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Scenarii prospectifs pour la mobilité urbaine à Manille

2009

Les politiques de transports urbains dans les villes en développement portées actuellement par les grands bailleurs de fonds représentent un fonds théorique dans lequel il est intéressant de puiser afin d’envisager les perspectives futures pour une évolution des politiques de transport à Métro Manille.

  • Renforcement des capacités administratives

L’empowerment est un axe important des politiques soutenues par la Banque Mondiale, comme c’est déjà le cas avec le projet MMURTRIP qui vise explicitement à renforcer la capacité du MMDA à remplir son rôle d’agence chef de file dans les projets de transport urbain.

Assigner des moyens financiers adaptés aux enjeux

La mise en place des services de transports métropolitains nécessite de disposer de moyens financiers importants et adaptés. On a vu qu’il n’y avait pas de budget régional pour les infrastructures régionales, et que les projets de transport implémentés à Métro Manille sont intégrés dans les investissements des agences telles que le DPWH, le DOTC ou le LRTA. Dans le cadre d’une réforme institutionnelle, il pourrait être intéressant de voir apparaître un budget propre pour le développement des infrastructures de transport.

Favoriser le développement d’une structure administrative spécialisée dans la gestion des transports urbains

On a vu que les dotations publiques pour les infrastructures de transport, dans le contexte de la politique de rigueur lancée par le gouvernement philippin, ne suffiraient probablement pas au financement des projets dans le secteur des transports. S’il on prend en compte la nécessité d’un recours accru aux financements privés, il est important d’avoir une agence forte qui assure la cohérence des politiques menées par de nombreux acteurs publics et privés, et portés par différents bailleurs, comme on a vu dans la partie précédente. Actuellement, à Métro Manille, l’échec relatif des politiques de transport semble montrer la voie d’un nécessaire renforcement de l’agence gouvernementale afin de permettre une gestion plus efficace des projets.

On peut toutefois se poser la question de la portée réelle de l’empowerment prôné par les bailleurs de fonds, à savoir s’il s’agit de renforcer la capacité du MMDA à prendre en charge de manière autonome les problèmes de transports à Manille, ou bien de ne lui donner la capacité que de gérer l’urgence et le manque de moyens, en menant à bien les projets élaborés par les bailleurs de fonds.

  • Développer de nouveaux modes de transport

Les contraintes institutionnelles et financières des villes en développement ont entraîné une réflexion sur le développement de modes de transport alternatifs susceptibles de subvenir à leurs besoins spécifiques. Les bailleurs de fonds ont intégré ces solutions dans les politiques de transports qu’ils prescrivent. Elles concernent d’une part le développement de transports en commun flexibles, comme le Bus Rapid Transit (BRT), et d’autre part la « mobilité douce » et le développement du Non Motorized Transport (NMT), qui participent d’un effort d’amélioration de la qualité de la vie.

La piste du BRT

Au début des années 2000, on observe la montée en puissance d’un type alternatif de transport en commun nommé BRT, calqué sur le modèle du Transmilenio de Bogota. Celui-ci consiste en un système classique de bus évoluant en site propre (voies routières dédiées). Ce système modèle est censé combiner la fiabilité du rail et la flexibilité d’un système de bus.

Les modalités de mise en place du système BRT sont elles-mêmes flexibles, car le bus peuvent évoluer dans des voies exclusives ou pas, être simples, articulés, doubles selon la demande. Il est possible de mettre en place de simples arrêts ou de véritables stations. Les modes de tarification peuvent aller de simples tickets à des cartes de transport intégrées.

Lors d’une conférence de la Transportation Science Society of The Philippines, Larry Y. Pangilinan met en avant la solution BRT comme étant une opportunité pour l’amélioration de l’offre en transport en commun à Manille. Il estime que, selon la complexité du système, le coût de construction d’un tel système pourrait aller de 5 Millions à 1 Milliard de PhP par kilomètre, et le coût correspondant à la mise en service des bus de 6 à 50 Million de PhP par unité.

Il estime cependant que le plusieurs critères doivent être respectés pour la mise en oeuvre d’une telle solution : la compatibilité avec le Transport Master Plan de Métro Manille, une intégration adéquate et efficace par rapport au système de transport en commun existant, une disponibilité foncière, une densité suffisante sur la ligne pour assurer une fréquentation durable. Il identifie des corridors potentiels pour la mise en place de BRT, et propose de poursuivre les tracés de lignes de certaines lignes de métro prévues par le TMP et qui n’ont pas été construite du fait de contraintes financières, avec le BRT, moins onéreux.

