español   français   english   português

dph participa da coredem
www.coredem.info

diálogos, propuestas, historias para uma cidadania mundial

Culture libre pour une société libre

V. Sasi KUMAR

06 / 2011

Quelles sont les raisons qui poussent un groupe de personnes à lancer le projet cinématographique Chamba Swatantra à Calicut ? Comment le monde est-il passé des droits d’auteur sur le savoir, apparus au cours des XVIème et XVIIIème siècles et codifiés par le Statut d’Anne, aux logiciels gratuits, au savoir gratuit et à la culture libre ? Et quand cette révolution de notre manière de penser et de créer est-elle arrivée en Inde ?

Le 31 janvier 2011 a eu lieu une rencontre inhabituelle à l’Institut National de Technologie de Calicut, dans le Kerala. Les participants étaient un groupe de jeunes parmi lesquels des militants du mouvement Free Software du Kerala, des personnes qui ont contribué à libérer les logiciels et à réaliser la localisation des logiciels libres en Malayalam. Certains s’intéressaient à l’animation, d’autres avaient de l’expérience en animation 3D. Un projet lancé quelques mois plus tôt est à l’origine de cette réunion. Ce projet visait à créer un film d’animation 3D dans le cadre d’un travail collectif en utilisant Blender et d’autres logiciels libres.

Blender est un logiciel de modélisation 3D, d’animation et d’édition non-linéaire. A l’origine, c’était un logiciel de marque déposée, puis l’entreprise a traversé une période difficile et le logiciel a été racheté par un groupe incluant ses concepteurs et des utilisateurs convaincus. Ils l’ont lancé sous licence publique générale (GNU General Public Licence), ce qui a rendu le logiciel libre de droit, téléchargeable et utilisable par tous.

La Fondation Blender, qui a été créée pour soutenir le logiciel par la suite, a réuni des animateurs pour créer des courts-métrages d’animation (Elephant’s Dream, Big Buck Bunny et Sintel) disponibles en téléchargement libre.

Alors que l’objectif de la Fondation Blender était de démontrer les capacités des logiciels, les jeunes enthousiastes qui se sont réunis à Calicut (aujourd’hui connue sous le nom de Kozhikode) souhaitaient montrer que des produits culturels tels que les films pouvaient être créés par une communauté et distribués librement – ce qui s’oppose au paradigme actuel selon lequel la culture est vue comme une industrie et une source de profits. Le projet est appelé Chamba, selon l’usage lancé par la Fondation Blender de donner à ses projets de films libres des noms de fruits. Tout a commencé par la proposition d’un jeune vétéran des logiciels libres, Praveen, qui lui a également donné son nom. Les détails du projet peuvent être consultés sur Chamba Project.

Les lecteurs s’interrogent peut-être quant au but visé par une telle activité. Créer un film implique un grand effort de la part d’un certain nombre de personnes, de l’expertise et un investissement financier. Si le produit est distribué gratuitement, comment les coûts seront-ils compensés ? Et avec peu de chances que l’argent investi soit récupéré, qui sera prêt à investir au départ ?

Il est compréhensible que certains considèrent cette idée comme complètement utopique. Mais de telles idées révèlent que les temps changent. Nous sommes à une époque où les produits qui étaient fabriqués par des entreprises à la recherche de profits sont de plus en plus créés par des groupes d’individus pour le plaisir. Les logiciels libres et Wikipedia en sont de très bons exemples.

