12 / 1994
A la fin du mois de juin 1994, de nouvelles incursions d’extrémistes hutus appartenant au parti Palipehutu, interdit au Burundi, ont causé la mort de plusieurs soldats de l’armée burundaise, dominée par les Tutsis. Le général Jean-Bosco Daradangwa, directeur général de la communication au ministère burundais de la Défense, a déclaré à cette occasion : "d’importantes quantités d’armes et de drogues avaient été saisies" Les différentes factions en lutte ne manquent pas de tirer parti de la situation géographique du Burundi qui en fait aussi une plaque tournante du trafic du cannabis, non seulement en provenance du Rwanda, mais également de la Tanzanie et du Zaïre, d’où proviennent 30% des quantités saisies. Entre ce dernier pays et le Burundi, les trafiquants traversent en pirogue la rivière Ruzizi. Des pêcheurs qui dissimulent l’herbe dans des sacs de manioc, de maïs ou de café, passent également par le lac Tanganyika à partir du Zaïre et de la Tanzanie.
Le Burundi commence en outre à être utilisé comme plaque tournante pour le trafic d’héroïne, comme le suggèrent les saisies de 1,4 kilo en l989 et de 6 kilos en l991. En l992, pour la première fois, une saisie de plus d’un kilo de cocaïne a été opérée. En particulier, des militaires de haut rang ont été impliqués dans ces trafics, comme s’en est fait écho la presse locale. Étant donné le peu de moyens de la police burundaise et les troubles qui agitent le pays, on peut estimer que ces quantités ne sont pas significatives de ce qui passe réellement. Selon Interpol, les réseaux d’héroïne empruntent la voie aérienne Karachi/Bombay-Nairobi-Bujumbura-Bruxelles/Paris-Francfort. A l’intérieur de l’Afrique, une autre voie aérienne serait Kampala-Kigali-Bujumbura et une voie terrestre Kenya-Tanzanie-Burundi. Ce trafic a des retombées locales et, selon le directeur du Centre neuro-psychiatrique de Kamenge, à Bujumbura, il y aurait, dans la capitale, plus de 100 consommateurs d’héroïne (de 18 à 25 ans), en général issus de milieux aisés. Un gramme d’héroïne vaut 5 000 FBU soit 100 francs français, contre 3 000 francs belges (500 francs français)à Bruxelles. Certains seraient devenus dépendants en essayant de s’introduire dans le milieu des trafiquants dans le but de réaliser des gains rapides. Une autre drogue consommée dans ces cercles, est le flunitrazépam, dont le nom commercial est Rohypnol, un hypnotique et anxiolytique commercialisé par les laboratoires Roche, détourné de ses usages médicaux.
Dans les zones urbaines, les musiciens, tout comme les adeptes du courant Rastafari venu de la Jamaïque, sont des consommateurs de marijuana. Ce sont des cultures locales qui ont d’abord alimenté cet usage. Comme au Rwanda voisin en effet, le cannabis pousse dans la plupart des régions du Burundi. Appelé urumogi, il est utilisé par les éleveurs pour soigner les vaches. Les pygmées (batwa)le consomment pour supporter le froid et la faim de même qu’au cours de certaines cérémonies rituelles. Les cultures se pratiquent dans l’ensemble du pays, sur de petites surfaces dissimulées par d’autres plantations et à l’intérieur des enclos réservés des habitations. La consommation s’est également développée sous l’impulsion de "coopérants",comme le montre le fait que les petits vendeurs de cigarettes proposent des joints aux clients des deux hôtels de Bujumbura, le Novotel et le Méridien, où logent en général les étrangers. L’accroissement de la demande a rendu nécessaire le recours aux importations en provenance des pays voisins telles que nous les avons décrites plus haut.
Mais le plus grand nombre des consommateurs de drogues au Burundi sont les enfants de la rue. Aux quelque 2 000 d’entre eux (de 8 à 16 ans), recensés ces dernières an nées à Bujumbura, sont venus s’ajouter aujourd’hui plusieurs milliers de nouveaux batimbayi ("petits bandits" en swahili)à la suite des violences inter-ethniques d’octobre l993, qui ont fait entre 50 et 100 000 morts et ont provoqué le déplacement de 700 000 personnes. Souvent délinquants ou mendiants, ils se droguent pour oublier la misère, la faim, le froid nocturne à la saison des pluies, le racket, les coups des policiers, les viols dont ils sont les victimes. La plupart inhalent de l’essence ou fument de la marijuana qui ne coûte que 20 FBU (un mendiant peut gagner de 50 à 200 FBU par jour). L’association burundaise OPDE (Offre huma-nitaire pour la protection et le développement de l’enfance en difficulté)qui accueille 80 jeunes répartis dans six foyers, ne peut, à elle seule, faire face à l’ampleur du problème. D’autre part la détérioration de la situation politique et ethnique, qui place le pays au bord d’une implosion comparable à celle que connaît le Rwanda, ne peut que favoriser à la fois la consommation par les enfants de la rue et des adultes qui tentent d’échapper à la violence et à la peur.
cannabis, corrupção, cocaína, exército, circuito de distribuição, tráfico de drogas, droga, deliquência, jovem, droga e violência, consumo de droga
, Tanzânia, Burundi, Zaire
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Inquérito
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