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Défendre les droits des victimes de la purification ethnique en ex Yougoslavie

Claire MOUCHARAFIEH

03 / 1994

Les victimes de la purification ethnique en ex-Yougoslavie ne sont pas seulement des prisonniers de guerre ou des civils frappés là où le canon tonne. Ce sont aussi des réfugiés privés de droits, voire d’existence légale, ou encore des hommes et des femmes qui, dans leur lieu habituel de résidence, sont soumis aux licenciements, aux expulsions de logement, au refus de scolarisation des enfants, à la privation de droits civiques et de droits élémentaires.

La résistance à la « purification ethnique » se pose également en termes juridiques. Sans attendre que ce problème soit pris en compte dans le secret des négociations et que des solutions soient trouvées rétablissant le droit des minorités et le statut de réfugiés, des courants de solidarité issus de la société civile sont en train de se mettre en place ici et là en Europe. Créée à partir de plusieurs associations actives en France (Assemblée européenne des citoyens, Comité de soutien au centre anti-guerre de Belgrade, Association Sarajevo, Droit de parole), sous le patronage de la Fédération internationale des droits de l’homme, l’association IZBOR (le « choix » en serbo-croate)veut maintenir vivante l’idée même du droit des individus là où il est sans cesse bafoué.

Le combat d’IZBOR pour la défense des droits et la dignité de quelques victimes n’est pas seulement symbolique :

  • il constitue un message concret en direction de ceux qui pratiquent ou qui profitent de l’épuration ethnique, leur signifiant qu’ils auront un jour à rendre compte de leurs actes.

  • il contribue à attirer l’attention de la communauté internationale sur la nécessité d’oeuvrer à la création d’un cadre juridique international et d’assurer les conditions d’un droit d’ingérence judiciaire, tant du point de vue de la protection des victimes que de la condamnation des bourreaux.

  • il signifie enfin que des citoyens français ne se résignent, ni aujourd’hui ni demain, à voir le droit nié et la démocratie vidée de toute substance, intimement convaincus qu’il n’y aura pas de réconciliation véritable en ex-Yougoslavie sans restauration de la justice. D’où l’idée de créer dès maintenant des conditions qui rendront la paix possible demain.

Les objectifs

Soutenir la réactivation des juridictions nationales, en Croatie, au Kosovo, en Serbie, et là où c’est possible en Bosnie, en aidant à la création d’un réseau d’avocats et de juristes sur place : tel est le premier objectif d’IZBOR. Concrètement, il s’agit d’abord de mettre en place un système de communication entre les membres du réseau, souvent terriblement isolés. Politiquement, cela signifie, par exemple, favoriser le fait qu’un avocat croate puisse défendre, dans sa propre juridiction, une victime ou un plaignant bosniaque, serbe, monténégrin ou un habitant du Kosovo, et vice versa. L’objectif est de rétablir la confiance entre les communautés déchirées. D’où l’idée de lancer une campagne de parrainages d’avocats d’ex-Yougoslavie par les barreaux français.

Les actions menées

Les tentatives de création d’un réseau d’avocats en Bosnie ont jusqu’ici échoué, compte tenu de l’état d’insécurité et de désorganisation générale, mais aussi de la peur des victimes de se porter partie civile.

En revanche, au Kosovo, des actions ont pu être menées contre les atteintes au droit du travail et les licenciements pour raisons ethniques frappant des Albanais de souche. Deux procès ont été intentés à Prizen en février dernier : le premier portait sur le licenciement de 150 postiers suite à un mouvement de grève pour protester contre le limogeage de leur directeur d’origine albanaise. Depuis la création de la nouvelle Yougoslavie (Serbie), aucun Albanais ne peut occuper un poste de direction, et tout refus de signer l’acte d’allégeance au nouveau gouvernement entraîne un licenciement automatique. Le second procès concernait un objecteur de conscience qui avait refusé de prendre les armes pour aller se battre en Bosnie.

En Croatie, les actions ont principalement porté contre des expulsions de logement et la privation de nationalité et des droits civiques. Regroupés dans une commission des droits de l’homme à Zagreb, des juristes ont réussi, par exemple, à empêcher à plusieurs reprises des expulsions collectives, en s’interposant physiquement : au total, une cinquantaine de personnes, Serbes ou Musulmanes, ont pu ainsi sauver leur logement. En Croatie, la majorité des logements est fournie par l’entreprise ou l’administration : la perte de travail entraîne automatiquement la privation de logement. En outre, l’armée croate satisfait ses besoins toujours plus importants en locaux par des méthodes relevant du pur banditisme (expulsion par effraction criminelle)ou de l’arbitraire total (expulsion par décret du Ministère de la Défense). Des initiatives de soutien juridique aux victimes de la purification ethnique sont également en cours à Belgrade et en Voïvodie.

En France, des démarches ont été entreprises auprès de 40 barreaux afin d’organiser le parrainage d’avocats ex-yougoslaves. Concrètement, il s’agit d’envoyer des observateurs juridiques lors de procès, et de soutenir et protéger des avocats dans l’exercice de leur métier. Pour coordonner les efforts du réseau, trois rencontres ont été organisées (deux à Paris et une à Skopje en Macédoine)en présence d’avocats ou juristes de Belgrade, de Zagreb, de Prizen (Kosovo)de Dubrovnik, de Budva (Montenegro)et de Split(Croatie).

Parallèlement, une mission d’information et d’enquête s’est rendue à Zaghreb et à Karvolac pour recueillir le maximum d’informations sur les violations des droits de l’homme et les entraves publiques au droit de la défense. Les possibilités de recours individuels auprès la Cour européenne des droits de l’homme sont en cours d’examen.

Palavras-chave

guerra, defesa jurídica, ação legal, vítima de guerra, paz e justiça, violência étnica, solidariedade, rede de cidadãos, advogado


, Jugoslávia, Franca

dossiê

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Comentários

Avec de modestes moyens, cette association citoyenne prouve que la résistance juridique à la purification ethnique est non seulement nécessaire mais possible.

Fonte

Entrevista

Cette fiche a été rédigée à partir d’un entretien avec Elisabeth ALLES, présidente de l’association IZBOR, 31 rue de Reuilly, 75011 Paris.

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