Logiciels libres

Il y a environ un quart de siècle, un homme a décidé que les logiciels étaient comparables au savoir et que, pour cette raison, ils devraient être libres de droit (avec la notion de « liberté »). Ainsi, les logiciels devraient être accessibles aux utilisateurs avec la liberté non seulement de les utiliser comme ils l’entendent, mais aussi de les partager, de les modifier et de les redistribuer. Il a donc commencé à concevoir des logiciels qui pouvaient être distribués librement. Il a nommé ces logiciels « logiciels libres », soulignant autant que possible que le mot « libre » faisait référence à la liberté (freedom en anglais) et non au prix (afin d’éviter la confusion, on utilise en français le mot libre et non gratuit ; en Inde, on parle de logiciels swatantra, libre, indépendant). Il a aussi créé une licence sous laquelle de tels logiciels pouvaient être distribués. Il l’a nommée la Licence Publique Générale. Celle-ci s’appuie sur des clauses de la loi sur les droits d’auteur pour rendre les logiciels disponibles gratuitement plutôt que d’en restreindre l’accès. Il a aussi fondé une organisation afin de faire connaître ses idées. Le projet de création de logiciels libres a été nommé GNU (abréviation de « GNU’s Not UNIX », littéralement « GNU n’est pas UNIX »). L’organisation, nommée Fondation Free Software, est basée à Boston, aux États-Unis. Les conditions de la licence ont aussi rendu les logiciels disponibles librement (gratuitement), ce qui signifiait qu’il n’était pas facile pour les concepteurs de logiciels libres de les vendre à bon prix car ils étaient disponibles en téléchargement sur Internet. C’est ainsi qu’est né ce que Yochai Benkler de l’Université de Droit de New York a appelé la « production en réseau à partir d’un espace commun de possession ».

Un grand nombre de personnes ont considéré à cette époque que cette idée était insensée. Qui voudrait créer des logiciels pour les distribuer à titre gracieux ? Mais progressivement, de plus en plus de personnes l’ont rejoint afin de créer ce qui est aujourd’hui un merveilleux éventail d’applications et de systèmes d’exploitation qui empiètent sur le marché des logiciels conçus et vendus par des entreprises. Ces logiciels ont gagné en notoriété non seulement sur les serveurs et les ordinateurs personnels mais aussi sur les téléphones portables. Aujourd’hui, le segment qui progresse le plus sur le marché des téléphones portables est celui qui possède le système d’exploitation Android, qui fait partie des logiciels libres. Firefox, un moteur de recherche de plus en plus populaire grâce à ses caractéristiques et ses capacités de prévention contre les logiciels malveillants, est un autre exemple de logiciel libre. On peut aussi citer Open Office, une suite Office très puissante, et Apache, un serveur internet très répandu, qui fait tourner environ 65% des serveurs web. Les services du réseau internet couramment utilisés Google et Yahoo! fonctionnent aussi via des logiciels libres.

L’homme qui a lancé cette révolution est Richard Stallman, le leader du mouvement Free Software et le héros de millions d’utilisateurs de logiciels libres.

Aujourd’hui, plusieurs entreprises œuvrent dans le commerce des logiciels libres. Parmi les plus connues, on peut citer Red Hat (l’une des pionnières du marché), Canonical (qui a créé Ubuntu, la version très en vogue de GNU/Linux), et Mandriva (très prisée par les nouveaux utilisateurs). L’Inde a sa propre version officielle du système d’exploitation développé par CDAC et l’Université Anna (appelée Bharath Operating System Solution, ou BOSS) et qui est disponible dans toutes les langues indiennes par défaut ; la Chine aussi a sa version officielle, Yellow Dog.

De jeunes ingénieurs et étudiant indiens ont permis au bureau GNU/Linux d’afficher tous les menus et les icônes dans des langues indiennes. Tout cela est possible grâce aux libertés inscrites dans la licence. Le Kerala n’utilise que des logiciels libres dans ses écoles et recommande les logiciels libres pour toutes les utilisations publiques ; l’État a aussi mis en place le Centre International pour les Logiciels Libres et Open Source (ICFOSS) à Thiruvananthapuram. Le gouvernement d’Assam suis la même voie, et d’autres États comme le Karnataka et le Gujarat font également passer les écoles aux logiciels libres. Le gouvernement indien lui-même envisage de recommander les logiciels libres pour l’éducation publique. Et l’Inde n’est pas seule sur cette voie. De nombreux pays, du Brésil à l’Uruguay, en passant par la Chine et le Venezuela, présentent des politiques favorables aux logiciels libres. Le Paraguay est en train de créer un Centre pour les Logiciels Libres. En 2000, dans le pays qui a inventé les ordinateurs et Internet, le Comité Consultatif du Président Américain pour les Technologies de l’Information a recommandé au gouvernement fédéral de miser sur les logiciels libres comme choix de stratégie nationale afin de maintenir l’avance des États-Unis dans le domaine décisif du développement de logiciels.

