Charte du Forum international sur l’accès à la terre, 18-19 avril 2009
01 / 2010
La crise alimentaire mondiale a révélé au grand jour les effets dévastateurs des politiques de libéralisation de l’agriculture et l’abandon des agricultures familiales et paysannes au profit de l’agrobusiness. Ces politiques ont largement contribué à l’augmentation du nombre de personnes souffrant de la faim, qui atteint aujourd’hui presque un milliard. La grande majorité de ces personnes sont des paysannes et des paysans fragilisés par ces politiques agricoles.
Alors que cette crise alimentaire s’est étendue aux secteurs économique et financier, la terre est aujourd’hui placée au coeur des enjeux économiques, sociaux et environnementaux. La concentration foncière s’accélère au profit des grandes exploitations agricoles. À cela s’ajoute l’aggravation du phénomène d’accaparement des terres agricoles à l’échelle mondiale par des investisseurs privés et des États, qui vient renforcer la pression exercée sur des millions de paysans et risque d’engendrer de nouveaux conflits. Ceci sans oublier les cas de colonisation (terres et eau) en violation du droit international.
L’agrobusiness accapare les terres et aggrave la faim et la pauvreté !
Dans les pays dits du Sud, la priorité donnée à l’agrobusiness et les expropriations liées au développement urbain ou industriel ont privé des millions de petits paysans de leurs moyens de production, sans revenus de substitution. Les céréales prélevées sur le marché mondial pour le développement des agrocarburants et l’alimentation des animaux ne sont plus disponibles pour leur fonction première qui est de nourrir les hommes. En Europe, ce sont des milliers d’exploitations qui disparaissent chaque année, victimes du bétonnage et de la concurrence acharnée au sein même du monde agricole par des exploitations qui s’agrandissent, dopées par des soutiens publics inéquitables. Dans ce contexte, les jeunes ne peuvent pas s’installer. L’agriculture pratiquée dans les grandes exploitations ou plantations emploie le plus souvent de la main-d’œuvre sous rémunérée et sans droits. Elle a tendance à se mécaniser et conduit au chômage des petits paysans.
Ce modèle, qui privilégie souvent la monoculture et la consommation intensive d’eau, d’énergie et de pesticides, n’est pas durable. Par ailleurs, l’agrobusiness et le commerce international déstabilisent ou détruisent les productions locales et ne s’intéressent qu’à la population solvable – les pauvres ne pouvant pas payer : ils ne peuvent donc pas répondre au défi de la faim, et l’actualité le démontre chaque jour. L’agriculture paysanne et familiale est celle qui associe le mieux les aspects sociaux, environnementaux et économiques. Elle privilégie les cultures vivrières ou la consommation locale en s’appuyant sur des modèles de production diversifiés, plus économes, consommant moins d’énergie et de pesticides. L’agriculture paysanne peut nourrir le monde, mais elle doit être soutenue ou renforcée au Nord comme au Sud.
L’Union européenne a de grandes responsabilités !
L’Union européenne, à travers ses politiques, les investissements de ses entreprises et de ses banques et les décisions des institutions financières internationales qu’elle influence, a de grandes responsabilités dans cette situation. Les citoyens des 27 États membres de l’Union européenne (UE) éliront, en juin 2009, leurs représentant-e-s au Parlement européen pour la législature 2009-2014. Le renouvellement du Parlement européen est l’occasion de mettre la question du foncier à l’agenda européen. Peuples Solidaires, la Confédération Paysanne et leurs partenaires réunis à Montreuil les 18 et 19 avril 2009 à l’occasion du Forum international sur l’accès à la terre, appellent les futurs parlementaires européens à s’engager à défendre le droit des paysan(ne)s à la terre, au Sud comme en Europe, en considérant que la terre est un bien commun et de responsabilité collective.
Pour défendre le droit à la terre, les futur(e)s parlementaires européen(ne)s sont appelé(e)s à :
Soutenir publiquement les luttes paysannes visant à défendre les droits des paysans et en particulier le droit à la terre, au Sud comme en Europe, pour faciliter et sécuriser l’accès à la terre.
Reconnaître le rôle clef des femmes dans la souveraineté alimentaire, et soutenir leur lutte pour l’accès et le contrôle de la terre.
Défendre le droit de souveraineté alimentaire au sein des organismes internationaux, prioritaire sur les droits du commerce, et dans la mise en œuvre du Partenariat mondial pour l’agriculture et l’alimentation actuellement en cours d’élaboration.
