Synthèse des échanges de la Plateforme de Montréal, session 2009
2009
Cette septième plate-forme d’échanges sur les agglomérations urbaines portait sur la planification territoriale et sa contribution pour l’attractivité et la compétitivité des régions métropolitaines.
Les cinq cas rapportés étaient ceux de :
La région métropolitaine de Montréal
La région métropolitaine de Québec
La métropole Lyon Saint-Étienne
La région de Bruxelles capitale
La zone transfrontalière du franco-valdo-genevois
Chaque présentation fera l’objet d’une fiche synthétique d’une page qui sera mise en ligne pendant quelques semaines sur le site de la Communauté métropolitaine de Montréal, de même que les grandes lignes des enseignements et interrogations synthétisées par l’organisateur de la septième rencontre, Gérald Bolduc, urbaniste à la Communauté métropolitaine de Montréal et le référent scientifique qu’il s’est adjoint, Mario Carrier, professeur à l’Université Laval qui la complèteront par des éléments du débat tenu en dernière journée. Il ne s’agit donc pas de faire ici double emploi avec ce compte rendu officiel mais d’en faire une rapide synthèse au regard de la thématique proposée. Nous reviendrons également sur chacun des cas présentés, en analysant les systèmes de gouvernance métropolitaine mis en place et en reprenant la thématique de la plate-forme de Saint-Etienne de l’articulation planification/projets, abordée cette fois-ci au niveau métropolitain.
Tout d’abord, quels sont les thèmes dont s’empare la planification territoriale, ou plus exactement sur lesquels les services chargés d’élaborer ces schémas de planification territoriale s’estiment légitimes et travaillent à soumettre des propositions aux acteurs politiques pour soutenir la dynamique économique du territoire orientée vers un développement durable ?
la protection des sites et paysages nécessitant une vigilance de long terme (plans « bleu » ou « vert » suivant les thématiques de protection et d’embellissement des sites concernés) ;
la protection de l’agriculture périurbaine comme en Suisse ou au Québec où elle est relève d’une loi avec un dispositif d’ordre judiciaire pour contrôler le morcellement foncier ;
le développement de l’offre de transports alternatifs à la voiture, particulièrement le transport collectif avec, en articulation avec le droit des sols, des projets de densification du bâti au droit des gares et autres pôles d’échanges ;
la mise en cohérence des réseaux autoroutiers par la création des barreaux manquants (ou des regrets éternels face à certaines absurdités contrariant l’écoulement des flux…)
la localisation de quelques grands équipements soutenant la dynamique de développement ou liés aux exigences de développement durable, en particulier ceux nécessaires au traitement des résidus urbains ; ce thème-là a néanmoins davantage été vu sous l’angle des erreurs passées de localisation, portant durablement à conséquence : Cf. localisation des aéroports internationaux à Montréal ou à proximité de Bruxelles mais hors périmètre de la région capitale).
Pour ce qui relève de l’attractivité métropolitaine en direction des entreprises, les entreprises locales de renom et pôles de recherche privés et publics sont mis en réseaux à l’initiative de la puissance publique pour faciliter l’échange et le partenariat local mais aussi la coopération internationale (Voir « grappes métropolitaines » à Montréal et particulièrement AéroMontréal sur le site internet de la CMM ; Voir aussi le partenariat constitué entre communauté urbaine, chambres consulaires, organisations patronales et université pour la plateforme stratégique « Grand Lyon, l’esprit d’entreprise »).
L’articulation avec le territoire se fait essentiellement par l’identification d’une offre foncière et immobilière disponible, ou en cours d’aménagement, pour les entreprises et donc au travers de projets de développement ou redéveloppement urbain (Cf. Quartier international de Montréal ou encore site internet de « Grand Lyon, l’esprit d’entreprise »). Pour autant les élus locaux responsables sont très sensibles aux scores octroyés à leur région métropolitaine par des agences de notation et s’orientent souvent vers des démarches de marketing territorial, mettant en avant les atouts du territoire en termes de liaisons internationales mais aussi la qualité de vie pour les cadres (y compris les facilités ou difficultés de déplacements au sein de la métropole et vers l’extérieur en termes de loisirs). Pour autant, les différentes bases de fiscalité locale et modes de taxation de l’activité des entreprises induisent également des spécialisations territoriales, particulièrement sensibles dans les zones transfrontalières (Cf. franco-valdo-genevois).