Et plus important encore, le mouvement des Logiciels Libres (Free Software movement) a également influencé d’autres domaines de l’activité humaine. Par exemple, Samir Brahmachari, alors directeur de l’Institut de Génomique et de Biologie Intégrative (IGBI), un laboratoire de recherche public sous l’autorité du Conseil de la recherche scientifique et industrielle (Council for Scientific and Industrial Research, CSIR), a lancé en 2007 le Programme de Découverte Pharmaceutique en Open Source (Open Source Drug Discovery Programme) afin de voir dans quelle mesure cela pouvait apporter à la recherche pharmaceutique ce que le mouvement des logiciels libres avait apporté au monde des logiciels.

Mais concentrons-nous sur les domaines du savoir et de la culture.

Wikipedia

Ici encore, c’est Stallman qui a suggéré la nécessité d’une encyclopédie libre permettant à quiconque d’utiliser ou de partager son contenu. C’est ainsi que Wikipedia est née. Aujourd’hui, Wikipedia est clairement la plus grande encyclopédie, avec des articles dans 250 langues, et en constante progression. Dans la seule langue anglaise, il existe déjà plus de 3,5 millions d’articles. Et chacun peut librement y accéder et utiliser l’intégralité des textes et des photos publiés, quel qu’en soit l’objectif. Actuellement, tout le contenu de Wikipedia est sous licence Creative Commons - Partage des Conditions Initiales à l’Identique 3.0 (Creative Commons Attribution-ShareAlike 3.0). Ce qui signifie que l’ensemble du contenu peut-être utilisé à quelque fin que ce soit dans sa forme originale ou modifiée, afin de répondre à tous types d’objectifs, sans permission particulière de la part des auteurs. Ainsi, il est possible de compiler des articles de Wikipedia jugés utiles pour des élèves d’école, de les imprimer et d’en vendre des copies, à condition que cela réponde aux critères spécifiés par la licence. Il est même possible de traduire les articles dans une autre langue et de les distribuer tant que les lignes directrices de la licence sont respectées.

Alors, qui a contribué aux articles de Wikipedia ? Ils ont été écrits par des personnes comme nous, des personnes qui ont considéré que cela valait la peine de consacrer du temps à une cause commune. Des personnes qui n’ont pas considéré que tout ce qu’elles faisaient devait leur rapporter de l’argent. Il est dommage que de nombreuses personnes considèrent aujourd’hui que les seuls retours qu’ils peuvent recevoir soient sous forme d’argent ; ils oublient que nombre d’entre nous font des choses pour le simple plaisir qu’elles nous procurent. Pensez au jardinage, à la peinture, ou même à l’écriture créative (comme la poésie ou la fiction). Il existe des personnes ayant des postes à grande responsabilité et qui apprécient encore les choses simples comme le jardinage. Ou la cuisine. Ou même le fait de conduire leur propre voiture ! Ainsi, si un professeur d’histoire passe un peu de son temps à rédiger un article pour Wikipedia, il est possible que non seulement il apprécie de le faire, mais aussi que cela devienne une ressource à faire lire à ses étudiants. Le fait que tant d’articles soient écrits dans autant de langues différentes est un indicateur significatif du fait que les personnes trouvent qu’il est intéressant et utile de contribuer à un projet communautaire tel que Wikipedia. Et sans en attendre aucun gain financier ni même de la reconnaissance ou de la gloire ! Ceci aurait été inimaginable il n’y a pas si longtemps.

