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Du « Mouvement pour l’éthique en politique » au Brésil à l’« Action citoyenne contre la misère et pour la vie »

Françoise FEUGAS

10 / 1994

La destitution en septembre 1992 du président Collor pour motif de corruption a profondément marqué la vie nationale brésilienne. Les éléments actifs des milieux syndicaux, professionnels, religieux, artistiques et populaires y ont joué un rôle majeur.

C’est le thème de la nécessaire moralisation de la vie politique lancé par la société civile qui, dès juin 1992, a déclenché les grandes manifestations de rue contre Collor. Ainsi est né le « mouvement pour l’éthique en politique ». Ce mouvement allait reprendre, sous une autre forme, face à l’aggravation de la paupérisation au Brésil. Il y aurait aujourd’hui, sur une population d’environ 150 millions d’habitants, quelque 32 millions de « pauvres » répartis à égalité entre le milieu rural et le milieu urbain. Le 8 mars 1993, les mêmes représentants de la société civile lançaient l’« Action des citoyens contre la misère et pour la vie ». Le 18 mars, le gouvernement créait une commission spéciale présidée par Monseigneur Mauro Morelli afin de proposer des mesures pour combattre la famine, le chômage et la récession.

La naissance du « Mouvement pour l’éthique en politique » comme expression de la société civile

Alors que le scandale de la corruption au plus haut niveau de l’Etat éclaboussait directement le président de la République, des représentants de diverses organisations de la société civile et la Conférence nationale des évêques du Brésil (CNBB) se réunissaient à Brasilia pour une analyse de la conjoncture nationale et tentaient de répondre à la question : que faire face à la démobilisation de la société civile ?

La remobilisation de la société civile était jugée possible autour de la question éthique de la corruption et de la mise en place d’une timide Commission d’enquête parlementaire sur les faits de corruption. C’est de là qu’est partie la proposition d’une « veillée civique » pour le lancement du mouvement. Elle eut lieu le 23 juin 1992, avec plus de 2000 personnes dont plusieurs parlementaires. Le mouvement a gagné la rue à l’heure de la mise en accusation du président Collor devant le Congrès et c’est la pression populaire qui a rendu possible ce qui apparaissait impensable au départ : le vote parlementaire sur la mise en accusation de Collor et sa destitution.

Extrait du manifeste du « Mouvement pour l’éthique en politique »

  • Les entités et personnes qui adhèrent au mouvement recherchent ensemble des alternatives pour une issue à la crise ;

  • Le mouvement a pour objectif de faire le lien entre les composantes de la société civile convaincues que l’éthique en politique et la co-responsabilité de tous les citoyens sont les pierres angulaires des rapports humains à tous les niveaux ;

  • Il importe de créer une société vraiment humaine dans laquelle l’égoïsme, les privilèges, l’impunité cèdent le pas à l’honnêteté, à la solidarité et au progrès social partagé ;

  • La catastrophe sociale causée par le modèle économique libéral manifeste l’urgence d’une véritable démocratie ouverte à la participation de tous aux richesses, à la culture et au bien-être ;

  • Il appartient notamment au Congrès national de défendre l’éthique en politique et le respect d’une Constitution si difficilement acquise.

Il faut demeurer en état de vigilance par rapport à l’éthique et à la démocratie, défendre le fait que la loi n’admet aucune exception (la loi d’exception relève de l’arbitraire) et réaffirmer qu’il ne saurait y avoir de condamnation sans preuve et que nul n’est au-dessus de la loi.

La campagne « contre la misère et pour la vie " ou l’émergence de la citoyenneté

L’idée d’éthique en politique s’est ensuite orientée dans le sens du combat contre la pauvreté absolue : la campagne des citoyens « contre la misère et pour la vie ». Par le consensus qu’elle a fait naître, elle constitue une forme de mouvement social de nature radicalement nouvelle.

« (…)Le Brésil a une immense capacité de résignation sociale, que la misère et la pauvreté ne font qu’aggraver. L’idée de désagrégation du tissu social, de la nation et de la société n’est plus une hypothèse : elle est un fait, là devant nous. Sauf que la société en discute sous d’autres formes comme la violence, la peine de mort ou l’inflation (…)". « Nous avons appris au long des années comment fonctionne le Congrès national et comment il pourrait fonctionner. La procédure de destitution du président de la République nous en a fait découvrir autant sur le président Collor que sur le Congrès lui-même. Fondamentalement le Congrès ne se comporte pas selon ses définitions internes, tout comme les députés ne votent pas selon les directives de leur parti. Le jeu est beaucoup plus complexe. Le Congrès national est comme un cheval qu’on ne peut laisser aller la bride sur le cou. C’est la société civile qui doit tenir les rênes du Congrès ». « (…)Entre la société civile et le Congrès il existe une dialectique complexe et contradictoire. C’est à la société civile qu’il appartient de se situer toujours au-dessus du Congrès. Celui-ci est né pour être guidé, non pour se promener en liberté. Dire cela, ce n’est pas de l’interventionnisme. Certains députés s’insurgent: « nous n’acceptons pas les ingérences ». Nous répondons qu’un Congrès qui n’accepte pas les ingérences (de son peuple)est un Congrès fascisant. A partir du moment où nous lançons un plan de combat contre la misère, nous sommes en droit d’exercer toutes les pressions nécessaires pour pouvoir le mettre en oeuvre. (…) » Extraits des déclarations d’Herbert De Souza, président d’IBASE (Instituto Brasileiro de analises sociais e economicas).

Palavras-chave

Estado e sociedade civil, concepção do Estado, política de deliquência, corrupção, participação popular, sociedade civil, processo de democratização, ética do serviço público, cidadania, movimento social


, Brasil

dossiê

Ébauche pour la construction d’un art de la paix : Penser la paix comme stratégie

Expériences et réflexions sur la reconstruction nationale et la paix

Notas

Fiche rédigée à partir d’un document envoyé suite à l’appel international à contribution lancé par la FPH pour l’organisation de la rencontre internationale sur la reconstruction du Rwanda (Kigali, 22-28 octobre 1994) co-organisée par la FPH et le CLADHO (Collectif des Ligues et Associations de défense des Droits de l’HOmme).

Fonte

Artigos e dossiês

Brésil : le rôle de la société civile in. DIAL, 1993/04/15, 1766

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