De ce dossier, comportant cinq articles, celui de M. Guérin a été retenu pour ses précisions techniques, et les articles d’introduction et de conclusion pour leur réflexion générale.
1)L’ingérence humanitaire (Marcel Guérin)
Actuellement, le "droit d’ingérence" est une fiction juridique. La Charte des Nations Unies proclame le principe de non-ingérence dans les affaires intérieures des Etats, qui toutefois s’efface devant celui de la coercition exercée "en cas de menace contre la paix, de rupture de la paix ou d’acte d’agression" -formulation qui laisse une large latitude d’interprétation.
Il y a eu jusqu’à présent deux types d’interventions. La première -l’envoi de Casques bleus pour faire respecter un cessez-le-feu, assurer la liberté d’élections, etc.- est caractérisée par la disproportion entre les objectifs et les moyens. La seconde a consisté à autoriser des Etats (notamment les Etats-Unis)à faire la guerre au nom des Nations Unies - procédure ne figurant pas dans la Charte.
Les articles 43 à 47 de la Charte prévoient une autre méthode : établissement d’"accords spéciaux" suivant lesquels des Etats mettent à disposition des forces armées, des facilités, etc. ; constitution d’un Comité d’état-major chargé de conseiller et d’assister le Conseil de sécurité. Du fait de la guerre froide, ce système n’a jamais été appliqué.
2)A la recherche d’une autre ONU (Bernard Ravenel)
L’enjeu de la guerre et de la paix dans le monde a suscité un sérieux contentieux entre l’ONU et les Etats-Unis. La guerre du Golfe a illustré la nécessité de réformer l’ONU, "transformée en simple dépendance des Etats-Unis", et le conflit en ex-Yougoslavie a montré le besoin d’autres moyens et d’une autre volonté politique. A cela s’ajoute la nécessité d’une clarification des principes et procédures pour les interventions impliquant l’usage de la force.
Dans le cas de la guerre du Golfe, ce qui pose problème est la fameuse résolution 688 du Conseil de sécurité autorisant le recours à "tous les moyens" pour obtenir la libération du Koweït. En effet la Charte des Nations Unies prévoit l’usage de la force, mais uniquement sous le commandement du Conseil de sécurité, donc non délégable aux Etats. Ce choix, contraire à la sécurité internationale, "délégitime" l’ONU.
Dans son rapport "Agenda pour la paix", Boutros Boutros-Ghali recommande l’application de l’article 43 de la Charte. Certaines tâches nécessiteraient des "unités d’imposition de la paix", plus lourdement armées que les actuels Casques bleus. L’ONU devrait en outre pouvoir s’appuyer sur des services de renseignements et pouvoir ainsi appliquer une diplomatie préventive.
De son côté, Bill Clinton a annoncé que serait demandé l’élargissement du Conseil de sécurité à l’Allemagne et au Japon : aux pays riches du Nord de dessiner le "Nouvel ordre mondial" à leur convenance... A l’exemple du contrôle des zones d’interdiction de survol en ex-Yougoslavie, l’évolution actuelle est en train de faire de l’OTAN (et donc des Etats-Unis)un bras armé de l’ONU.
Comment démocratiser l’ONU ? Il faudrait l’ouvrir à la participation populaire, c’est-à-dire notamment aux organisations non gouvernementales (ONG). Le PNUD a proposé d’admettre six nouveaux membres permanents dans le Conseil de sécurité, choisis notamment en fonction de leur importance pour l’équilibre régional. Par ailleurs, la sécurité devrait être conçue non plus seulement du point de vue militaire, mais aussi économique, alimentaire, écologique. Il faut aussi renforcer la Cour internationale de justice, pour garantir les principes de la Charte avec force contraignante pour tous.
Cette démocratisation de l’ONU passe par de puissants mouvements démocratiques et de paix dans les sociétés "nationales". Il faut aboutir à la remise en cause du principe de souveraineté nationale et du monopole étatique de la force armée.
Réformer l’ONU : une utopie réaliste ?
3)L’ONU a-t-elle un avenir ? (Maurice Bertrand)
La dernière transformation en date de l’ONU consiste en l’augmentation, depuis 1987, des activités de maintien de la paix : leur part dans le budget est passée de 7,4 % en 1986 à 55 % en 1992. Ces opérations sont d’une complexité croissante, comme le démontre la mission APRONUC au Cambodge, comprenant, outre le volet militaire, la protection des droits de l’homme, l’organisation d’élections, la prise en charge partielle de l’administration civile...
Toutefois ces opérations ont en général connu l’échec. La place réelle de l’ONU actuellement est marginale (voir la guerre du Golfe)et a posteriori : le rôle du pompier arrivant après l’incendie. La philosophie de la Charte -maintien de l’ordre établi, verbalisme hypocrite sur les grands principes- n’est toujours pas remise en question. Les propositions de Boutros-Ghali font état d’une conception clairement répressive de la "sécurité collective" mise au service des puissances hégémoniques. Les Etats-Unis ne les acceptent pas, voulant garder leur entière liberté d’action.
Face aux menaces diverses (migrations massives, refuge dans des idéologies intolérantes...)que suscite la croissance de la pauvreté, des inégalités, etc., il faut une autre "sécurité collective", préventive et non répressive : il faut lancer de grands "plans Marshall" régionaux, contrôler les armements, etc. Le coût serait à prélever sur les budgets militaires. Mais les mentalités sont encore loin de pouvoir prendre un tel programme au sérieux.
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, Iraque, Jugoslávia
Deux points essentiels, peut-être, à dégager de ces critiques de l’ONU : son flagrant déficit démocratique (maintien des intérêts des pays du Nord, faible représentativité des peuples)et l’urgente nécessité de la prise en compte globale (et non seulement politico-militaire)des déséquilibres planétaires. La prise en compte de l’intérêt de l’autre est un facteur de paix essentiel, mais reste encore trop de l’ordre de l’utopie politique.
Dossier comprenant cinq articles (dont seulement trois repris pour cette fiche)et des extraits du rapport "Agenda pour la paix" de M. Boutros-Ghali (1992).
Artigos e dossiês
RAVENEL, Bernard; GUERIN, Marcel; BERTRAND, Maurice in. DAMOCLES, 1993/04, 57
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