4 - La Communication un système prédéterminé
10 / 1993
Dans les réunions de formation des animateurs ruraux de VCDA, l’étude du problème de la communication est introduite depuis 1992 selon le schéma suivant.
En même temps qu’il se préoccupe des messages qu’il veut transmettre et des initiatives qu’il veut susciter, l’animateur social doit être conscient qu’il existe un préalable à toutes ses interventions, celui des modalités de son rapport individuel ou collectif aux autres, sur lesquelles il doit sans cesse s’interroger. Trois types de question retiendront généralement son attention.
Le premier type de question concerne sa capacité à lier des rapports personnels, les critères selon lesquels il en évalue la forme et la qualité, le degré de confiance et de transparence qu’il est capable de leur donner, l’importance et le statut qu’il leur accorde dans l’ensemble de son travail, le souci qu’il prend de vérifier l’image qu’il projette de lui-même à partir de la façon dont on entre en rapport avec lui, l’étendue et la variété des rapports qu’il réussit à instituer eu égard à la diversité des catégories sociales et aux formes de discrimination qui en régissent les rapports, la forme particulière de ces rapports et de l’image sociale qu’il veut projeter compte tenu des attentes différentes que l’on entretient à son égard, l’identité propre comme personne et comme militant qu’il veut lui-même se donner, le personnage qu’il devient, etc. L’animateur doit être conscient que ces formes de rapport conditionnent la réception du message qu’il porte et prédéterminent l’impact de son intervention, au niveau des comportements et des attitudes. Cela fonctionne comme une sorte de micro-système personnel d’action en quelque sorte préprogrammé, qui commande les gestes et les paroles de l’animateur autant que de ceux qu’il aborde, sciemment ou inconsciemment.
Le deuxième type de problème est celui des moyens de communication. Ce niveau reçoit habituellement l’attention qu’il mérite car c’est celui auquel nous fait penser aussitôt le terme de communication. C’est malheureusement le seul qui vient à l’esprit. C’est un micro-système de nature technologique. L’animateur doit en apprendre les mécanismes.
Un troisième niveau est celui de la communication comme système de rapports sociaux. Il s’agit d’une configuration sociale permanente qui gère la transmission de messages dans la société en son ensemble, au même titre que d’autres systèmes de rapports règlent l’organisation du travail et les relations entre travailleurs. Ce système détermine d’avance qui transmet quoi, dans quel lieu, sous quelle forme, qui écoute qui ou n’écoute pas, quelle sorte de messages sont censés être passés ou non, qui a autorité ou non pour communiquer, l’intensité de l’écoute, le déroulement du processus d’interaction.
Pourquoi convient-il d’étudier tout spécialement ce troisième niveau ? C’est parce que l’animateur, comme tout autre, appartient à une famille, une caste et un village, autant de déterminations sociales qui grèvent les rapports de communication qu’il cherche à établir, et d’abord restreignent le cercle de ceux avec qui il se trouve plus ou moins de plain pied pour communiquer. Il ne communique en vérité à égalité et de façon à priori transparente que dans le petit cercle de ses égaux, son groupe d’action local où on partage les mêmes vues. Dés qu’il en sort, son message est soumis à toutes les interférences et les obstacles que lui impose obligatoirement la configuration des rapports de communication qui modèle les rapports humains dans l’ensemble de la société, compte tenu de son propre statut dans cette société.
En conclusion, de même qu’il y a des structures sociales qui règlent les actes de chacun, ces mêmes structures déterminent les façons de communiquer. Celles-ci sont multiples, selon les castes, les catégories sociales, les lieux, les temps, les jours, les occupations,les circonstances, l’habit, la saison, le genre. Il faut comprendre ces façons, les atouts et les limites de chacune, afin de mesurer les chances qu’ont nos interventions d’être reçues, si elles en ont; sinon, nous saurons du moins quelles transformations il faut apporter dans ce système pour que nos messages portent mieux.
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, Índia, Pune
La dificulté pour les animateurs villageois est de penser les rapports d’inégalité entre catégories sociales en termes de formes de communication. Le profit particulier de ce cadre théorique d’observation est de centrer celle-ci sur les gestes, les comportements quotidiens, les paroles, les styles d’adresses, etc. qui mettent en scène les rapports de domination/sujétion. Par exemple, la façon dont un notable de village est traité par un expert urbain et comment l’un et l’autre s’adressent à un ouvrier agricole, les différentes façons de s’adresser à une femme selon sa caste, son habit, son maquillage et son physique, la façon dont un instituteur se comporte avec les divers élèves dans sa classe et en dehors de celle-ci, etc. L’attention portée à ce jeu social, surtout facile à des enfants et des jeunes, peut aisément conduire à le rejouer sous forme de jeux de rôles, de sketches, de théâtre de rue, ces exercices s’avérant en retour d’excellents atouts d’analyse sociale de la communication.
Compte-rendu de sessions de formation d’animateurs ruraux : cadre d’échanges proposé aux groupes de base de VCDA = Village Community Development Association, pour guider leur réflexion sur leur pratique d’acteurs sociaux.
Relatório
POITEVIN, Guy, CCRSS=CENTRE FOR COOPERATIVE RESEARCH IN SOCIAL SCIENCES
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