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La planification volontariste

Les pays rhénans s’évertuent à contenir les développements périurbains qui améliorent la qualité de vie dans des quartiers assez denses.

Cyria Emelianoff

2001

Les pays rhénans, du fait de l’exiguïté de leur espace, s’évertuent à contenir les développements périurbains en favorisant la compacité, la mixité fonctionnelle, les zones piétonnes ou à circulation ralentie qui améliorent la qualité de vie dans des quartiers assez denses. Les stratégies de développement durable se greffent sur ces choix anciens. Plusieurs axes de planification peuvent être distingués et se combinent souvent:

• la planification croisée du réseau de transports en commun et des extensions urbaines,

• la densification urbaine le long des infrastructures de transport collectif existantes,

• le déploiement des transports en commun (ferroviaires) à l’échelle des régions urbaines (comme à Karlsruhe),

• l’organisation polycentrique de la ville,

• l’aménagement de trames vertes, qui canalisent l’urbanisation tout en offrant un support pour des cheminements doux, des espaces récréatifs et différents « services écologiques » (comme l’auto-épuration de l’eau, de l’air, le maintien de la biodiversité, la limitation des risques d’inondation, etc.).

La politique des Pays-Bas est une des plus avancées dans cette voie. Le gouvernement a instauré le système « ABC » en 1988, qui guide la localisation des entreprises en fonction de leurs besoins de mobilité et du nombre de leurs employés. Les grandes entreprises publiques ou privées s’installent sur des nœuds de transports en commun (site A). Celles qui reçoivent ou effectuent des livraisons importantes se placent à proximité des échangeurs autoroutiers (site C). Les autres activités se situent en position intermédiaire (B), le long des lignes de transports en commun. L’objectif est de réduire de 35% les déplacements en voiture d’ici 2010 (1). A Amsterdam, par exemple, les nouvelles localisations bien desservies par les transports en commun ne disposent que d’une place de parking pour dix emplois, tandis que les localisations moyennement desservies en ont deux. Le prix du stationnement interdit d’autre part de se garer sur la voie publique, même en périphérie (2).

L’habitat, quant à lui, cherche à se développer à proximité des canaux ou des plans d’eau, une localisation valorisée pour l’agrément qu’elle procure. La gestion des eaux pluviales peut être ainsi décentralisée, grâce au lagunage qui s’effectue dans les canaux, les petits bassins de rétention et les zones humides.

Ces deux stratégies de localisation, formalisées par Sybrand Tjallingii (3), constituent l’ossature de la « stratégie bi-réseau » : les activités sont implantées le long des voies de transports en commun, les résidences, le long des trames végétalisées. La trame ou les infrastructures « naturelles », ouvertes sur les campagnes environnantes, constituent le complémentaire de la ville, qui, idéalement, concentre son bâti et ses zones d’activités le long des axes de transport en commun. Ce modèle est déjà présent dans le plan d’extension pour Amsterdam datant de 1934. Les coupures entre les lobes bâtis accueillent les infrastructures et les espaces verts, un schéma qui sera repris par d’autres villes néerlandaises au lendemain de la guerre (4).

Dans le modèle idéal proposé par Sybrand Tjallingii dans l’ouvrage Ecopolis, chaque lobe résidentiel est desservi par une voie de tramway et une piste cyclable. Une ligne annulaire de tramway relie directement les quartiers périphériques. Les bénéfices écologiques sont nombreux : traitement à ciel ouvert des eaux pluviales, continuités végétales favorisant les migrations animales et la biodiversité, régulation du microclimat urbain, qualité de vie des riverains, canalisation de l’urbanisation dans les lobes et meilleure fréquentation des transports en commun, l’habitat étant regroupé et bien desservi.