On peut toutefois émettre quelques réserves sur l’opportunité de mettre en place un tel système. S’il est vrai qu’il présente une réelle flexibilité en termes de modalité de mise en place, des projets similaires ont abouti à des échecs faute de financements suffisants. C’est notamment le cas du système de BRT qui a été mis en place à Santiago au Chili, et qui n’a pas tenu les promesses escomptées.

En effet, le système nécessite a minima le dégagement de voies propres et de stations suffisamment équipées pour qu’il représente une amélioration de qualité de service par rapport à un service de bus traditionnel. Quand on connaît les difficultés rencontrées par les autorités, notamment concernant le foncier, pour la construction d’infrastructures routières, on ne peut que s’interroger sur l’opportunité de mettre en place un tel système dans les conditions actuelles à Manille.

De grandes attentes vis-à-vis des NMT et de la mobilité douce

Le fait que le tiers des trajets qui s’effectuent en transports motorisés à Métro Manille ne dépasse pas 2 kilomètres ouvre des perspectives encourageantes quand à la réduction potentielle de la congestion et à l’évolution des modes de transport en cas d’aménagements en ce sens. De plus, nous avons vu que la préservation de l’environnement bénéficiait d’une la perception positive. Dans un contexte de concurrence entre municipalités, on peut espérer une multiplication des aménagements favorables aux mobilités douces, respectueuses des piétons et encourageant l’usage de transports non motorisés, comme le vélo.

Multimodalité et intégration

La multiplication des modes de transport dans les villes en développement pose la question de leur fonctionnement intégré. Afin de maximiser l’efficacité du système de transport, il est nécessaire de créer des interconnexions entre les multiples modes de transport existants.

Les politiques de transport portées par bailleurs de fonds insistent ainsi sur la création de pôles d’échange multimodaux permettant d’assurer une transition harmonisée entre les différents modes de transport (train/bus/métro). C’est notamment le cas du Metro Manila Urban Transport Integration Project (MMURTRIP) financé par la Banque Mondiale, qui vise notamment à permettre d’effectuer les aménagements nécessaires à l’intégration des lignes de métro et les infrastructures 31 routières. Le MMDA porte par ailleurs des projets d’intégration des différentes lignes de métro, et notamment d’intégration tarifaire avec l’instauration d’un ticket unique.

On pourrait envisager le développement de plusieurs pôles intermodaux bus/métro voir train/bus/métro (voir carte ci-contre) :

1. Au centre de Manila City, un pôle intermodal « historique », au croisement des lignes de métro LRT1 et LRT2, avec la gare de Tutuban, construite au XIXème siècle, et d’où partent les lignes du PNR. Le port industriel est à proximité.

2. Un pôle au nord de Manila City, à Caloocan South, au terminus nord de MRT3 et LRT1 avec la gare routière de Monumento qui donne sur EDSA.

3. Un pôle au sud de Manila City, à Pasay, au terminus sud de MRT3 et LRT1, qui desservirait EDSA ainsi que l’aéroport Ninoy Aquino à proximité.

4. Un pôle à Cubao au croisement de MRT3, LRT2, avec la gare routière qui donne sur EDSA.

5. Un pôle à Santa Mesa, plus proche du « nouveau centre » de la mégapole, et qui ouvre sur Quezon, San Juan, Mandaluyong, Makati grâce à la ligne de métro LRT2 et aux deux lignes de train NR et PNR.

Il faut noter que la présence de pôles d’échange augmente le niveau de complexité de la gestion, de par la multiplication des acteurs concernés. Les problèmes liés au manque d’intégration des systèmes de transport à Manille s’expliquent en partie du fait que les autorités de gestion métropolitaine n’ont pas les moyens pour rendre possible l’intégration des systèmes dans un contexte où interviennent de nombreux acteurs, agences gouvernementales, bailleurs, opérateurs privés.

 

Les perspectives décrites dans le scénario précédent regroupent certaines politiques mises en place dans les villes en développement afin d’améliorer la situation parfois catastrophique dans laquelle elles se trouvent.

  • « Business as usual »

Dans le cas de Manille, on peut cependant s’interroger sur la pertinence de telles politiques et de leur capacité à faire émerger une gestion véritablement cohérente des transports urbains. En effet, on a vu que certains projets de transports urbains participaient du morcellement de l’action publique, en incitant à un recours récurrent aux acteurs privés qui n’ont pas le souci du fonctionnement de l’ensemble du système.

