M.P.FALL a été la cheville ouvrière de la création d’une Union des Collectivités de l’arrondissement de Tattaguine et il explique ainsi cette naissance : "L’Union des Collectivités de Tattaguine (UCT)est née d’une exigence. En 1986, dans l’arrondissement de Tattaguine, il y avait une multitude de groupements; de femmes, de jeunes, mais ces groupements en général avaient des ambitions limitées à des activités de production. L’idée était de voir comment rendre le pouvoir aux populations pour qu’elles puissent avoir, d’une façon consciente, le choix de leurs activités; qu’elles puissent maîtriser le processus de développement et avoir une force de négociation qui leur permette, dans un contexte très défavorable, de prendre en charge les problèmes de développement. Comme nous tous, dans la zone, souffrons ensemble de tous les problèmes, des communications se sont créées, des gens se sont rencontrés. On a émis l’idée de nous organiser, mais au début, on ne savait pas comment. On s’est dit qu’on allait se rendre à Bamba-Tialène faire une visite d’étude et qu’à partir de là, on allait réfléchir. En fonction des réalités de la région, on verrait comment s’organiser. C’était en 1987.
Au retour du voyage à Bamba-Tialène, nous avons fait des restitutions dans les villages, tous les délégués en ont fait. On pensait créer une organisation. Il y avait deux courants : les initiateurs qui n’étaient pas très pressés et les villageois qui étaient très enthousiastes de ce qui se passait à Bamba. Eux ont voulu tout de suite former des bureaux dans chaque village pour avoir leur organisation. Dans les discussions, on a compris que cette idée de créer tout de suite était plutôt fondée sur l’arrivée éventuelle d’une aide. Au Sénégal, effectivement, beaucoup de groupements s’étaient créés parce qu’il y avait la Caisse Nationale de Crédit Agricole (qui ne prête qu’à des GIE - Groupements d’Intérêt Economique)mais aussi parce que des projets extérieurs disaient : "Organisez-vous et vous aurez de l’aide". Chaque ONG, chaque projet d’aide vient avec sa stratégie; donc les cibles, c’est la population et chacun, comme les hommes politiques, veut avoir sa zone d’intervention. Ils ne tiennent pas compte de ce qui existe déjà. Ils proposent de nouvelles choses alors qu’il y a des initiatives. Ils étouffent tout cela.
Nous avons abondonné des villages pour revenir deux ans après, parce que dans ces villages, au cours du processus, des ONG sont venues proposer 1 million; les gens ont abandonné complètement l’idée d’union et ils ont "bouffé" tout de suite. On les a laissés. Et deux ans après, ils sont revenus : "Vous aviez raison" disent-ils. On s’est alors dit qu’il fallait faire une étude au niveau de chaque village, identifier tous les groupes qui y existaient, essayer de renforcer les activités présentes, peut-être par des cotisations. Cela nous permettait de prendre du temps et de montrer aux gens que ce n’était pas aussi simple de créer une organisation qui va durer.
On a officiellement créé l’association en 1992. En 93, le travail a été ralenti pour voir si il y avait des initiatives. En 94, on a organisé un programme-crédit, un fonds qui tourne, qui va d’un groupe de femmes (sauf exception)à l’autre leur permettant de renforcer leurs activités. Il fallait aussi que ce programme-crédit soit accompagné par la mise en place d’un système de mobilisation de l’épargne.
On s’est dit que pour la communication, il fallait un réseau de bibliothèques villageoises et un système d’information des populations. On allait créer également des regroupements internes en-dessous de l’association : les mouvements de femmes sont alors nés. On allait avoir notre siège, former les gens, réfléchir sur notre avenir. Puis, après des réunions d’information dans les villages, nous avons fait un guide pour susciter d’abord une réflexion pour chaque groupement, et au niveau du village. Chaque village doit réfléchir à ses problèmes. L’ensemble de ceux qui auront fait l’étude et de ceux qui ne l’auront pas faite vont mettre en commun les résultats de leurs réflexions et dégager les éléments qui les concernent tous. Le guide de réflexion est actuellement (1994)parti dans les villages."
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, Senegal, Tattaguine
L’entretien a montré l’importance, pour les associations qui sont nées au Sénégal dans les années 90, de visiter des groupements nés durant les années 75-85. Il leur reste alors un problème; celui de ne pas se laisser aller à imiter les statuts et les activités des premiers. Le cas présenté montre que la réflexion de longue haleine, au niveau des villages et entre les villages, est un préalable à une création autonome.
Entretien effectué par LECOMTE, Bernard.
Maïssa Pape FALL est un ancien instituteur qui a démissionné pour devenir animateur externe d’associations paysannes. De 1982 à 1994, il a contribué à la fondation de 3 Unions locales de groupements.
Entrevista
1994/10/00 (France)
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