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L’exclusion des corps immobiles

À la suite de la crise économique des années 70, les mutations des systèmes économiques fordistes en « régimes d’accumulation flexible du capital » ont nécessité une plus grande mobilité de la main d’œuvre. Ces transformations inversent la signification de la mobilité.

David Bodinier

Max Rousseau propose un fenêtre d’analyse des transformations contemporaines générées par le néolibéralisme à travers la métaphore du corps mobile. Il émet dans ce sens l’hypothèse que l’action du pouvoir sur l’espace urbain produit des conséquences en terme de mise en mouvement des corps et que les instruments de cette politique de la mobilité corporelle peuvent être observés dans les transformations actuelles des paysages urbains. Nous reprenons dans cette fiche certains élément pour compléter le dossier Exclusion urbaine.

Selon l’auteur, l’une des conséquences des transformations opérées, du début de la révolution industrielle jusqu’à la construction des cités ouvrières a été la sédentarisation de la population ouvrière et l’immobilisation des corps. Plusieurs techniques ont été utilisées allant de la création du livret ouvrier en passant par la construction de quartiers auto-suffisants autour des usines. Michel Foucault a montré toute une série de mécanismes disciplinaires que l’on peut retrouver dans la cité ouvrière, notamment l’organisation de la cité et la localisation des familles et des individus dans des logements et pièces séparés. L’individu mobile, le vagabond, était désigné, à cette époque, comme dangereux et même ennemi urbain, certaines villes lui étaient complètement interdites. Max Rousseau constate le rôle de l’urbanisme de cette époque pour « réguler les déplacements de la main d’œuvre et à constituer l’immobilité spatiale en une norme sociale dominante ».

À la suite de la crise économique des années 70, les mutations des systèmes économiques fordistes en « régimes d’accumulation flexible du capital » ont nécessité une plus grande mobilité de la main d’œuvre. Ces transformations inversent la signification de la mobilité. Dès lors, la mobilité est célébrée comme l’une des caractéristiques de la post-modernité comme le montre les caractéristiques de la nouvelle classe moyenne. Selon l’auteur, l’influence croissante de nombreux individus caractérisés par leur grande mobilité, a des conséquences sur l’urbanisme et sur l’évolution de la ville contemporaine. Manuel Castells observe la création « d’espaces symboliques culturels de la domination » et Luc Boltanski et Eve Chiapello voit l’émergence d’une « cité par projets » que l’on retrouve dans des infrastructures destinées à favoriser la mobilité. Max Rousseau s’appuyant sur le cadre analytique de Foucault, propose de regarder ces espaces urbains comme des instruments de gouvernement de la mobilité des hommes : « comme des lieux dont la fréquentation répétée, quotidienne, pour le travail ou les loisirs, permet d’inscrire la nécessité de la mobilité dans les pratiques corporelles. »

Max Rousseau propose une interprétation de la loi dite de « sécurité intérieure » de 2003 à travers le prisme de la mobilité. En effet, cette nouvelle loi s’est attaquée au racolage, aux rassemblements dans les halls d’immeubles, aux squatteurs, à la mendicité en désignant les prostituées, mendiants, sans-abris et jeunes des cités comme nouveaux ennemis. L’auteur montre ainsi, et peut-être peu rapidement,, que ces groupes partagent une caractéristique commune : leur immobilité spatiale. Cette interprétation tout à fait intéressante nous paraît pourtant quelque peu hâtive. Il en reste que Max Rousseau observe avec justesse l’évolution du design de l’espace public qui « déclare la guerre aux corps immobiles » (disparition des bancs publics, prolifération du mobilier urbain dissuasif, caméra de surveillance) pour empêcher les corps de rester immobile dans les espaces de flux qui traversent la ville.

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Exclusion et fragmentation urbaine

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Cette fiche est issue d’un article de Max Rousseau intitulé « La ville comme machine à mobilité ; Capitalisme, urbanisme et gouvernement des corps, » publié par la revue Métropoles. Nous avons souhaité diffuser des éléments de cet article pour compléter le dossier « Exclusion urbaine ». La réflexion sur les questions de mobilité est prolongée par la fiche La mobilité et la lutte contre l’exclusion

Fonte

Max Rousseau, « La ville comme machine à mobilité », Métropoles, 3, Varia, mise en ligne le 12 septembre 2008, Consulté le 09 novembre 2009

photo by Brian Auer (licence Creative Commons)

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