01 / 2010
Le Kasama-Tk défend depuis 1985 les revendications des paysans du Sud des Philippines aspirant à une véritable réforme agraire. Dans un pays d’extrême concentration foncière et marqué par la persécution de toutes les forces syndicales, le Kasama-Tk vise à fédérer les paysans et à leur faire prendre conscience de leurs droits. Le rapport de force s’accompagne parfois de violences, d’où une stratégie d’action différente de celle développée par le mouvement non-violent indien Ekta Parishad.
La situation des paysans du Sud des Philippines
La région sud des Philippines est composée de cinq provinces terrestres - Batangas, Cavite, Laguna, Quezon and Rizal - et de cinq provinces insulaires Marinduque, Mindoro Occidental, Mindoro Oriental, Romblon et Palawan. Bien que la région soit dotée de ressources naturelles importantes, la population paysanne souffre d’extrême pauvreté. Les paysans pauvres constituent la majorité de la population de la région, c’est-à-dire 89,2% des 11 millions d’habitants. D’après les informations du gouvernement, seuls 20% des paysans de la région possèdent un hectare ou moins. Huit paysans sur dix ne possèdent pas la terre qu’ils cultivent. 1 934 000 des 4,4 millions d’hectares, soit 44% des terres de la région, sont contrôlés par 845 propriétaires terriens seulement. Un système semi-féodal domine la production agricole dans les campagnes. Des rapports injustes et d’exploitation continuent d’exister entre les paysans et les propriétaires terriens : partage inégal des relations dans les formes de locations, coûts élevés de production par rapport à des produits agricoles vendus à bas prix, endettement auprès des propriétaires terriens et des commerçants, salaires de misère et esclavage pour les salariés agricoles.
Dans ces conditions, les agriculteurs, les pêcheurs, les femmes et les plus jeunes, avec le soutien d’autres secteurs, luttent pour que leurs droits fondamentaux soient respectés, à travers une véritable réforme agraire. Le Kasama-TK rassemble ces acteurs pour structurer leur combat et leur donner d’avantage de crédibilité.
Qu’est ce que le KASAMA-TK ?
Le Katipunan ng mga samahang Magbubukid sa Timog Katagalugan (KASAMA-TK) est une fédération régionale d’organisations paysannes du sud des Philippines. Créé en 1985, il doit sa création aux milliers de représentants de paysans qui, au fil des siècles, ont péri dans leur bataille pour une véritable réforme agraire ; depuis les règles coloniales espagnoles aux années noires de la Loi Martiale sous la dictature de Marcos. Déterminés à améliorer la cause et l’intérêt démocratique de la paysannerie, les représentants des paysans et les paysans militants ont mis en place cette grande fédération régionale de paysans.
Les principales missions du KASAMA-TK
Le KASAMA-TK poursuit essentiellement trois missions :
1. Établir un mouvement paysan puissant, qui se bat avec conviction pour améliorer l’intérêt démocratique de la paysannerie.
2. Développer et exploiter le savoir, la conscience critique, les compétences et les capacités de ses membres et de ses représentants grâce à des formations intensives et approfondies.
3. Améliorer la situation de détresse et les problèmes de la paysannerie ; s’opposer à des projets de développement et des politiques qui sont contre l’intérêt des populations ; et obtenir des acquis sociaux, économiques et politiques au travers de campagnes et de plaidoyers.
Regards croisés avec l’organisation indienne Ekta Parishad
La philosophie du KASAMA-TK est la lutte avant tout. Même si cela doit passer par le recours à la violence, les intérêts que défend l’organisation valent, selon elle, tous les sacrifices. Le régime philippin est extrêmement répressif, et les cas de violences graves sur les opposants sont de coutume. Axel Pinpin, le secrétaire général du mouvement et son représentant lors du Forum International sur l’accès à la terre a d’ailleurs été la victime malheureuse de cette forte répression. En effet, en avril 2006, il a été emprisonné par des agents de l’État et des militaires, au motif suivant : « rebelle appartenant à un groupe armé révolutionnaire issu du parti communiste ». Pure invention destinée à le tenir à l’écart de toute action pouvant mettre en danger les manigances gouvernementales sur la terre. Sa détention a duré 28 mois et c’est en grande partie grâce à la pression mise par la solidarité internationale sur les institutions philippines que le tribunal a classé l’affaire et l’a libéré en novembre 2008.
La prison a conforté Axel Pinpin dans ses convictions et il lutte aujourd’hui plus que jamais au sein du KASAMA-TK. À son sens, toute forme de mobilisation, y compris violente, est justifiée par les intérêts des Philippins et les inégalités criantes dont ces derniers sont victimes. Le mouvement a pour but, « sans condition », de soutenir et de promouvoir les droits démocratiques des paysans philippins, et d’arriver à établir un État libre, démocratique et souverain. Le bras de fer avec le gouvernement philippin peut s’avérer long et éprouvant. Le 22 mai 2009, un mois après le forum de Montreuil auquel Axel a participé, la police militaire a violemment dispersé le campement paysan installé depuis plus 40 jours face au parlement philippin à Manille. Ce sit-in paysan visait à demander au parlement philippin l’adoption d’une réforme agraire favorable aux petits paysans. Plusieurs militants ont été blessés lors de cette violente dispersion. Il est frappant de voir que les moyens de mobilisation pour la terre varient entre organisations.
L’organisation indienne Ekta Parishad par exemple, lutte pour des acquis socio-politiques et des idéaux comparables à ceux du KASAMA-TK. Cependant, l’organisation suit strictement la pensée de Gandhi, dont la non-violence est le maître mot. Au contraire du KASAMA-TK qui s’oppose fréquemment à l’armée, Ekta Parishad prône la réforme agraire par la mobilisation non-violente. Les longues marches de protestations, héritées de la Marche du Sel de Gandhi, sont ainsi un élément fort utilisé par l’organisation. Ces dernières rassemblent des milliers de militants qui traversent l’Inde pour transmettre leurs idées, former les populations et faire connaître leurs revendications aux décideurs politiques. Cette forme de mobilisation connaît également de nombreux succès comme lors de la marche Janadesh en octobre 2007.
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, Filipinas, Índia
Actas de colóquio, seminário, encontro,…
D’après les interventions d’Axel Pinpin, secrétaire général du Kasama-Tk et de Pradeep Sharma, coordinateur national d’Ekta Parishad lors du Forum International sur l’accès à la terre des 18 et 19 avril 2009.
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