11 / 1994
Des fonctionnaires des Renseignements généraux, spécialement affectés à la lutte contre le trafic de drogue, sont intervenus lors de la vaste opération lancée par le ministère de l’Intérieur contre les milieux intégristes musulmans en France, le 9 novembre 1993, en réponse à l’enlèvement de trois agents consulaires français à Alger. Un signe de l’attention que les services de police prêtent à d’éventuels liens entre les islamistes algériens et les narcotrafiquants. Depuis deux ans, dans de nombreuses banlieues, les observateurs constatent les efforts déployés par la FAF (Fraternité algérienne de France)et une autre organisation, l’UOIF (Union des organisations islamiques de France), pour séduire les délinquants d’origine maghrébine. Dans le même temps, le trafic de drogue, loin de diminuer, est florissant. Ainsi, dans six quartiers des agglomérations grenobloise et lyonnaise, la consommation de drogues augmente régulièrement depuis le début de l’année 1992, alors que de multiples saisies et opérations de police ont désorganisé le marché, singulièrement celui de l’héroïne. Autre indice troublant, une nouvelle pratique a fait son apparition dans le sud de la région parisienne (notamment à Antony et à Bagneux): les toxicomanes qui n’honorent pas leurs dettes ou les revendeurs qui détournent des fonds ou de la marchandise sont punis par des blessures aux mains (brûlures au chalumeau ou à l’acide). Comme si, dorénavant, on leur appliquait la charia , la loi islamique qui veut que les voleurs aient la main tranché.
Au mois de juin 1993, l’hebdomadaire "L’Événement du jeudi" révélait l’existence d’un rapport confidentiel, réalisé pour le compte du précédent gouvernement, accusant les intégristes de "couvrir" trois types d’activités illicites: "le racket, le trafic de drogue (principalement en Ile-de-France, dans le Rhône et dans l’agglomération marseillaise)et le trafic d’armes à destination de la Bosnie". Plus récemment, deux enquêtes menées par des services de police (DST et Renseignements généraux)sur la région Rhône-Alpes concluaient à la prise de contrôle de certains réseaux locaux de vente de haschisch, mais aussi d’héroïne, par des groupuscules islamistes. L’étude relevait, par ailleurs, l’existence de réseaux animés par des "Afghans" algériens et tunisiens, passés du trafic drogue contre armes au trafic de stupéfiants pur et simple.
En fait de prise de contrôle, il paraît plus juste de parler de partage du terrain de certaines banlieues entre militants politiques et dealers. Le schéma est toujours le même : des associations culturelles (ou cultuelles)animées par des intégristes s’implantent dans un quartier sensible. Elles se font reconnaître - et parfois subventionner - par les autorités locales, pour qui ces structures représentent une alternative à la désocialisation de populations défavorisées. Mais, en même temps, les dealers du quartier, qui sont souvent de véritables "caïds" intouchables, sont approchés. On les invite à rétrocéder une partie de leurs revenus. Tout en les assurant, à l’occasion, d’une aide pour écarter les concurrents extérieurs. Ainsi, les "chasses aux dealers" - qui se sont multipliées dans les agglomérations où les intégristes disposent d’une certaine influence : Marseille, Lille ou Grenoble -, traduiraient-elles, la plupart du temps, une réaction protectionniste de la part des dealers "agréés" et de leurs nouveaux alliés, défendant ensemble leur zone d’influence économique et idéologique. Il semble également que ces associations servent au recyclage des fonds, notamment ceux provenant des rackets et divers trafics. Si le coup de filet du 9 novembre 1993 n’a pas permis d’étayer les soupçons des policiers, il aura, au moins, confirmé que les sympathisants de l’ex-FIS, chapeautés par la FAF, ne manquent pas de ressources : d’importantes sommes en devises belges, britanniques et espagnoles, ainsi qu’en dollars et en francs ont été saisies. On a également trouvé les traces de virements sur des comptes bancaires en Suisse. Jusqu’à la guerre du Golfe, l’essentiel des revenus du mouvement islamiste provenait de dons publics ou privés des Etats de la péninsule arabique. La source koweitienne s’étant tarie, un trafic de marchandises de contrebande s’est mis sur pied. Des centaines de jeunes algériens, surnommés "trabendistes", sont entrés en France pour vendre des copies de vêtements de marque, montres et autres parfums. Un sérieux coup d’arrêt à ce trafic a été donné l’an dernier, avec l’arrestation d’Abdelkader Mechkour, propriétaire d’une société d’import-export à Paris, dont le siège abritait une association islamique et... un stock de fausses chemises Lacoste. Mechkour a de nouveau été interpellé, le 9 novembre, ainsi qu’un autre commerçant soupçonné de soutenir, en Algérie, le Mouvement islamiste armé (MIA), l’organisation militaire de l’ex-FIS. De la contrebande de produits manufacturés à celle de drogue, le pas est aisé à franchir. De fait, les dizaines de jeunes "trabendistes" en situation irrégulière, restés à Paris après le démantèlement de leurs réseaux, se sont reconvertis dans la vente de haschich ou d’héroïne. Lorsqu’ils ne dealent pas, ils vendent les bulletins d’adhésion au FIS à la sortie des mosquées, le vendredi.
droga, tráfico de drogas, tráfico de armas, circuito de distribuição, imigrante, islã, deliquência, meio urbano
, Franca, Grenoble, Lyon, Ile-de-France
Les autorités françaises s’inquiètent tout autant des activités sur le territoire national de certains représentants du pouvoir algérien. Ainsi, les services de contre-espionnage ont-ils identifié des agents algériens (apparemment des militaires)qui proposent à des Français appartenant au Milieu, des "contrats" sur un certain nombre de réfugiés islamistes. Ils offrent de leur livrer, en paiement de ce service, d’importantes quantités de résine de cannabis (il serait question de "lot" de 1,5 à 3 tonnes). A cet égard, la saisie par les Douanes, en octobre dernier, d’un conteneur en provenance d’Alger recelant 1,3 tonne de haschisch, a particulièrement intéressé les autorités. Fait inhabituel : le destinataire de la marchandise, un Algérien, restaurateur dans la banlieue sud de Paris, en fuite, a contacté les Douanes depuis l’Algérie pour tenter de négocier la restitution des importantes sommes saisies sur ses comptes bancaires en France. Et les autorités algériennes, dont la coopération a été sollicitée dans cette affaire, ont fait la sourde oreille.
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Inquérito
OGD=OBSERVATOIRE GEOPOLITIQUE DES DROGUES
OGD (Observatoire Géopolitique des Drogues) - Franca