Contexte historico-politique et socio-démographique du Rwanda

1 -"Ne pas tout mettre sur le dos des Occidentaux et reconnaître les évidences". Certains observateurs ne reconnaissent pas dans tous ses détails la théorie anti-ethniste au Rwanda. Sans valider tout à fait la théorie des ethnies Hutu et Tutsi, Pierre Erny émet des réserves sur celle de leur inexistence. Criticant l’idée selon laquelle les ethnies ont été créées de toutes pièces par les Occidentaux, il écrit : "à partir de ces données de l’historiographie récente, les chantres idéologues du Rwanda ancien vont le présenter comme un petit paradis de bienveillance mutuelle, de coexistence idyllique et d’équilibre social. Ce serait les missionnaires et les colonisateurs allemands et belges qui, par la volonté de diviser afin de mieux régner auraient tranformé des distinctions purement fonctionnelles en catégories "ethniques" et "raciales", et ils seraient ainsi à l’origine d’antagonismes qui n’existaient pas auparavant". Pour lui, l’idée que les hutu ne constituent pas une ethnie à part est"un motif fondamental du mouvement néo-tutsi, même s’il contredit toute la tradition véhiculée par la monarchie. Est-ce de sa part conviction profonde ou thème idéologique de combat? "J’ai tendance à pencher pour la seconde hypothèse " déclare-t-il (1).

Il s’agirait donc, pour P. Erny, d’un nouveau discours élaboré par les Tutsi pour manipuler l’opinion internationale. Inutile de dire que ce discours place cet auteur dans le rang des "pro-hutu". L’idée de l’implication des occidentaux dans l’ethnicisation du Rwanda lui paraît trop simpliste : "les ficelles ainsi mises en oeuvre me semblent un peu grosses. Passons sur la ritournelle quasi rituelle des ethnologues racistes et colonialistes. Mais ce n’est quand même pas parce qu’il y a des Tutsi petits et des Hutu grands qu’on ne peut pas dégager des différences moyennes significatives à partir des grands nombres! Ce n’est pas parce qu’il y a eu des Tutsi cultivateurs et des Hutu éleveurs qu’on doit s’abstenir d’énoncer des tendances globales évidentes! Affirmer qu’il n’y a pas de différences culturelles, économiques, politiques ou physiques, c’est montrer que par préjugé idéologique on nie tout simplement le Rwanda tel qu’il est! Laisser entendre que le fait d’étudier des différences physiques relève de sous-entendus racistes, même si ces différences sont évidentes pour tout observateur, est pour le moins tendancieux" (2).

2- " Développement d une identité spécifique ". Ces quelques paragraphes montrent que la question des ethnies au Rwanda est pour le moins passionnelle et n’est pas exempte de tout discours idéologique. Une chose paraît certaine cependant aujourd’hui : même si il y a plusieurs siècles Hutu, Tutsi et Twa étaient des peuples d’origines différentes, aujourd’hui on constate une identité culturelle, linguistique et territoriale. Par ailleurs, constater cette similitude et refuser le concept d’ethnie n’évacue pas le fait qu’aujourd’hui au Rwanda chacun a été contraint d’intégrer l’identité de Tutsi ou de Hutu. Soit pour sauver sa vie au moment des massacres, soit en se souvenant de qui a tué sa famille après les massacres. De fait les rivalités entre Tutsi et Hutu existent; reste à savoir maintenant s’il faut y mettre un contenu racial, ou social ou autre encore.