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Pollution atmosphérique, émissions de CO2 et mobilité durable à Hô-Chi-Minh-Ville

Fouzi Benkhelifa

01 / 2009

Hô-Chi-Minh-Ville, située au sud du Vietnam, avec une population de plus de sept millions d’habitants, est la première métropole économique vietnamienne. Durant les années 90, l’ex-Saïgon a été le théâtre d’un fort développement économique (9,5% par an en moyenne pour le PIB régional sur la décennie 90). Ce développement tant urbanistique et économique qu’industriel s’est traduit par une pression accrue sur la qualité du tissu urbain et environnemental. Différents signaux d’alarme (émissions industrielles – concentrations en SO2, congestion – raréfaction de la voirie urbaine – concentrations en NOx…) se sont successivement allumés sur le tableau de bord de l’environnement urbain.

L’amélioration du niveau de vie de la population, due à cette croissance économique soutenue, a facilité l’accès des ménages à l’achat de motocycles, d’autant que le prix d’entrée de gamme a été divisé par 2,5 sur cette période (« invasion » de motocycles chinois). De ce fait, le parc de motocycles a triplé entre 1992 et 2002 (2,5 millions de motocycles enregistrés en 2002). Par ailleurs, entre 1995 et 2000, le nombre de véhicules particuliers et poids lourds a été multiplié par trois. En revanche, le nombre de sièges offerts en transports en commun est resté stable.

Cet état de fait explique qu’à la fin des années 90, le motocycle représentait plus de 80% des déplacements mécanisés en heure de pointe du soir. La part des transports collectifs (essentiellement bus et lambros) ne représentait plus que 2 à 3% du trafic urbain alors qu’il était dominant jusqu’au milieu des années 80.

Sur la base de ce constat, le Comité Populaire de Hô-Chi-Minh-Ville (la municipalité) a sollicité en 1999 une assistance de l’ADEME (Agence Française) afin de l’aider « à ne pas devenir Bangkok » sur la base d’un cahier des charges très lapidaire. L’évolution non maîtrisée des transports, qui se traduit par une saturation de l’espace urbain, un niveau de pollution de l’air au-dessus des seuils sanitaires et un accroissement du nombre d’accidents, risquait d’obérer le développement économique et social de l’agglomération de Hô-Chi-Minh-Ville. Le Cabinet EXPLICIT, travaillant à cette époque sur les volets énergie et pollution des Plans de Déplacement Urbain en France, a été sollicité pour mener à bien ce travail d’assistance technique sur la mobilité durable dans le cadre d’une démarche dite ETAP.

Le programme ETAP (Energie, Transports, Air et Pollution) s’est déroulé en trois séquences de 1999 et 2005 : une première phase comportant une étude de diagnostic des émissions tous secteurs confondus, une deuxième phase sur la concertation des acteurs reposant sur une étude prospective et une troisième phase consistant en un plan de renforcement des capacités du Département des Transports.

Lors de la première phase, la cartographie ETAP a permis de mettre en évidence la forte contribution des transports aux émissions de polluants par rapport à l’industrie et à l’habitat (60% des oxydes d’azote, 83% du monoxyde de carbone, 65% des hydrocarbures), se traduisant notamment par une concentration d’oxydes d’azote en centre ville supérieure aux seuils tolérables (standards O.M.S).

En se basant sur cette étude (pilotée par le Département de l’Environnement de la Municipalité), la nécessité d’agir sur la qualité de l’offre de transport pour améliorer l’environnement urbain a été clairement établie auprès des autorités locales et notamment auprès du Département des Transports et des Travaux Publics.

La deuxième phase de l’étude a permis dans sa première composante de mettre en évidence les enjeux, pour les vingt prochaines années, d’un développement non maîtrisé des modes individuels de transport. En se basant sur des documents de planification des transports et les programmes d’investissement en cours (notamment le Master Plan Transport de Hô-Chi-Minh-Ville), deux options de développement ont été dégagées pour l’étude de prospective :

  • Un premier scénario, dit S1 Tendanciel, reprenait les éléments techniques d’une continuité de la politique des transports de l’époque visant principalement un objectif (utopique) de fluidité du trafic basé sur les modes individuels dans lequel la part de marché des transports collectifs parvenait à peine à dépasser la barre des 5% en 2010 et approchait 10% en 2020.

  • Un second scénario, dit S2 Volontariste, se voulait une vision alternative, avec comme objectif de restreindre l’usage des motocycles et des véhicules particuliers et le développement du transport collectif en site propre. Les transports collectifs représenteraient dans ce cas une part de marché supérieure à 15% en 2010 et à 30% en 2020.

  • Par ailleurs, une variante « introduction de la norme d’émission EURO » a été simulée pour chaque scénario.

