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A chacun selon ses besoins

Anup SHARMA

04 / 2010

Dans les villages situés le long de la frontière indo-bhoutanaise, dans les régions inférieures de l’Assam où les puits les plus profonds sont à sec, les communautés dépendent du système traditionnel communautaire « dong » de récolte de l’eau qui fonctionne sur des principes sains de gestion de l’eau et sur une distribution judicieuse.

Si l’on demande un verre d’eau à n’importe quel villageois de la frontière indo-bhoutanaise, il est probable qu’il apportera plutôt un verre de lait. Dans les 200 villages de cette région, répartis sur environ 300 km², l’eau est en effet l’un des biens les plus précieux.

Le niveau des nappes phréatiques y est tellement bas que les habitants qui ont tenté de creuser des puits n’ont pas trouvé d’eau, ce qui les contraint à dépendre des sept rivières saisonnières qui coulent dans la région.

Les villageois qui vivent le long de la frontière indo-bhoutanaise dans le district de Baksa en Assam subviennent donc à leurs besoins en eau grâce à un ancien système d’irrigation appelé dong (« petit canal » en Assamais), fondé sur la déviation. Les dongs, qui existent depuis 1930, figurent parmi les plus anciens systèmes de gestion communautaire de l’eau en Inde.

Sous ce système, des petits barrages sont construits sur la rivière puis l’eau est dirigée à travers des canaux vers les champs de paddy et les petites mares des habitations. « Les dongs fonctionnent selon des principes sains de gestion de l’eau, ils évitent toute perte et l’eau est distribuée judicieusement et équitablement. Nous avons des comités dongs qui contrôlent de manière stricte l’approvisionnement en eau et son utilisation. Un dong est ouvert pendant quelques heures, à intervalles périodiques, par exemple une fois par semaine pour un village afin que les habitants puissent stocker de l’eau dans leurs mares. Le jour suivant, un autre dong est ouvert pour un autre village », explique Teknath Parajuli, un habitant de Bhutankhuti, près de Nikasi. Parajuli dit que tous les villageois contribuent aux travaux manuels pour la construction des petits barrages en pierres sur les rivières et qu’ils régulent ensuite le flux de l’eau dans les longs canaux.

La rareté de l’eau a conduit à un strict rationnement, les habitants n’en recevant qu’en fonction de leurs besoins. Les règles de partage de l’eau sont précises : par exemple, une personne ayant une paire de bœufs et quelques bighas [unité de mesure locale] de terres recevra moins d’eau qu’une personne possédant deux paires de bœufs et quatre bighas de terres. De même, une famille qui possède deux paires de bœufs doit envoyer plus d’hommes pour travailler sur les canaux qu’une famille qui n’en possède qu’une paire. Chacun respecte cette organisation et s’assure que les normes établies ne soient pas violées, dit Barman, un enseignant vivant à Sonajuli.

« Le comité contrôle aussi la distribution de l’eau. Si quelqu’un est pris en train de voler de l’eau il y a une clause selon laquelle il écope d’une amende de 200 roupies », dit Haren Boro, un autre villageois de Bhutankhuti.

Le vaste paysage des contreforts du Bhoutan est parcouru par un grand nombre de rivières et de courants qui prennent leur source dans les montagnes. La plupart se transforment en torrents d’écume pendant la mousson ; mais en hiver ce sont de minces filets d’eau. C’est alors que le système des dongs entre vraiment en jeu, quand l’eau est rare y compris pour boire.

« Pagladiya, Diring, Gongor, Sukia, Boga, Kaldiya, Diya and Basfola sont les rivières qui couvrent la zone de 300 km². Nous avons un large réseau de dongs le long de chacune d’elles. Les habitants ont confié la gestion générale des dongs au comité Uttar Anchalik General Dong Bandh Committe qui fonctionne selon les termes de sa constitution », dit Maheswar Barman, un enseignant à la retraite et habitant de Jala Basti.

Le système traditionnel communautaire de récolte de l’eau a conduit à un rapprochement entre les diverses communautés vivant ici. « Des Assamais, des Bodos, des Népalais et des populations tribales ou adivasi vivent ensemble dans les villages. Comme la gestion communautaire de l’eau joue un rôle essentiel dans nos vies, elle a aussi renforcé nos liens », dit Kamal Sarma, un paysan qui est également employé du Gouvernement.

Mais, dit Barman, bien que les dongs aient permis de réduire une grande partie des problèmes en eau de la région, il faudrait que le gouvernement de l’État mette en place des sources d’eau permanentes. « Il ne fait aucun doute que les dongs ont apporté un grand soulagement mais le problème est devenu de plus en plus aigu ces dernières années avec l’assèchement alarmant des rivières en hiver », dit-il.

Faisant écho aux sentiments de Barman, Goma Ghimire dit que la pénurie d’eau est peut-être le plus grand problème auquel font face les villages. « Nous avons besoin d’au moins six jours pour construire une déviation avec de gros rochers, déviation qui a par ailleurs besoin d’être fréquemment réparée pendant la saison des pluies. Jusqu’à présent, le peu d’eau que nous avons eu pendant la saison sèche provient des dongs. Mais il faut que le gouvernement nous donne une source permanente d’eau car les rivières s’assèchent encore plus rapidement qu’avant ».

« Nous sommes dans l’incapacité de travailler ailleurs car nous devons travailler sur les canaux. Pendant la mousson, les digues de déviation sont entraînées par les rivières qui débordent et nous passons beaucoup de temps à les réparer », dit Padma Goutam, une femme au foyer du village de Tarabari.

La situation est pire dans les villages en bordure du Parc Naturel de Bornadi dans le district Udalguri, où les habitants tirent l’eau d’un puits communautaire de 30 mètres de profondeur situé juste à l’extérieur du parc. « Le niveau de l’eau est si bas que nous devons vraiment nous battre de l’aube au crépuscule pour tirer l’eau et satisfaire nos besoins en eau. Comme nous sommes pauvres nous ne pouvons pas nous offrir de puits individuels d’une telle profondeur donc nous dépendons des sources d’eau communautaires », dit Bisu Tanti.

Alors que les efforts du Gouvernement assamais pour répondre à un besoin de base tel que l’eau brillent par leur absence, l’ONG Gramya Vikash Mancha a réussi à mobiliser les habitants et à accélérer la participation communautaire. « Nous aidons à travers une assistance financière et technique dans diverses initiatives telles que l’irrigation par déviation et la restauration des terres humides disparues et des canaux des rivières », dit Prithibhasan Deka, Président de cette ONG.

Il ajoute : « Nous essayons de les aider (les habitants des villages) par des technologies plus sophistiquées qui renforcent le système existant d’irrigation par déviation. Nous tentons d’installer des vannes pour contrôler de manière centralisée le mouvement de l’eau de ces rivières. Nous construisons de nouvelles digues pour améliorer la déviation. Cela réduira la charge de travail des villageois ».

Palavras-chave

acesso à àgua, água, escassez de recursos naturais, técnica tradicional


, Índia

Notas

Lire l’original en anglais : To each according to his needs

Traduction : Valérie FERNANDO

Sur les systèmes traditionnels de gestion de l’eau, lire également : Les cascades de réservoirs d’eau au Tamil Nadu

Fonte

Artigos e dossiês

Anup SHARMA, “To each according to his needs”, in Infochange, Avril 2010

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