Les gens ont douté de la fiabilité de l’information publiée sur Wikipedia. Mais ce n’est plus le cas. Une étude réalisée par le célèbre journal scientifique Nature, basée sur 2000 articles, a montré que les articles Wikipedia ne présentaient que 4 erreurs en moyenne alors que la vénérée Encyclopaedia Britannica en présentait 3 ! Récemment, une étude concertée menée par Adam Brown, un politologue de l’Université de Brigham Young, a révélé que Wikipedia était une source fiable pour obtenir des informations politiques. En effet, le phénomène Wikipedia, son mode de fonctionnement et la manière dont les communautés résolvent des conflits, etc., sont devenus des sujets d’études détaillées dans le monde universitaire.

Droits d’auteur

Une question tout naturelle pourrait-être : qu’en est-il des droits d’auteur ? Aujourd’hui, ceux-ci sont considérés comme un droit automatique qui revient au créateur pour sa création. Comme Lawrence Liang l’écrit : « Le plus grand succès du concept du droit d’auteur a été son élévation au rang de mythe à travers la constante mobilisation de certaines figures familières (le pauvre auteur peinant à vivre de son art), des arguments (tout travail mérite salaire) et des données rhétoriques (des milliards de dollars perdus à cause du piratage). » (Copyright/Copyleft)

Il est intéressant de rappeler comment sont nés les droits d’auteurs. C’est la Reine Anne d’Angleterre (1665-1714) qui a été la première à promulguer une loi qui se rapproche des droits d’auteur d’aujourd’hui. Connue sous le nom de Statut d’Anne, cette loi accordait aux auteurs le droit de donner la permission aux imprimeurs d’imprimer et de vendre leurs œuvres. Cette loi elle-même a fait suite à des droits d’exclusivité donnés auparavant afin de publier des ouvrages en Angleterre, afin de contrôler quels livres étaient publiés. Il serait peut-être préférable ici de citer Wikipedia :

« Les origines des droits d’auteur dans la plupart des pays européens résultent des efforts menés par les gouvernements afin de réguler et de contrôler la production des imprimeurs. Les technologies d’impression ont été inventées et largement diffusées au cours des XVème et XVIème siècles. Avant la presse écrite, les écrits ne pouvaient être physiquement multipliés que par des processus hautement laborieux et sujets à des erreurs liées à la copie manuelle. L’impression a permis de produire de multiples copies exactes d’une œuvre, ce qui a conduit à une circulation étendue et rapide des idées et de l’information. Alors que les gouvernements et l’Église ont encouragé l’impression de diverses manières, permettant ainsi une diffusion de la Bible et des informations gouvernementales, des œuvres contestataires et critiques ont aussi pu être diffusées rapidement. Par conséquent, les gouvernements ont établi un contrôle sur les imprimeurs dans toute l’Europe, exigeant d’eux de posséder des licences officielles pour commercialiser et produire les livres. Typiquement Les licences ont donné aux imprimeurs le droit exclusif d’imprimer certains ouvrages pour une période déterminée de plusieurs années et ont permis aux imprimeurs d’empêcher les autres d’imprimer ces ouvrages pendant cette période. Les licences ne pouvaient que garantir les droits d’impression sur le territoire de l’Etat qui les avaient attribués, mais ils interdisaient alors l’importation d’impressions venues de l’étranger.

« En Angleterre, les imprimeurs, connus sous le nom de stationers, se sont réunis en une organisation collective, l’Honorable Compagnie des papetiers et fabricants de journaux (Worshipful Company of Stationers and Newspaper Makers), plus communément appelée le Registre des Libraires (the Stationers’ Company). Au XVIème siècle, le Registre des Libraires a reçu le pouvoir d’exiger que tous les livres imprimés légalement figurent dans leur registre. Seuls les membres du Registre des Libraires pouvaient recenser les livres dans le registre. Le Registre des Libraires a donc fini par avoir un rôle déterminant dans la publication au XVIIème siècle en Angleterre (aucun accord équivalent n’a été conclu en Écosse ou en Irlande). Mais le monopole attribué au Registre des Libraires par le Licensing Act de 1662 a pris fin quand le Parlement a décidé de ne pas renouveler la loi après son expiration en mai 1695. »

