait qu’ils connaissent un autre parcours scolaire que le leur. Six mois au cours desquels elles vont construire un projet d’aide aux enfants qui prendra la forme d’un cycle d’animations éducatives périscolaire, AEPS.
Prévu pour une vingtaine d’enfants, le projet insiste sur "l’engagement des parents à participer aux séances...car ils connaissent le quartier et les enfants qui seront accueillis". Les femmes du groupe sont également impliquées ; deux d’entre elles, chargées de la coordination, seront rémunérées par des vacations : "cela pourra valoriser leur démarche de demandeur d’emploi et ouvrir des pistes supplémentaires au niveau des compétences qu’elles se découvriront peut-être et des connaissances qu’elles pourront acquérir...".Un premier cycle est mis en place en décembre 1990 avec des financements du FAS.
Au bout d’un an, les femmes abordent l’institution scolaire avec des arguments autres que l’agressivité, elles font des bilans avec les instituteurs, le regard des uns sur les autres (parents, enfants, travailleurs sociaux, institutions)est modifié : la présentation d’un défilé de mode à l’occasion de la Fête du quartier révèle ce changement des points de vue.
L’intérêt des jeunes femmes déborde vite le domaine scolaire. Leurs questions portent alors sur le cadre de vie du quartier ou des sujets tels que le SIDA. Le deuxième cycle d’AEPS cherchera à faire se rencontrer la communauté gitane et la communauté maghrébine. Une nouvelle production collective donne à voir les dynamiques à l’oeuvre autour de ces AEPS : un conte multi-culturel est joué dans les deux MJC du quartier ; la manifestation met à contribution des adolescents du quartier.
Ainsi c’est une dynamique plus large qui se développe : de l’AEPS à la construction d’un groupe de femmes qui entendent mieux comprendre et agir sur l’environnement dans lequel elle vivent. La ville reconnaît cette dynamique en finançant les activités du groupe de femmes au titre de la prévention de la délinquance dans le cadre du CCPD ; le Conseil Général et le FAS soutiennent également l’action.
1992-1993 est marquée par la réalisation d’un film vidéo. "Pour Nina" retrace les histoires des mères de famille qui se mobilisent pour leurs enfants et dans leur quartier. Ce film largement diffusé dans le quartier et même primé vaut reconnaissance et promotion pour les femmes et leur action. L’année suivante elles participent au projet d’école. Les échanges et sollicitations se multiplient entre l’école, le groupe de femmes et le quartier. En septembre 1994 quatre d’entre elles sont élues au conseil d’école.
Le rôle des partenaires, Éducation Nationale ou collectivité locale ?
La collectivité locale est là pour "mettre les actions en musique". Elle ne le fait pas de façon maîtrisée mais par défaut en laissant l’initiative aux intervenants de quartier, et sans doute parce qu’elle mesure l’impact de ces actions sur la vie sociale du quartier (cf. le financement par le CCPD)plutôt qu’au nom d’une politique éducative locale.
De la même façon, l’Éducation Nationale a mis du temps à se saisir de l’action. Le rôle de tiers demeure, reste complémentaire. Par contre l’institution est capable de reconnaître la pertinence de ce type d’action et va vouloir l’instrumenter face à une tension particulière à un moment donné, sans prendre toujours en compte le nécessaire délai de maturation. Avec un effet paradoxal de la reconnaissance, la tentative d’introduction de critères d’évaluation des AEPS sur le modèle des Cahiers de compétence par cycle, c’est-a-dire de critères scolaires alors que normalement les AEPS ne sont pas scolaires. Or cette évaluation est utilisée par le FAS au moment de la demande de reconduction du soutien financier...
mulher, educação e intercâmbio social
, Franca, Grenoble
Quand les femmes se mobilisent pour la paix, la citoyenneté, l’égalité des droits
Déroutée par les problèmes sociaux, l’école doit pourtant "trouver le moyen d’installer un rapport nouveau avec les familles" ; il s’agit bien de mettre en oeuvre d’autres compétences et elle a besoin pour cela de relais extérieurs, l’expérience de l’Abbaye en témoigne.
Entretien avec OLIVIER, Danièle
Entrevista
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