5 - Les codes dominants de la communication
10 / 1993
Des animateurs de groupes de base de VCDA ont essayé de définir les codes caractéristiques des pratiques de la communication sociale dans leurs milieux d’action, en se posant la question suivante: "Comment les gens accueillent-ils de nouvelles idées ? Comment celles-ci se répandent-elles dans la société, en règle générale ?"
L’analyse des échanges porte à distinguer trois niveaux d’expérience et de pratiques : celui des moyens de transmission d’idées (journal, radio, télé, conférence, discours, sermon, réunion, discussion, information, meeting de masse, etc.); celui des idées transmises, le contenu des messages; celui des raisons de leur accueil ou de leur refus par telles personnes données. Il apparut vite que les messages sont reçus ou refusés non pas sur la seule considération de leur valeur intrinsèque, mais pour d’autres raisons dont les 7 suivantes sont parmi les principales.
1:l’autorité de la tradition. Le vocable de dharma véhicule l’une et l’autre. Il comprend les rites, les coutumes, les habitudes reçues, les sermons, les pratiques religieuses, les valeurs sociales et cultuelles que ces pratiques rappellent,etc. Le dharma est à concevoir comme un véhicule, parmi d’autres : c’est un sous-système de transmission de messages, qui sont immédiatement acceptés, sans question ni doute, en vertu de l’autorité propre à la Tradition des Anciens, dont les dieux sont les garants. Par ex. l’autorité reconnue aux épopées, celle des livres sacrés, avec l’effroi et la révérence qu’ils inspirent. Leur dimension sacrée est le fondement de leur autorité.
2:la pression et la domination des groupes dominants : c’est par force qu’ils imposent leur volonté à d’autres. Les termes qui les désignent communément sont: les riches, les notables, les gens importants, les leaders, les puissants qui arrivent à soumettre les faibles dépourvus de moyens à leurs intérêts et à leurs idées."Même si les gens ordinaires n’acceptent pas, dans le fond de leur coeur, leurs idées et leurs ordres, ils sont obligés de se montrer d’accord pour des raisons de force majeure (représailles, vengeance, survie)et d’intérioriser des messages qui font leur malheur". C’est ainsi que les classes nanties diffusent une culture qui assure leur exploitation des pauvres.
3: la crainte et la peur. Elles prévalent à divers niveaux: des mères qui ont peur pour leurs enfants et leur mari sont prêtes à croire et faire n’importe quoi pour assurer le bien-être de ceux dont leur existence dépend, et elles agissent de même avec leurs enfants ("Si tu ne m’écoutes pas, le loup te mangera."), menaçant vite de péché, de désastre, de punition pour se faire entendre; des citoyens dépendants obtempèrent aux menaces de politiciens ("Si vous ne votez pas pour moi, ne faites pas ceci...vous n’aurez rien du gouvernement,...ce sera un péché...".
4: les aînés ont par nature une excellence qui fait leur supériorité, les jeunes doivent se rendre à leur avis et les imiter; ce sont les maîtres d’école, les gurus, les dadas, les babas, les swamis, tous les "masters". Il faut les révérer voire les aduler, le doute serait lèse-majesé.
5:le chef, le patron, le directeur, le boss à qui la fonction de direction confère un pouvoir qui oblige à penser comme eux, dont la compétence s’impose de soi, sans question possible: "Je sais ce dont ce parle, je sais mieux que vous, écoutez-moi..."
6: la classe, la caste, la faction, "notre communauté, nous..."Les idées qui circulent dans le groupe d’apartenance sont immédiatement reçues comme vraies."Cela n’a pas cours chez nous": on n’aura pas idée d’accorder de la valeur à des idées trop différentes propagées par d’autres communautés. Le groupe a raison. La raison est d’abord collective.
7: la modernité, celle de la télé, par ex., qui n’est pas seulement un moyen puissant mais un empire autonome en tant que moderne; même fascination avec tout ce qui porte le label moderne.
comunicação, desigualdade social, pressão social, sociologia
, Índia, Pune
Ces analyses forcent à avouer que ce n’est pas la valeur intrinséque d’un énoncé qui en fait la validité et en active la diffusion. D’autres impératifs l’imposent comme vrai, de gré ou de force. Ils sont totalement hétérogènes aux questions en cause. La force, la peur, la domination, l’ancienneté, le pouvoir, le sacré, la fascination du moderne ont la raison pour eux. Ce sont eux qui font la loi dans le domaine de la communication. Leur raison est la meilleure.
Il est clair que ce sont ceux qui sont le plus démunis par ailleurs des moyens de la critique et d’une pensée indépendante qui sont le plus à même de se rendre à ces raisons, fût-ce pour leur malheur. On en retiendra comme conclusion que l’auto-formation de groupes de base doit privilégier l’éveil et la promotion d’une raison autonome autant que la volonté de lutter contre l’injustice. La première injustice et la première atteinte aux droits de l’homme se réfère au droit et aux moyens d’une pensée autonome.
Compte-rendu de réunions de formation à l’analyse sociale dans les groupes de base des animateurs de VCDA = Village Community Development Association,Pune, orgnisées en 1992
Relatório
POITEVIN, Guy, CCRSS=CENTRE FOR COOPERATIVE RESEARCH IN SOCIAL SCIENCES
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