2 - Choix des formes
10 / 1993
Les 15 femmes animatrices et les 2 animateurs du groupe d’étude de VCDA sur le phénomène du rejet de jeunes épouses par leur belle-famille, trouvèrent de multiples raisons à ce renvoi comme au harassement des brus par leur mari et beaux-parents. Une analyse fouillée en groupe différant totalement d’une action dramatique projetant les résultats de cette analyse sur la place du village, la première question que rencontra leur désir de les mettre en scène fut celle du choix du sujet de leur action dramatique et la deuxième celle de la forme d’expression physique à trouver. Mais comment choisir ? Il fut décidé de choisir sujets et formes qui se prêteraient le mieux à un représentation visuelle : se suicider par le feu, se jeter dans le puits, des beaux-parents soupçonneux, la polygamie, des dots exorbitantes. Les deux premiers thèmes furent immédiatement choisis parce que le groupe avait été particulièrement impressionné par le récit de deux faits récents de tels suicides.
Ces cinq thèmes centraux étant sans lien entre eux, comment passer scéniquement de l’un à l’autre ? Il fut décidé de les relier par une danse circulaire accompagnée d’un chant. Car cette forme correspondait aux rondes dont la pratique est coutumière aux femmes lors des fêes de Gauri et de Nag Pancami. Quant aux chants d’accompagnement, certains furent choisis parmi ceux connus des groupes d’action culturelle de VCDA et d’autres pour leur relation avec la tradition, mais tous relatant la difficulté de la condition féminine.
La pièce devant se jouer sur une place publique, en plein air, le groupe entier des actrices et acteurs allait rester en permanence présent et visible, au centre de l’attroupement des spectateurs attirés par le spectacle, chaque acteur intervenant au centre du cercle selon les exigences de son rôle. Mais tous n’ayant pas à tenir un rôle précis dans une scène en même temps, il fut décidé que celles qui n’avaient pas de rôle spécifique projetteraient sous forme de mimes muets, selon l’inspiration du moment, les divers travaux de la vie quotidienne d’une femme de la campagne, dans le but de maintenir continuellement des images concrètes de la condition féminine comme arrière-fond sans cesse visible de l’ensemble des scènes : ramasser le fumier de l’étable, moudre et piler, aller à l’eau et au bois, faire la cuisine, s’occuper des enfants, balayer et ranger, travailler aux champs, etc.
Les principaux rôles pour chaque scène furent attribués. Comme il fallait s’attendre à ce que parfois des participantes soient empêchées de venir pour diverses raisons, il fut envisagé qu’en principe chacune devrait pouvoir au dernier moment se substituer à une compagne manquante et donc être suffisamment au fait de l’ensemble des rôles ou du moins de tels ou tels.
Les mimes muets n’interféraient pas avec les scènes principales. Il fut cependant décidé que des actrices, à des moments précis, seraient à moudre et chanteraient des chants de la tradition orale séculaire des chants de femmes à la meule, afin de projeter le sens de la condition féminine tel que cette tradition l’articulait déjà avant que les chants actuels des groupes de VCDA l’expriment en termes plus modernes et plus critiques. Il fallait montrer l’absence de rupture de continuité avec le passé. Ces chants étaient aussi destinés à permettre à des villageoises plus anciennes de se reconnaitre dans la représentation. Cinq chants furent soigneusement choisis par le groupe comme particulièrement consonants avec le message de la pièce.
A un moment de l’apprentissage, il fut jugé opportun de demander à chaque actrice d’avoir une représentation visuelle globale des moments et des mouvements particuliers de chaque scène et de l’ensemble des scènes dans leur enchaînement pour qu’elles maîtrisent mieux tout le déroulement de l’action. Chaque scène fut projetée graphiquement sur un panneau puis sur un tableau avec les déplacements et les emplacements de chacun. Le succès de ce détour s’avéra très relatif : les actrices sont loin d’être habituées à une vision écrite de la réalité et encore moins de leurs comportements dans l’espace. Il s’avéra par contre que l’usage d’une camera video et d’un écran de TV qui aurait immédiatement montré les gestes et les comportements réels aurait été des plus précieux pour permettre aux actrices de visualiser leurs propres gestes aussi bien que les mouvements de toutes.
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, Índia, Pune, Maharashtra
Le rapport entre expérience sociale, réflexion analytique, jugement critique et articulation scénique se noue ici en fonction, à la fois, d’un contexte socio-historique défini et en vue d’induire un processus de transformation de ce contexte donné. Toute action dramatique se doit d’être ainsi localisée et personnalisée pour être vraiment porteuse d’un message qui frappe. C’est la spécificité de cette forme et sa pierre de touche.
Ces paysannes retrouvent, dans un autre temps et un autre environnement socio-culturel, l’intention d’aînés dont elles n’ont malheureusement pas pu recueillir l’héritage, bien qu’il ne soit guère loin d’elles dans le temps, mais les mouvements socio-culturels populaires se succèdent souvent de façon discontinue faute d’archives, d’historiens et surtout d’institutions pour en maintenir la vie sur plusieurs générations : le recours à des formes populaires de comédie, de chant et de danse collectifs, par J. Phule, A. Sathe, Rashtra Seva Dal et de nombreux autres groupes d’action aujourd’hui en Inde.
Compte-rendu d’expérience d’auto-éducation à la communication dramatique
VCDA = Village Community Development Association
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