Un certain nombre de projets de développement cherchant à introduire des innovations techniques en milieu rural rencontrent des échecs, qui sont alors interprétés en référence aux "défauts" (d’attitude, de formation...)du milieu paysan, ou aux insuffisances de la "communication" dans la transmission des connaissances. S’interrogeant sur les conditions de succès de cette transmission, l’organisme IRFED/EDI (France)a élaboré une méthodologie centrée sur la notion de "groupe d’intérêt". Il s’agit d’une structure de dialogue/réflexion/production, composée d’agriculteurs rassemblés autour d’une production donnée, avec des objectifs fixés en commun, en réponse à des préoccupations communes. Dans l’esprit du projet, chaque participant dispose de sa propre parcelle et reste libre du choix de ses moyens techniques. Le groupe d’intérêt constitue un espace privilégié de dialogue autant qu’un interlocuteur privilégié pour les échanges à une échelle dépassant celle du village. Par ailleurs, cette méthodologie vise surtout à aider les agriculteurs à développer leur organisation et à maîtriser leurs entreprises. Dans cette optique, le projet cherche à favoriser l’émergence de fonctions (telles celle de responsable technique).
A partir de 1990, cette méthodologie a été appliquée par IRFED/EDI à l’introduction de variétés végétales dans le secteur de Contuboel (Nord-Est de la Guinée-Bissau), dans le cadre du Programme de recherche paysannale du Département guinéen de recherche agricole. Sa mise en place a été précédée de deux années d’étude des problématiques locales et de premières implantations de variétés testées en station et retenues en fonction des préoccupations exprimées par les agriculteurs. Leur succès a permis de créer un climat de confiance entre agriculteurs et chercheurs.
Les étapes de mise en place des groupes d’intérêt (GI)sont les suivantes : des réunions préparatoires, regroupant l’ensemble des agriculteurs d’un village donné sont tenues au cours desquelles les agriculteurs exposent les problèmes auxquels ils sont confrontés. Ensuite, chercheurs et animateurs formulent une synthèse sous forme de constats et de "problèmes à résoudre" ("comment faire pour que...?"). Au sujet d’un problème donné, des personnes ayant un intérêt commun peuvent alors décider de se réunir en "groupe d’intérêt", soit pour mettre en pratique une proposition d’alternative déjà avalisée, soit pour poursuivre des expérimentations en vue de résoudre le problème. Des thèmes de travail sont fixés pour chaque membre du groupe. Par ailleurs, au-delà de cette organisation au sein du village, des visites sont organisées dans des villages environnants. Après une visite de champs et un échange d’expériences, les agriculteurs(trices)en font un compte rendu public. Les échanges entre groupes d’un même village (éventuellement regroupés en "association villageoise"), puis entre villages voisins, pourraient permettre, respectivement, une réflexion sur les problèmes du développement communautaire du village, et la définition d’une ligne commune de développement. Les associations villageoises pourraient alors devenir de véritables partenaires négociant les politiques régionales de développement avec les autorités.
En 1992, IRFED/EDI a procédé à une enquête d’évaluation des groupes d’intérêt dans le secteur de Contuboel dans le but de déterminer la perception qu’en ont les agriculteurs et de mesurer leur importance au regard des problématiques du développement. Globalement, l’enquête a mis en évidence une certaine diffusion de l’information, entre autres par les voies traditionnelles, et une perception très favorable de ce nouveau type de structure. Ainsi, un certain nombre de GI ont été créés en 1992 sans appui extérieur. Les fonctions de président, trésorier et responsable technique ont été largement adoptées. Les villageois font preuve d’une volonté de gestion, d’organisation, de structuration dont les politiques de développement n’ont jusqu’à présent pas tenu compte. Toutefois, alors que dans l’esprit du projet, chaque participant a sa parcelle, la moitié des GI créés en 1992 fonctionne autrement. Le projet préconise aussi une participation aux GI sans distinction de sexe, d’âge, de statut social, d’appartenance ethnique ; en fait, les trois quarts des GI apparus ont une composition exclusivement masculine ou exclusivement féminine. Dans le contexte du partage traditionnel des activités suivant le sexe, ce n’est pour le moment qu’autour de la culture du niébé (légumineuse)que hommes et femmes peuvent s’associer.
On peut noter que la volonté de regroupement est particulièrement marquée pour la production de riz (pour les femmes)et de céréales (pour les hommes), destinés à la consommation locale, contrairement aux productions commerciales (arachides, coton).
A la lumière de cette expérience, le rapport d’enquête avance qu’il ne saurait y avoir de création d’une dynamique de groupement (dans l’optique d’un développement reproductible)que si cette dynamique est induite à la base par un investissement productif limité et supportable et un processus de consensus social.
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, Guiné-Bissau, Contuboel
Les limites de ce type d’action : d’une part que la dynamique s’essouffle en l’absence d’encadrement ou de hiérarchie interne, et d’autre part que les GI ne s’attaquent qu’aux problèmes simples. Le rapport d’enquête ne revient pas sur ces points -en tout cas, ce type de structure semble s’être diffusé en l’absence d’animateurs. En revanche, il souligne que les GI plus récents fonctionnent de façon différente par rapport à ceux créés initialement. En fait le projet balance entre un certain volontarisme (instaurer un égalitarisme de sexe, de génération, etc. à l’intérieur des GI)et le souci de respecter les traits socio-culturels locaux.
Relatório
CANALS, Jean Sébastien, RITIMO-IRFED; EDI, 1992 (France)
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