En clair, la question posée par la Municipalité était de savoir si un parc de véhicules individuels aux caractéristiques techniques plus propres permettrait de s’affranchir d’un investissement important en matière de transport collectif.

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L’étude de prospective réalisée par le cabinet EXPLICIT en partenariat avec un bureau d’études local (ENERTEAM) a permis de mettre en évidence la prédominance de l’option transport collectif sur toute autre dans un objectif d’amélioration de la qualité de l’air. En effet, en matière de pollution atmosphérique et de risque sanitaire pour la population, le scénario S2 volontariste pourrait réduire jusqu’à un facteur dix l’exposition de la population à certains polluants atmosphériques. L’option d’aménagement urbain (transport en commun en site propre) se révélait plus efficace du point de vue de l’environnement local que la seule vision par les normes d’émissions des véhicules.

En effet, le scénario transport collectif renforcé (S2) permettait d’adopter une stratégie préventive efficace vis-à-vis de la problématique latente d’accès à l’automobile (partage de la voirie en faveur des TC, développement d’une offre collective intégrée). Le Masterplan Transport indiquait une part de marché de l’ordre de 9% pour l’automobile en 2020 dans le cadre de S1 contre 4% pour le scénario S2. De plus, et bien que les questions d’économies de pétrole et d’émissions de gaz à effet de serre n’aient pas été placées au cœur des préoccupations initiales du projet, les conséquences des différents scénarios sur l’environnement global apparaissaient comme très significatives.

La mise en œuvre ou non de la norme euro n’ayant d’impact que sur les quatre roues et dans une logique de dépollution en bout d’échappement (filtre, catalyseur), les gains en économie de carburant (facture divisée par 2 pour la collectivité) et de CO2 sont à l’actif du scénario transport collectif renforcé.

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A l’issue de cette étude présentée en 2002 lors d’un séminaire franco-vietnamien sur les transports et l’environnement, le Département des Transports et le Département de l’Environnement de Hô-Chi-Minh-Ville ont signé un mémorandum sur la mise en place d’une politique de transport durable et la définition des missions de la future Autorité Organisatrice des Transports.

En pratique, durant la troisième phase de ETAP, un groupe de travail inter-service sur l’amélioration des transports collectifs a été mis en place. Il associait les Départements des Transports et de l’Environnement mais aussi l’Education, la Santé et le puissant Département du Planning et de l’Investissement. Par ailleurs, des sessions ont été organisées avec la participation de représentants de la société civile (étudiants, syndicats, femmes, retraités, universitaires…). Ce groupe de travail permanent a permis la mise en œuvre de solutions pratiques comme les minibus scolaires et la carte d’abonnement mensuel et hebdomadaire. L’expertise française pilotée par EXPLICIT et BR a été mobilisée pour renforcer le rôle d’autorité organisatrice des transports (AOT) avec, notamment, la définition et le développement d’un outil de gestion et d’optimisation du trafic du transport urbain pour le compte du Centre Municipal de Gestion des Transports collectifs. Ce logiciel (UTAM) permettait d’avoir une vision au jour le jour du trafic et d’optimiser l’exploitation des lignes gérées par plus d’une trentaine de coopératives, une compagnie municipale et un exploitant privé (Saïgon Star).

Les résultats communiqués par le Centre de Municipal Gestion des Transports Collectifs indiquent que la part de marché des transports collectifs en 2005-2006 est de l’ordre de 6% (contre 2 à 3% auparavant) avec une fréquentation qui est passée de 28 millions de passagers en 2002 à 200 millions en 2005. Les chiffres provisoires de 2007 indiquent une progression supplémentaire de 2 points de cette part. Sur la base de cette tendance, un objectif de part de marché supérieur à 10% en 2010 semble réaliste.

Ce projet a permis de mettre en évidence que la seule stratégie sans regret pour la collectivité est le développement d’une offre de transport urbain intégrée. L’approche préventive développée par la Municipalité, en réponse aux risques sanitaires croissants et à la désorganisation urbaine latente, s’est avérée plus efficace dans le temps que les orientations initiales basées sur le tout technologique (émissions réglementaires des véhicules et carburants alternatifs).

Le programme ETAP a été aussi l’occasion de sensibiliser les décideurs locaux à la problématique des émissions de gaz à effet de serre. Progressivement, les économies de CO2 générées par cette relance du transport collectif ont été mises en avant par les pouvoirs publics auprès de bailleurs de fonds bilatéraux et multilatéraux. Ce programme devrait se traduire in fine par des économies importantes de carburant et une réduction de l’ordre de 60% des émissions de CO2 du secteur par rapport à l’évolution tendancielle.

Ce programme de rééquilibrage modal constitue de fait une option importante de réduction de la vulnérabilité aux chocs énergétiques et à leurs conséquences sociales ainsi qu’un axe structurant du développement urbain de la métropole de Hô-Chi-Minh-Ville.

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