Scénario catastrophe

On peut envisager un scenario d’évolution de la situation des transports à Métro Manille en s’inspirant du « cercle vicieux de l’affaiblissement de l’Etat » (cf partie II). Malgré les nombreux projets dont il a la charge, le MMDA n’est pas doté des moyens de mettre en place une politique de transports cohérente et de mettre en oeuvre les financements publics nécessaires à la créations des infrastructures essentielles. Les déficits en infrastructures ne sont pas comblés, et la crise financière pèse sur les ressources de l’Etat. La congestion à Métro Manille continue alors à peser sur la vie quotidienne des Philippins, tout comme les autres défaillances dans la fournitures des services essentiels dont le MMDA a la charge. Elle risque d’empirer avec l’augmentation de l’usage des transports individuels motorisés, notamment des deux-roues, à mesure que l’efficacité des transports en commun décroît.

Les investissements privés menés « pièces par pièces » sur les segments rentables du réseau de transport philippin vont accentuer son morcellement. Les zones périphériques et les habitants les plus fragilisés auront toujours plus de difficulté à avoir accès au système de transport, et l’activité économique de la ville va se ralentir, même si les classes les plus aisées pourront continuer d’utiliser les transports en commun les plus chers ou les voies à péage. Le système de transport participerait d’une augmentation des inégalités tout en contribuant quotidiennement à la pénibilité de la vie dans la métropole, ce qui pourrait avoir comme conséquence de menacer la stabilité politique.

  • Des suggestions pour une sortie de crise

Afin d’éviter d’en arriver à de telles extrémités, il est nécessaire de mener une véritable politique publique en matière de transport, il est nécessaire d’opérer un véritable renforcement des agences gouvernementales qui ne soit pas un renforcement de surface. Pour ce faire, les moyens financiers représentent un point essentiel afin de pouvoir traiter d’égal à égal avec les investisseurs privés et bailleurs de fonds.

La solution de la fiscalité…

Etant donné la situation des finances de l’Etat Philippin, une solution qui pourrait être mise en avant consiste en un renforcement de la fiscalité. Une fiscalité progressive devrait permettre de faire participer en premier lieu les Philippins les plus aisés à l’effort de construction d’infrastructures nécessaires y compris pour le fonctionnement de l’économie. Une autre piste envisageable serait la mise en place d’une taxe sur les entreprises, sur le modèle de la « taxe transport », qui a permis à l’Etat français de disposer des moyens nécessaires à la création des infrastructures au fur et à mesure que les grandes villes françaises, et notamment Paris, croissaient en population.

Alex Cobham, de l’Université d’Oxford, explique que le consensus actuel autour de la fiscalité (Tax Consensus) a été un échec, particulièrement dans les pays en développement, et en appelle à des changements. Il explique : « Le consensus fiscal a échoué. Il ne laisse pas ou peu de place à la redistribution, et lorsqu’il le fait, il fait passer la redistribution via les subventions plutôt que par les taxes, sans prendre en compte les moyens inappropriés dont disposent certains pays. Il persiste dans l’erreur en poussant ces pays à diminuer la fiscalité, jusqu’à des niveaux bien inférieurs que celle existant dans les pays développés, alors même que le niveau de perception des taxes est dramatiquement réduit par l’absence de mesures internationales pour mettre un terme à l’évasion fiscale par les paradis fiscaux et les firmes multinationales. Cette idéologie dépassée doit être désormais abandonnée, afin que les pays en développement puissent remettre en place des véritables politiques publiques, et soient libre de choisir des politiques fiscales adaptées à leurs moyens. Des systèmes fiscaux qui permettent de générer des revenus, de la redistribution, et renforce les canaux de représentation politique. Sinon, l’évasion fiscale va continuer à miner les opportunités de développement des pays les plus pauvres ».

… une conception qui n’est pas partagée par tous

Plusieurs objections pourraient cependant être opposées à ces prescriptions. Tout d’abord, l’expansion des villes en développement, et notamment Manille, atteint des taux que n’ont jamais connus les actuels pays développés. L’effort de fiscalité, au vu des investissements considérables qui attendent d’être réalisés dans les infrastructures, serait donc très lourd à porter. Y compris politiquement, et il est évident qu’un gouvernement qui mettrait en place de telles mesures se verrait rapidement déstabiliser par les franges les plus aisées de la population de la métropole.

Par ailleurs, de telles prescriptions ne rentrent pas dans les canons des organisations internationales, et surtout des bailleurs de fonds, et même si les financements de la Banque Mondiale ne s’accompagnent pas de conditionnalités politiques, il est possible que la mise en place de telles mesures rendent moins facile l’accès aux financements privés internationaux. Une hausse de la fiscalité pourrait de surcroît dissuader certains opérateurs privés.

Cependant, face à une crise politique qui pourrait se dessiner dans le schéma proposé précédemment, il est possible qu’une forte mobilisation populaire participe à la prise de conscience des différents acteurs de la nécessité d’une prise en charge à bras le corps par les autorités publiques des problèmes de transport à Métro Manille.

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