Demander à court terme la transparence et à moyen terme la régulation des investissements fonciers à l’échelle internationale en faisant primer le droit à la souveraineté alimentaire et le droit à l’alimentation sur les intérêts privés.
À l’échelle européenne, la transparence et la régulation portent sur les investissements des entreprises européennes en Europe de l’Est et dans les pays du Sud ainsi que sur les investissements de la Banque Européenne d’Investissement, de la Banque Européenne de Reconstruction et de Développement et des banques et fonds spéculatifs privés, dans ces mêmes pays. Les futur(e)s parlementaires européen(ne)s sont donc appelé(e)s à :
Prendre position sur la politique foncière de la Banque Mondiale et ses conséquences pour les petits paysans et sur le phénomène d’accaparement des terres agricoles.
Orienter l’aide à l’agriculture fournie par l’Union européenne vers les projets d’agriculture paysanne profitant aux communautés rurales, en excluant les projets agroindustriels.
Demander l’abandon de l’objectif d’incorporation de 10 % d’agrocarburants dans la production énergétique européenne, et la mise en œuvre d’une politique d’indépendance protéinique en Europe, afin de mettre un terme aux monocultures d’exportation développées pour le marché européen en Amérique latine, Asie et Afrique.
Demander la suspension des accords d’association avec les États qui colonisent les terres et l’eau en violation du droit international.
Dans la perspective de la réforme de la PAC en 2013, les futur(e)s parlementaires européen(ne)s sont appelé(e)s à :
Refonder la Politique Agricole Commune sur les principes de souveraineté alimentaire, de préservation des ressources naturelles et de relocalisation de la production alimentaire, ainsi que du développement de l’emploi paysan sur tous les territoires.
Rappeler que le soutien aux agriculteurs européens ne doit pas nuire aux paysans du Sud.
Cette refondation implique de :
Placer la question de l’usage et de la répartition du foncier au cœur des politiques publiques européennes.
Faciliter et sécuriser l’accès à des installations paysannes pour toutes et tous en privilégiant le droit d’usage sur le droit de propriété.
Poser les bases d’une réforme foncière et agraire pour protéger l’espace agricole contre l’urbanisation, en bannissant la concentration et en favorisant le partage des terres.
Soutenir les collectivités qui mettent en place des réserves foncières agricoles et s’engagent sur les projets collectifs d’utilisation des terres agricoles et de préservation des ressources.
Définition de la Souveraineté Alimentaire (extrait de la Déclaration de Nyéléni) Forum pour la souveraineté alimentaire Nyéléni 2007, Sélingue, Mali |
La souveraineté alimentaire place ceux qui produisent, distribuent et consomment une alimentation locale et saine au cœur des systèmes et politiques alimentaires, agricoles, d’élevage et de pêche, en lieu et place des exigences du marché et des transnationales qui réduisent l’alimentation à des simples produits échangeables sur le marché mondial. Elle offre la possibilité de construire une stratégie de résistance et de démantèlement d’un système à la fois inéquitable et non durable qui conduit tant à la sous-nutrition chronique qu’à l’augmentation rapide de l’obésité. |
La souveraineté alimentaire suppose le respect du droit à l’alimentation – le droit des populations à une nourriture saine, respectant les cultures, produite selon des pratiques respectueuses de l’environnement et des droits sociaux. Elle reconnaît le droit des populations à participer au processus de décision et à définir leurs propres systèmes d’alimentation, leurs pratiques agricoles, d’élevage et de pêche. Elle défend les intérêts des générations futures et suppose des relations sociales égalitaires, libres d’oppression, entre les hommes et les femmes, les peuples, les groupes raciaux et les classes sociales. Elle encourage une véritable réforme agraire et défend l’accès et le partage des terres productives, loin de la menace de privatisation et d’expulsion. La souveraineté alimentaire défend les intérêts, le droit à l’alimentation et celui de produire des populations et communautés, incluant celles sous occupation, dans des zones de conflits, celles qui font face ou qui reconstruisent après des désastres naturels, aussi bien que celles socialement et économiquement marginalisées, comme les dalits, les peuples indigènes et les travailleurs migrants. La souveraineté alimentaire donne un cadre politique permettant des pratiques de production, de cultures, d’élevage, de pêche, de pastoralisme et des systèmes d’alimentation définies par les communautés locales. |
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, Europa
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