Avec le soutien de Panos Paris, 23 journalistes africains venant du Mali, du Sénégal et de Mauritanie se sont réunis pendant dix jours, en septembre 1994, pour réfléchir à ce qu’a été et à ce que pourrait être l’information produite et diffusée par les médias au sujet du conflit ethnico-frontalier de la vallée du Fleuve Sénégal : invitation d’experts des différents pays, visites de terrain, organisation de prix pour le meilleur produit d’information sur ces matières délicates… Un ouvrage va être publié pour rendre compte de cette expérience.
Avec le soutien de Panos Londres, en 1988, une douzaine de personnalités soudanaises, (surtout des journalistes), appartenant aux diverses parties en conflit, décidèrent de rédiger ensemble et de publier un livre intitulé : « les blessures de la guerre » (« War Wounds »). Il s’agissait de mettre en évidence les dommages économiques, sociaux et humains engendrés par la guerre civile. Publié en anglais et en arabe, le livre fut critiqué de toutes parts, ce qui suffit à lui garantir un minimum de crédibilité. A Khartoum, il donna lieu, en décembre 1989, à l’organisation d’une conférence internationale en présence de 45 journalistes (17 étrangers et 28 Soudanais).
Voilà deux activités significatives de ce que Panos cherche à faire avec les journalistes africains. Je les cite ici parce qu’elles sont probablement plus immédiatement proches des préoccupations des journalistes Rwandais aujourd’hui. Mais au-delà des initiatives que les uns et les autres peuvent prendre, plusieurs types de questions de fond doivent être formulées pour tenter de trouver des solutions.
- l’une concerne le contenant de l’information : il s’agit de faire en sorte que les cadres juridiques, législatifs, réglementaires des médias et aussi les conditions de leur viabilité économique et financière soient aussi « bonnes » que possible. Quelle loi pour la presse ? quel statut pour la presse dite de service public ? quel cahier des charges pour les radios privées ? qui accorde les fréquences? Quels capitaux ? Quelles recettes ? etc.
- l’autre question concerne plutôt le contenu de l’information : quelle politique, quels contenus rédactionnels ? Quel est le rôle de la presse dans la promotion des droits de l’homme ? Dans la lutte contre le racisme ? dans la protection de l’environnement ? En un mot comment faire en sorte qu’elle favorise la formation et le développement de débats publics entre les citoyens ?
- la troisième problématique concerne les questions d’éthique et de déontologie : qu’est-ce que la liberté d’expression ? Le droit de dire n’importe quoi ? Le privilège d’être au dessus des lois ? Ici ce sont d’abord les journalistes eux mêmes qui doivent trouver les moyens d’alimenter débats, codes et, éventuellement, systèmes de sanctions.
Dans chacun de ces secteurs et pour ce qui concerne l’Afrique de l’Ouest, l’Institut PANOS a acquis une certaine expérience. Il me paraît notamment que :
- l’émergence d’un presse pluraliste et responsable (démocratique) est un processus extrêmement lent et jamais définitivement acquis;
- les mécanismes, règlements et autres dispositifs juridiques, financiers ou économiques sont indispensables mais il s’agit aussi et peut-être surtout d’une culture démocratique à acquérir et à enrichir;
- la professionnalisation des journalistes et des communicateurs constitue un axe de travail prioritaire, notamment pour permettre à la collectivité des journalistes de s’instituer comme lieu d’appartenance, de débat et d’initiative, sans renier les autres appartenances (ethniques, politiques ou religieuses) mais en les mettant à leur juste place. De ce point de vue, beaucoup dépend de l’existence et du renforcement d’associations professionnelles, progressivement plus spécifiques dans leurs objectifs et leur composition (par média, par rubrique, patrons et employés…), qui soient réellement représentatives et dotées d’un minimum de moyens pour pouvoir être réellement actives et influentes.
Trop souvent la formation est présentée comme la solution miracle à toutes les difficultés. Il est vrai qu’elle fait facilement l’unanimité auprès des bailleurs de fonds étrangers et même des journalistes concernés. Elle est absolument indispensable mais n’est réellement efficace qu’à l’intérieur d’un processus où peuvent se conjuguer, au gré des conditions locales et de leur évolution, un certain nombre de dynamiques de fond.
informação, regulamentação, uso social da informação, cidadania, ética dos meios de comunicação, educação a cidadania
, África
Ébauche pour la construction d’un art de la paix : Penser la paix comme stratégie
Expériences et réflexions sur la reconstruction nationale et la paix
L’auteur du texte est le président de l’Institut PANOS, France. Panos est une ONG fondée en 1986, dont la vocation est de renforcer les capacités d’information et de débat démocratique pour un « développement soutenable »; elle est dotée de programmes géographiques et thématiques, dont le programme « pluralisme en Afrique de l’Ouest » (comprenant le pluralisme de l’information). Chaque institut Panos (Londres, Washington, Paris) a ses propres statuts et son budget; Panos international étant une instance de coordination, d’échanges et de recherche de synergies entre des aires géo-culturelles différentes.
Texte envoyé suite à l’appel international à contribution lancé par la FPH pour l’organisation de la rencontre internationale sur la reconstruction du Rwanda (Kigali, 22-28 octobre 1994) co-organisée par la FPH et le CLADHO (Collectif des Ligues et Associations de défense des Droits de l’Homme).
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