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Le problème central du logement

Association Raconte-nous ton histoire

01 / 2011

Au cours des rencontres entre habitants et institutions organisés dans le quartier de Belleville à Paris dans le cadre du projet DiverCité, la question du logement est apparue comme un thème central d’incompréhension et de conflit. C’est l’un des domaines où s’expriment le plus de frustrations.

L’importance du logement tient bien sûr pour partie à la spécificité des conditions locales. Paris en général, et Belleville et le XIe arrondissement en particulier, souffrent d’un déficit de logements abordables et/ou appropriés pour des familles. Cela a des conséquences significatives sur les modes de vie, et donc par contrecoup sur les relations sociales et le rapport des gens avec les autres institutions. Le type de logement existant sur le quartier explique ainsi pour partie le phénomène constamment évoqué et déploré des bandes de jeunes enfants qui traînent dans les rues jusque tard dans la soirée (voir Comment peut-on laisser ses enfants dans la rue le soir à Belleville ?). Pour autant, il faut aussi noter qu’en général les gens ne veulent surtout pas aller habiter en banlieue : ils ont le sentiment qu’ils y bénéficieraient de moins d’avantages sociaux et personnels qu’à Paris ; ils peuvent aussi avoir peur des mauvaises influences qui pourraient s’exercer sur leurs enfants.

Comment expliquer que le problème du logement et les difficultés qu’il comporte se traduise en frustrations vis-à-vis des institutions, du système social français dans son ensemble, et de leurs représentants sur le quartier ? Cela peut paraître étonnant de prime abord dans la mesure où les services logement des mairies ne sont nulle part en première ligne des relations entre habitants et institutions. De même, le logement ne figure pas parmi les dispositifs qu’on associe spontanément à la protection et à l’aide sociales. Le « droit au logement » plein et entier ne figure pas parmi les droits sanctifiés et reconnus par l’État. Ou, plus précisément, c’est un droit où l’écart est particulièrement important entre l’affirmation de principe et les dispositifs réellement mis en place (modestes et indirects) : logement social, aide au logement versée sous condition de ressources par la Caisse d’allocations familiales, logement d’urgence si nécessaire pour des familles dans le besoin. Cet écart tient à ce que le droit au logement demeure subordonné en France au droit du respect de la propriété privée – il ne peut dès lors être rendu effectif que de manière limitée et contournée.

Ce type de contradiction entre le principe affiché (ou attendu) et la réalité concrète ne peut que générer des déceptions (voir Trop de droits et pas assez de devoirs ?). Et ce d’autant plus que les problèmes de logement ont, comme on l’a dit, un impact déterminant sur l’ensemble des conditions de vie (ne serait-ce que sur les revenus), et même sur le sentiment de dignité des personnes. Quand il ne tient qu’à l’État que l’on puisse rester dans son logement d’un jour ou d’une semaine sur l’autre, comme pour des familles vivant dans des hôtels meublés au titre du logement d’urgence, le sentiment de dépendance et de précarité ne peut qu’en être exacerbé. Il en va de même lorsque les conditions de logement d’urgence sont particulièrement sordides, comme c’est souvent le cas. En retour, il y a tout lieu de penser que le renforcement du droit au logement fait sens non seulement en soi, au niveau du principe, mais aussi pour le bon fonctionnement de notre système de protection sociale dans son ensemble.

Les contradictions et les limites du droit au logement résultent en effet sur des situations qui peuvent paraître à bien des égards aberrantes, en particulier aux yeux des personnes concernées. Une situation maintes fois évoquée et déplorée au cours des discussions organisées dans le cadre du projet DiverCité est celle de familles bénéficiant de logements d’urgence dans des hˆôtels meublés sur de longues durées, alors que le prix payé par elles-mêmes ou directement par l’État est largement supérieur aux tarifs pratiqués dans le logement privé normal (et l’on sait qu’ils ne sont pas particulièrement favorables) et à plus forte raison dans le logement social. Une femme qui vivait depuis 8 ans en hôtel meublé a ainsi déclaré avoir fait ses calculs et constaté qu’avec tout l’argent déboursé (en majorité par l’État) durant cette période elle pourrait aujourd’hui être propriétaire d’un studio. Une autre femme racontait que, vivant en meublé avec son mari et ses enfants en bas âge, on lui avait indiqué un logement inoccupé à squatter, dont le propriétaire était décédé depuis plusieurs années, mais que son assistante sociale avait essayé de l’en dissuader à toute force, comme si elle jugeait plus satisfaisant que l’État français paie 4000 euros par mois pour une petite chambre d’hôtel. À ceci s’ajoutent les plaintes sur les conditions de logement (saleté, rats) ou encore sur d’autres types d’aberrations comme l’absence de cuisine dans les logements d’urgence proposés, qui oblige les familles à manger à l’extérieur et donc à dépenser de précieuses sommes inutilement.

Les dysfonctionnements spécifiques aux règles du logement social sont également une source importante de récriminations. Certains de ces problèmes sont structurels, comme le manque relatif de logements assez grands pour des familles nombreuses comme le sont beaucoup de familles migrantes. Mais les principaux problèmes sont liés aux rigidités de l’attribution des logements sociaux : le fait que les gens puissent garder leurs logements sociaux avec de grandes surfaces même lorsqu’ils sont devenus plus riches ou même lorsque leurs enfants ont quitté le foyer parental ; le fait que même ceux qui le souhaitent n’ont pas la possibilité de demander un logement plus petit ; le fait que quand on a accepté un logement de deux pièces on n’arrive jamais à avoir un logement plus grand même si on a eu trois enfants entre-temps… Au vu de la situation, il y a sans doute besoin de revoir ces règles, par exemple en instituant un véritable contrôle des conditions d’attribution tous les 5 ou 10 ans, même si cela doit remettre en cause des avantages acquis. Il y a aussi des problèmes de moindre importance ou plus ou moins inévitables, mais qui peuvent aussi donner un certain sentiment d’absurdité, comme le fait de proposer un logement tout électrique, et donc où le chauffage reviendra plus cher, à quelqu’un qui a déjà à peine les moyens de payer son loyer. À l’évidence, tous ces problèmes se posent autant aux familles « de souche » qu’aux familles migrantes, mais ces dernières présentent certaines spécificités qui les rendent souvent plus aigus.

Palavras-chave

acesso a moradia, moradia, moradia social, migração


, Franca, Paris, Belleville

dossiê

DiverCité : « Migrations, interculturalité et citoyenneté en France : enseignements d’un dialogue avec les institutions et les habitants dans le quartier parisien de Belleville »

Notas

Ce texte fait partie du dossier « Migrations, interculturalité et citoyenneté », issu d’un ensemble de débats et de rencontres organisées dans le quartier de Belleville à Paris entre 2004 et 2009, avec des habitants (issus des migrations ou non) et des représentants de diverses institutions présentes sur le quartier. Les textes proposés dans le dossier reprennent les principaux points saillants de ces discussions, dans le but d’en partager les leçons.

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