Au cours du règne de la Reine Anne, le nouveau Parlement unifié d’Angleterre et d’Écosse a voté la loi sur le droit d’auteur (Copyright Act) de 1709, dont l’intitulé formel est la loi pour l’encouragement à l’apprentissage, en attribuant les copies des livres imprimés aux auteurs ou aux acheteurs de ces copies, au cours de la période mentionnée à cet endroit (« An Act for the Encouragement of Learning, by vesting the Copies of Printed Books in the Authors or purchasers of such Copies, during the Times therein mentioned »), plus connue sous le nom de Statut d’Anne. Cette loi a pris effet en 1710.

L’objectif déclaré de la loi était « d’encourager les érudits à rédiger et écrire des livres utiles ». Cela n’était manifestement pas considéré comme un droit naturel, mais comme un « encouragement pour les érudits » afin que la société puisse bénéficier de leur travail. Cet « encouragement » s’est produit sous la forme d’un partage des recettes réalisées par la vente des copies imprimées de leurs œuvres. Et le droit exclusif de l’auteur a été étendu à une période de 14 ans, avec la possibilité de le prolonger de 14 années supplémentaires.

La loi sur les droits d’auteur a finalement été adoptée par de nombreux pays et soumise à des traités tels que la Convention de Berne de 1886 (révisée plusieurs fois depuis) et la Convention de Genève de 1952. Après plusieurs changements, aujourd’hui, dans quelques pays, elle attribue des droits exclusifs au détenteur des droits pour une période allant jusqu’à 60 ans après la mort de l’auteur.

De nombreuses personnes considèrent qu’il n’est pas raisonnable de faire valoir un droit d’exclusivité pour des périodes aussi longues. Et beaucoup pensent que toute nouvelle œuvre se construit à partir des œuvres existantes. En d’autres termes, rien n’est réellement nouveau. Les partisans d’une restriction des droits d’exclusivité sur une longue période, ou même valable à vie, considèrent que ces lois soutiendraient l’art en obligeant les personnes à innover et à créer des choses originales et non pas simplement revisiter des œuvres existantes. Mais leurs opposants soulignent qu’aucune œuvre n’est véritablement originale. « L’image de l’auteur comme une source d’originalité, un génie guidé par quelque inspiration secrète pour créer des œuvres d’art grâce à un débordement spontané de sentiments puissants, est une invention du XVIIIème siècle, » disent-ils (Anna Nimus, Copyright, Copyleft and the Creative Anti-Commons). Et rappelez-vous de la célèbre phrase de Sir Isaac Newton’s : «Si j’ai vu si loin, c’est que j’étais monté sur des épaules de géants », dans une lettre à Robert Hooke, le 16 février 1676. Il faisait en fait référence à une ancienne métaphore latine (Nanos gigantium humeris insidentes) qui signifie « Celui qui développe ses futures facultés intellectuelles en comprenant les recherches et les œuvres créées par de remarquables penseurs historiques».

La culture à l’âge des technologies de l’information

Quoi qu’il en soit, nous savons que de la grande musique et de la grande littérature sont nées en Inde, et dans d’autres pays d’ailleurs, à l’époque où il n’y avait pas encore de droit d’auteur. Les créateurs étaient souvent soutenus par les rois, ou par le public (Tyagaraja a renoncé à sa vie dans la cour d’un roi, par exemple). Les rois sont partis, et à leur place nous avons des gouvernements du peuple, par le peuple et pour le peuple. Ils peuvent, et doivent, soutenir les créateurs qui en ont besoin. A moins que le public ne s’en charge, comme pour le groupe de musique britannique Radiohead.

