Un site internet permet aux habitants d’observer et de comprendre la nature tout en collectant des données scientifiques.
S’il y a un arbre à neem ou à jamun (fruits tropicaux) dans votre arrière-cour, observez-le régulièrement et notez quand il fleurit et donne des fruits. Vous vous rendrez peut-être bientôt compte que vous êtes en train de collecter des données pour la recherche scientifique.
Le Centre National de Sciences Biologiques (National Centre for Biological Sciences, NCBS), un institut de recherche basé à Bangalore, prévoit d’impliquer les habitants dans la création d’une base de données en ligne sur le cycle de vie de diverses espèces de plantes à travers le pays et sur l’influence du changement climatique sur ces espèces.
Une telle base de données est importante car l’Inde dispose de plusieurs zones climatiques et d’une grande biodiversité.
Mais, d’après les chercheurs préparant la base de données nommée SeasonWatch (« observation saisonnière »), il n’existe aucune collecte d’information montrant quand une espèce particulière fleurit et donne des fruits dans une région spécifique. Le site internet sera accessible en mars. « Notre objectif est de faire sortir la science hors des classes et des laboratoires », affirme Suhel Quader, un chercheur du NCBS.
SeasonWatch a été conçu par Quader : « Les gens sont généralement des consommateurs passifs d’information. Nous voulons les inciter à observer la nature et à la comprendre. C’est essentiel pour saisir les grandes questions comme le changement climatique. » Quader croit en effet que la base de données permettra aussi de combattre ce dernier phénomène.
Qu’est-ce qui l’a poussé à inciter les gens à construire une base de données scientifiques ? « Tout le monde peut contribuer au savoir scientifique, ce n’est pas la chasse gardée des scientifiques », affirme Quader. « L’idée m’est venue quand je travaillais à la Société royale de protection des oiseaux ». L’organisation de protection de la vie sauvage la plus importante d’Europe dispose d’un système de collecte d’information sur les oiseaux via des bénévoles. « En rentrant en Inde j’ai lancé l’idée autour de moi. Mes collègues du NCBS l’ont appréciée. » Ils ont alors préparé le projet MigrantWatch afin de suivre l’arrivée des oiseaux migrateurs dans le pays.
Le projet MigrantWatch a été mis en ligne en août 2007 et a depuis attiré l’attention de plus de 1.000 observateurs d’oiseaux à travers le pays, lesquels envoient régulièrement des données (voir l’encadré ci-dessous). Ce succès a incité les membres du groupe à étendre leur base de données à d’autres espèces naturelles en utilisant des modèles similaires et ils ont choisi de suivre le cycle de vie des plantes.
Uttara Mendiratta, coordinatrice du projet, reconnaît que MigrantWatch rencontre des limites car la plupart des passionnés d’oiseaux vivent dans les zones urbaines. Dans la mesure où la base de données dépend de leurs observations, l’information sur les oiseaux migrateurs d’une grande partie du pays, particulièrement des zones rurales, reste insuffisante. « Contrairement à MigrantWatch, SeasonWatch fera appel à une population plus large, allant des jardiniers aux marcheurs réguliers », dit-elle. Mendiratta pense que le projet renforcera aussi la base de données des savoirs traditionnels associés aux plantes.
La marche à suivre pour participer
Les personnes qui souhaitent contribuer à l’information dans SeasonWatch devront contrôler des arbres particuliers dans leur voisinage ou dans le parc qu’ils fréquentent.
Le site internet offre une liste d’arbres dans laquelle ils doivent choisir. Les participants devront contrôler les arbres une fois par semaine ou toutes les deux semaines et noter la présence de bourgeons, de fleurs, de fruits mûrs ou non et de feuilles jeunes et matures. Ils devront créer un compte personnel pour alimenter les données, incluant la date et le lieu de l’observation.
D’après Quader, l’information devrait générer un enregistrement continu des données à travers tout le pays et aider à comprendre les variations régionales dans la floraison et l’apparition des fruits pour une espèce particulière de plante. C’est un point important dans la mesure où actuellement, en Inde, l’information sur la phénologie (l’étude des effets du climat sur l’activité des plantes et des animaux) est beaucoup trop générale. L’information mise en corrélation avec les données telles que les précipitations, la météorologie et l’altitude des régions révélera l’influence des variations climatiques interannuelles sur le cycle de vie des plantes.
Pour s’assurer de la crédibilité des données, les participants seront incités à envoyer des photographies des arbres qu’ils contrôlent. Selon Quader, cela permettra également de limiter les risques d’erreur dans l’identification des espèces.
« Si les données semblent bizarres – comme un arbre à neem fleurissant en plein hiver – nous demanderons au participant de prendre une photographie des fleurs et des feuilles afin de confirmer que cet arbre est effectivement un individu sortant de la norme ». Bien que les erreurs soient inévitables, les chercheurs croient qu’elles peuvent être éliminées lors de l’analyse des données. Il ne sera pas tenu compte des informations qui ne respectent pas la marche à suivre.
« Une fois que le site internet sera fonctionnel, tout un chacun pourra télécharger des données gratuitement et les analyser. La base est sous licence creative commons », dit Quader.
La prochaine étape pour les chercheurs du NCBS vise à faire participer les étudiants. Le Central Board of Secondary Education (Bureau central de l’enseignement secondaire) impose aux écoles de délivrer un cours sur l’environnement dans lequel les étudiants doivent préparer des projets. Mais très peu d’enseignants disposent des compétences et des outils nécessaires. Afin de pallier ces lacunes, les chercheurs du NCBS montent actuellement des projets, similaires à SeasonWatch et MigrantWatch, destinés aux étudiants.
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, Índia
Lire l’original en anglais : Common science
Traduction : Valérie FERNANDO
Artigos e dossiês
Sumana NARAYANAN, « Common science », in Down TO Earth, 28 Février 2010
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