Cette morphologie offre un autre atout : la forme polylobée permet l’interpénétration de la nature et de la ville, elle maximise le contact avec la nature tout en ne la faisant pas disparaître. Elle a d’ailleurs été expérimentée à partir de 1947 par Copenhague, qui a orienté son développement le long des lignes ferroviaires, selon un « plan à cinq doigts », maintenu depuis et renforcé par des centres secondaires. L’agglomération a obtenu des résultats enviables dans la maîtrise du trafic routier, qui n’a pas augmenté depuis les années soixante-dix. 70% des déplacements à Copenhague sont actuellement réalisés en mode propre (5).

Ce type de modèle peut être poussé plus avant, en réfléchissant à des indentations urbaines de type fractal, assurant à la fois une continuité des milieux naturels et bâtis et une proximité entre les deux. La compacité peut être ainsi assez élevée tout en offrant le cadre de vie que les citadins recherchent en milieu périurbain. La ville polylobée se situe dans le prolongement du modèle historique de la ville en étoile, et constitue donc une perspective plausible de planification.

Un deuxième type d’orientation consiste à renforcer le polycentrisme urbain, par des mesures de requalification et de densification des centres secondaires. Aux yeux de Jean-Pierre Orfeuil, le « modèle rhénan » de la ville est caractérisé par cette vision polycentrique, la multiplication des centres permettant de décentraliser les services et de minimiser les distances parcourues (6). On retrouve également cette préoccupation au Royaume-Uni. Les TDA, « Transport Development areas », qualifient les aires promises à densification, à proximité des noeuds de transport.

Dans un tissu urbain diffus, comme en milieu pavillonnaire, le polycentrisme peut fonctionner de manière plus capillaire, comme le propose Peter Newman en imaginant un scénario de ville polynodale pour les villes australiennes (7). Les nœuds qui s’égrènent le long des lignes de bus et de tramway sont de petits pôles d’activités et de services de proximité. Ce modèle de planification permet de densifier les tissus pavillonnaires, tout en respectant l’identité de la ville australienne, faite de nappes pavillonnaires et de « shopping center » de tailles variables : centres commerciaux qui concentrent également les cafés et restaurants, les cinémas, les services médicaux et sociaux, ou simples regroupements de commerces de proximité, à une échelle inférieure.

Le terme commun à tous ces modèles est le préfixe « poly », suivi de centres, nœuds ou lobes. Leur pertinence dépend des morphologies urbaines initiales et des cultures urbaines. Ils ont pour vocation de guider les efforts de planification, soumise à des aléas de plus en plus nombreux. Les tentatives d’impliquer les habitants dans la planification se sont multipliées au cours de ces dernières années, notamment en Europe du nord. Mais la vraie pierre d’achoppement reste la difficulté à maîtriser le jeu foncier, qui supposerait une forte volonté politique.

dossiê

Les villes européennes face au développement durable : une floraison d’initiatives sur fond de désengagement politique

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Tiré de : Les villes européennes face au développement durable : une floraison d’initiatives sur fond de désengagement politique

Par Cyria Emelianoff (Groupe de Recherche en Géographie Sociale de l’Université du Maine, ESO, UMR 6590 du CNRS)

Notas

1 OCDE, 1996, Politiques novatrices pour un développement urbain. La ville écologique. 217 p.
2 Boyer J-C., 1999. Amsterdam, la plus petite des grandes métropoles, L’Harmattan
3 Tjallingii S.,1995. Ecopolis. Strategies for ecologically sound urban development. Backhuys Publishers, Leiden, Pays-Bas, 159 p.
4 Boyer J-C., 1999, op. cit.
5 PREDIT, 2001. Formes urbaines du futur et mobilité non motorisée. Actes du séminaire du 17 décembre 1999. Ed. Amarcande
6 Orfeuil J-P., 1994, Je suis l’automobile. Ed. de l’Aube, La Tour d’Aigues, 95 p
7 Newman P., 1992. The Compact City. An Australian Perspective, Built environment, vol. 18, n° 4, pp 285-300.
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