Radiohead est un groupe de rock alternatif anglais originaire d’Abingdon, dans l’Oxfordshire. Formé en 1985, le groupe a été classé 73ème dans la liste des meilleurs artistes de tous les temps du magazine Rolling Stone en 2005. Leurs six premiers albums ont été vendus à plus de 25 millions d’exemplaires en 2007. Leur 7ème album, In Rainbows (2007) a initialement été publié en téléchargement numérique sur leur site internet. Il n’y a ni CD à acheter, ni grande maison de disques. Les titres n’étaient disponibles qu’en format numérique, les clients pouvant fixer eux-mêmes le prix d’achat voire ne rien payer du tout ! Le site indiquait seulement : « C’est à vous de voir. »

« C’est le premier album majeur dont le prix a été déterminé par le montant que les acheteurs individuels souhaitaient payer pour cela. Et il est parfaitement acceptable de ne rien payer du tout,” indiquait le magazine Times. Apparemment, 1,2 millions de téléchargements ont eu lieu le premier jour ! Vendus plus tard sous forme physique, en décembre 2007 au Royaume-Uni, et en janvier 2008 aux États-Unis, le disque a atteint des records dans les deux pays, démontrant au passage que les téléchargements gratuits n’affectaient pas les ventes de disques. Et que les gros labels ne sont pas incontournables.

L’industrie du disque était sous le choc. Beaucoup ont considéré qu’il s’agissait d’un coup fatal porté à l’industrie. Un cadre dirigeant aurait commenté : « Si le meilleur groupe du monde ne veut pas travailler avec nous, je ne suis pas sûr de ce qu’il va subsister de ce marché ». L’industrie a peut-être besoin d’ « examiner activement des modèles alternatifs à travers lesquels nous pouvons comprendre la production et la diffusion du savoir et de la culture, » comme l’a souligné (Lawrence Liang). C’est aussi ce qu’a écrit Yochai Benkler, professeur de Droit à l’Université de Droit de New York.

Culture libre

« Au niveau du design institutionnel, l’émergence d’une production en réseau à partir d’un espace commun de possession a ajouté un nouveau et profond défi à la politique qui prévaut, à savoir celle d’une expansion rapide de la portée des droits d’exclusivité dans les domaines de l’information et de la culture, et qui a été l’approche dominante au cours des 25 dernières années, » a dit Yochai Benkler (Coase’s Penguin, or, Linux and The Nature of the Firm, 2002). (Il parlait des logiciels libres qui ont émergé « comme une force substantielle dans le monde du développement de logiciels ». Wikipedia n’avait qu’un an et en était à ses premiers pas ; YouTube restait encore à inventer.) Ce fait doit être reconnu, que nous le voulions ou non. Les technologies modernes, et en particulier les technologies de l’information, permettent aux individus de faire eux-mêmes de nombreuses choses qui ne pouvaient auparavant être faites que par des professionnels.

Aujourd’hui, par exemple, une personne sachant manier un tant soit peu un ordinateur est capable de créer de jolis documents et de les imprimer à la maison. Cela était inimaginable avant que les ordinateurs ne soient accessibles à si bas prix. Aujourd’hui, les élèves réalisent des films avec du matériel simple et relativement peu coûteux, et qui que ce soit ayant suffisamment de temps et d’envie peut créer un film d’animation en utilisant des logiciels libres. Les films ne sont pas forcément de qualité suffisante pour être diffusés au cinéma, mais aujourd’hui de plus en plus de personnes voient plus de films sur leurs ordinateurs ou sur leur téléviseur qu’au cinéma.