En revanche d’autres questions essentielles restent dans le domaine du non exprimé ou, au mieux, sont traitées par d’autres niveaux :
les questions de solidarité, notamment dans le domaine du logement abordable, qui au mieux relèvent d’une mise en commun financière (Communauté métropolitaine de Montréal) sans implication territoriale ;
le non dit de l’attractivité migratoire pour les populations venant de pays pauvres qui trouveront un emploi dans les services de ces régions métropolitaines attractives ;
la qualité et le niveau de formation de la main d’Ĺ“uvre locale ;
l’attractivité et la notoriété culturelle, souvent organisée par (ou au niveau de) la ville centre ;
Tous les exemples présentés mettent tout autant en avant la démarche de travail collectif pour élaborer une vision commune que le résultat produit et validé politiquement, ne serait-ce que parce que le processus est encore en cours. Les débats de la 7° plate-forme ont essentiellement porté sur les difficultés à entrer dans une approche plus globale des territoires. Cette recherche systématique du consensus local pour mettre en valeur les atouts du territoire vis-à-vis de l’extérieur explique en grande partie les zones de flou évoquées plus haut. Les conflits sur les compétences peuvent aussi en être une cause (Cf. appareil de formation en Belgique maîtrisé par les communautés linguistiques et non par les régions). Pour autant les responsables élus d’un territoire peuvent-ils oublier que la valorisation du capital humain est un atout essentiel en termes de compétitivité au sein du monde développé, qui passe par des programmes de formation et d’amélioration de la cohésion sociale au bénéfice des populations du territoire ? D’autres ont également rappelé que les choix de localisation consensuels pouvaient s’avérer des erreurs stratégiques majeures sur le long terme.
Au-delà de cette synthèse rapide, il semble intéressant de revenir sur chacun des cas présentés en s’interrogeant sur les modes de gouvernance métropolitaine rapportés et sur la façon dont s’organise, ou non, l’articulation planification/projets, thème de la précédente session. Nous essaierons d’aborder successivement pour la clarté du propos trois questions transversales, étroitement liées entre elles néanmoins, qui sont abordées différemment dans les différentes métropoles présentées :
la question des scènes, institutionnelles ou non, sur lesquelles se déploie la dynamique de planification, ou tout au moins d’élaboration d’une vision commune, et la façon dont s’y développe ou non un leadership ;
le périmètre géographique de la planification ;
l’articulation planification/projets, objet de la précédente plate-forme réunie à Saint-Etienne en 2008, que les exemples présentés à Montréal permettent d’illustrer à l’échelle métropolitaine cette fois.
Il sera néanmoins plus facile de tirer des enseignements des deux cas québécois que de les analyser séparément, c’est pourquoi ils seront présentés successivement.
1- La Communauté métropolitaine de Montréal (CMM)
La CMM est une institution supra municipale de planification, de coordination et de financement créée en 2001. Elle assume 5 des 6 compétences prévues par la loi de 2000 : Développement économique, Aménagement du territoire, Logement social, Équipements, infrastructures, services métropolitains, Transport en commun et réseau artériel métropolitain, Environnement (résidus urbains, assainissement de l’atmosphère et des eaux usées), à l’exclusion de celle du Développement artistique et culturel. Toutefois ces compétences peuvent être exercées de façon directe par des Ministères ou agences gouvernementales du Québec : c’est particulièrement le cas dans le domaine des investissements en infrastructures de transports (autoroutes et TC) dont le déficit d’exploitation est néanmoins couvert par les finances métropolitaines.
La CMM couvre le territoire de 82 municipalités, dont certaines regroupées au sein de 12 Municipalités régionales de comté (MRC) et 2 agglomérations urbaines, soit 14 regroupements inter municipaux qui ont été maintenus. Ce territoire de 4360 km² (dont 57% en espaces agricoles, naturels et aquatiques) paraît pertinent au regard du fonctionnement métropolitain (économie et vie quotidienne de 3,6 millions d’habitants) et a permis de faire approuver une vision 2025 (rejoindre les 10 meilleures régions nord américaines en PIB/habitant), un plan de développement économique basé sur une stratégie de « grappes métropolitaines » (ailleurs cluster ou pôle de compétitivité), un schéma métropolitain d’aménagement et de développement et différents plans d’action qui sont essentiellement des programmes de subventions aux opérateurs. Environ la moitié de son budget est ainsi engagé en faveur du logement abordable (1).
Institution récente, elle s’est interrogée sur les méthodes de travail à mettre en place pour faire converger les politiques considérées comme d’intérêt métropolitain, tout en satisfaisant à la demande de certains élus de conserver la maîtrise de l’utilisation des sols au niveau des MRC ceci (2) en regard de la complexité institutionnelle entre les diverses collectivités locales, mais aussi du fait des découpages et compétences propres des administrations de la province du Québec.
Est ainsi apparue l’hypothèse d’un autre partage de compétences en aménagement fondée sur un « nouvel outil métropolitain d’aménagement » centré sur des « objets d’intérêt métropolitain », facteurs d’attractivité et de compétitivité pour le Grand Montréal. Sont ainsi identifiés les secteurs de protection du patrimoine bâti et naturel, la limite du périmètre métropolitain d’urbanisation en regard de la protection de l’agriculture, et surtout l’optimisation des réseaux de transport de personnes et de marchandises avec en corollaire la densification de l’usage des sols au droit des gares et pôles d’échanges, l’ensemble dans une approche intégrée relevant de la Communauté métropolitaine de Montréal.
