02 / 1993
Alors que la violence est déjà en plein essor, B. Betancur est élu en 1982 à la présidence de la république de Colombie sur la base d’un programme incluant des réformes à la fois politiques et économiques. Ce programme de "pacification nationale" marque une véritable rupture car, jusqu’alors, les classes dirigeantes niaient l’existence de causes économiques et sociales objectives à l’essor de la violence et n’y répondaient donc que par la militarisation du pouvoir. Sur les conseils du PNUD, Betancur sépare toutefois les problèmes "politiques" liés aux agents de violence (participation politique, démilitarisation, réinsertion à la vie civile...)des problèmes "économiques et sociaux" vécus par la population des régions de conflit.
Sur le plan politique, Betancur se fixe comme objectif de créer des conditions de paix entre 1982 et 1985. Celle-ci sera obtenue puis consolidée par la suite. Le 19 novembre 1982, il promulgue la loi d’amnistie pour les forces de guérilla et leur reconnaît existence légale et représentativité politique. Il ouvre des "négociations" afin de définir les modalités de la réinsertion des combattants dans la vie civile. Il convoque une série de "réunions au sommet" entre les partis et la guérilla pour définir les réformes du système politique nécessaires à la participation de ces nouvelles forces et il forme une "Commission de Paix" afin d’intégrer au processus de paix des représentants "d’organisations économiques, sociales et culturelles".
Cependant, malgré les efforts du président, le programme de pacification nationale restera une tentative avortée. Il y a plusieurs raisons à cela. Malgré la timidité des réformes proposées, l’oligarchie s’est opposée à la démocratisation du système politique tandis que les militaires ont persisté à accorder la priorité à la répression. De leur côté, les forces révolutionnaires ont négocié sans abandonner leur stratégie de guérilla. D’autre part, alors qu’il prétendait défendre les petites gens face à l’oligarchie, Betancur n’a cependant bénéficié que d’un "vague appui" de la population et d’une "sympathie sans illusions". Enfin, sa propre action économique a nui à sa crédibilité politique : entré en fonction en période de récession (exportations : - 25 %, déficit commercial : 2 milliards de dollars), Bétancur a mis en oeuvre le Programme national de réaménagement (PNR)en "appui au développement" des zones de violence et de pauvreté. Si 9 % du budget fédéral lui furent affecté, le PNR n’a pas pour autant répondu aux attentes de la population (construction de routes : 56 %). De plus, le gouvernement s’est fermement opposé durant les négociations de paix à la proposition de réforme agraire émise par la guérilla. Enfin, à partir de 1984, le gouvernement a appliqué la politique d’ajustement préconisée par le FMI. Il a réduit les salaires, dévalué le peso et accordé un poids croissant au service de la dette (70 % des exportations).
En 1986, la guérilla, les groupes para-militaires et les narcos-terroristes redoublent de violence. L’échec de la politique de "pacification nationale" est patent.
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, Colômbia
Bien qu’issu du parti conservateur, B. Betancur a semblé représenter une troisième force entre libéraux et conservateurs, défendant le Colombien du peuple (le "pays national")face à l’élite politico-économique (le "pays politique"). Sa force politique ne reposait cependant que sur cette image et à terme, il ne pouvait appliquer d’autre projet de paix que celui issu de la négociation, tandis que sa marge d’action économique était des plus réduite. Aussi, les plus puissants agents économiques et politiques n’ont-ils eu qu’à camper sur leurs positions pour stopper son action politique. Ce temps perdu pour la paix n’a toutefois pas empêché la grande bourgeoisie de mettre en oeuvre les mesures renforçant la spécialisation exportatrice de l’économie colombienne.
Extrait de "Los límites de la modernización". CINEP: Centro de INvestigación y de Educación Popular.
Livro
CORREDOR MARTINEZ, Consuelo, CINEP, CINEP, 1992/06 (Colombie)
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