Il est nécessaire de reconnaître que les développements technologiques sont en train de changer la manière dont nous faisons les choses, et cela pourrait représenter une menace pour les institutions implantées depuis longtemps dans cette industrie, comme les peintres qui peignaient à la main des panneaux ont perdu leur emploi lorsque ceux-ci ont commencé à être imprimés. Ou comme les dactylographes ont perdu leur source de revenu au profit des ordinateurs… Il est compréhensible que l’industrie de la culture essaie de résister à cela, tout comme l’industrie de la musique, qui a essayé un jour, dit-on, d’empêcher les nouvelles technologies d’alors l’enregistrement sur cassette car cela menaçait leur existence. Cela ne s’est heureusement pas produit. (Ils auraient probablement été ravis si l’on interdisait chaque développement technologique ayant aidé à libérer la musique de leurs griffes !) Il est clair que personne ne peut arrêter la progression des nouvelles technologies. A chaque nouveau développement, la musique devient de plus en plus accessible – nous l’avons vu avec la radio, le magnétophone, le CD, la clé USB, et sait-on quoi d’autre. Aujourd’hui, il est possible d’emmener quelques milliers de morceaux de musique dans la poche de sa chemise et de les écouter où que l’on soit et quand on le souhaite. Et la technologie numérique a facilité le partage de morceaux de musique, de vidéos et de films. Des sites internet comme

YouTube permettent de mettre en ligne ses propres vidéos afin que toute personne disposant d’un ordinateur et d’une connexion internet puisse les regarder. Certaines de ces vidéos sont même utilisées par des chaînes de télévision ! Et des personnes ont commencé à faire des films et à les diffuser sur des sites internet afin que tout le monde puisse les télécharger et les regarder.

RiP!: A Remix Manifesto est un film documentaire open source sur « le concept en pleine évolution de droit d’auteur » réalisé par Brett Gaylor. Créé sur une période de 6 ans, le film présente le travail de remix collaboratif de plusieurs centaines de personnes ayant contribué au site internet du cinéma open source, aidant ainsi à créer le « premier documentaire open source au monde, » comme l’a souligné Gaylor. Elephant’s Dream, Big Buck Bunny, et Sintel ont été créés par la Fondation Blender et diffusés en ligne afin que tous puissent les télécharger et les utiliser. La page Wikipedia recense 15 films libres de droits, dont quelques-uns sont en cours de production. Non seulement ils sont téléchargeables gratuitement, mais leurs sources sont aussi téléchargeables et réutilisables. Ainsi, si quelqu’un le souhaite, ils peuvent être assemblés et assortis afin de créer un nouveau film !

La technologie numérique a provoqué une révolution quant à la façon dont nous pensons, nous apprenons et nous faisons les choses. Les logiciels libres apportent une révolution dans la manière dont les ressources numériques sont créées et distribuées, les libérant ainsi des restrictions imposées par leurs créateurs. Ils convertissent la création de logiciels et d’autres ressources numériques en un produit communautaire, donnant à ses utilisateurs les capacités et le pouvoir de donner leur avis sur la forme que va prendre le produit. Mais cela crée une révolution plus large – dans la manière dont nous pensons et dont nous faisons les choses. Des idées comme Wikipedia et Creative Commons en sont une conséquence. Le projet Chamba indique que cette révolution atteint désormais aussi l’Inde.

(Cet article est publié sous la licence Creative Commons - Partage des Conditions Initiales à l’Identique Inde 2.5 (Creative Commons Attribution-ShareAlike, CC by-sa) India 2.5. Il peut être reproduit par tous, sous n’importe quel forme, en l’état ou modifié, à condition que la source soit citée et que cette note soit publiée. Voir ici)

Palavras-chave

informática e sociedade, tecnologia da informação e da comunicação, difusão do saber, comunicação e cultura, cultura e técnica


, Índia

Notas

L’article est une traduction d’Audrey Hiard (traductrice bénévole de Rinoceros-dph)

Lire l’article original en anglais : Free culture for a free society

Fonte

Artigos e dossiês

V. Sasi KUMAR, « Free culture for a free society », in InfoChange, Juin 2011

InfoChange (News and analysis on social justice and development issues in India) - Centre for Communication and Development Studies (CCDS) C/12, Gera Greens, NIBM Road, Kondhwa, Pune-411 048, INDIA - Índia - infochangeindia.org - infochangeindia (@) dishnetdsl.net

menções legais