Pour la mise en application, sont envisagés des plans d’action sur des sites ciblés accompagnés « d’ententes de développement » avec le gouvernement du Québec pour leur financement et un « monitoring » de l’ensemble au regard des objectifs poursuivis d’amélioration de l’attractivité et de la compétitivité du grand Montréal.
2 – La Communauté métropolitaine de Québec
Comparativement à la CMM, la Communauté métropolitaine de Québec est plus modeste, tant en termes d’ampleur territoriale (28 municipalités pour un territoire municipalisé de 3300 km², avec 5 agglomérations ou MRC, l’ensemble rassemblant 730 000 habitants) que de compétences puisqu’elle n’a pas prise celle du logement abordable.
En matière de planification, elle s’est donné sa vision stratégique de développement, obligation légale, qui est constituée d’orientations consensuelles très générales mettant néanmoins en avant la nécessité d’intensifier l’urbanisation des secteurs desservis par les transports collectifs et de favoriser de nouveaux choix de transport. Elle est assortie d’un plan des grands enjeux de développement économique sur une perspective 2005-2010.
Contrairement au grand Montréal, il semble que la fuite des habitants hors du périmètre métropolitain institué soit importante, ce qui interroge sur la pertinence du choix de périmètre effectué par le gouvernement québécois pour sa capitale.
Davantage encore, c’est la difficulté à travailler ensemble qui semble caractériser le paysage local avec une forte méfiance mutuelle. Toutefois l’apprentissage collectif s’effectue petit à petit dans le domaine des transports collectifs qui aujourd’hui ne sont pas interconnectés de part et d’autre du fleuve Saint-Laurent : mise en place d’un titre inter réseaux en 2003, intégration tarifaire en cours de développement. A moyen terme apparaissent des projets plus structurants pour favoriser le transport collectif (voies réservées sur les ponts par exemple). Toutefois, en référence à la question de la pertinence du périmètre métropolitain, on remarquera qu’il est envisagé pour tous les projets concernant les transports collectifs de déborder du territoire de la CMQ.
Aussi dans les domaines de l’aménagement de l’espace, les services peinent-ils à proposer des éléments de cohérence, sauf peut-être les travaux sur un atlas des paysages facilitant les orientations à prendre pour la protection des paysages naturels et bâtis qui font la marque de ce territoire. Ces travaux sont toutefois utilisés pour arbitrer des conflits émergents (conflits d’usage entre agriculture protégée et résidents, localisation des éoliennes).
La présentation comparée des cas du Grand Montréal et de Québec montre que les élus se sont emparés de façon différente d’une contrainte légale.
Les élus du Grand Montréal, élus au second degré qui semblent emmenés par le Maire de Montréal, se situant dans la compétition Nord américaine, ont pris en charge le fait métropolitain et manifestent une volonté de pilotage des projets concernant les « objets d’intérêt métropolitain » dans le cadre « d’ententes de développement » avec le gouvernement du Québec et ses agences spécialisées. Une évolution pragmatique de la loi est envisagée pour mieux répartir la compétence d’aménagement entre la Communauté métropolitaine, normalement responsable dès lors qu’il y a schéma métropolitain, et les autres niveaux de collectivités : seuls les sites stratégiques de densification autour des pôles releveraient de la responsabilité du Conseil métropolitain, le reste du territoire relevant pour ce qui est du droit des sols des MRC, agglomérations, voire communes isolées.
Cet enjeu de positionnement compétitif ne mobilise pas les élus de Québec, métropole de moindre importance mais aussi siège du gouvernement provincial. Une politique de petits pas s’esquisse néanmoins pour traiter les principaux dysfonctionnements de la zone centrale de part et d’autre du fleuve Saint Laurent, ou encore pour régler des en s’appuyant sur les premières études réalisées par les services métropolitains de planification. Cette situation s’apparente largement à celles des agglomérations françaises sous le double aspect de l’absence de pertinence des périmètres retenus et également en termes d’apprentissage, lent et empreint de méfiance, de la coopération intercommunale.
On notera de plus que l’enjeu de développement et de répartition du logement abordable, bien que de pleine compétence de la Communauté métropolitaine à Montréal et mobilisant environ la moitié de son budget annuel, n’est pas considéré comme « objet d’intérêt métropolitain », facteur d’attractivité et de compétitivité. Cela signifie-t-il que les questions de solidarité, trop polémiques, ne peuvent mobiliser hors campagnes électorales et sont toujours renvoyées au second plan ?
3- La métropole Lyon Saint-Etienne
Différents acteurs publics ou institutionnels ont décidé de prendre en charge le rayonnement et la compétitivité de la métropole lyonnaise avec des systèmes d’alliance organisés en associations dont on trouve assez facilement les objectifs en consultant leurs sites internet.
On mentionnera d’une part la Région urbaine de Lyon (Rul), association constituée depuis 1989 entre la Région, les 4 départements concernés et les principales intercommunalités, dont bien entendu le Grand Lyon et Saint-Etienne métropole (3), et d’autre part le réseau « Grand Lyon, l’esprit d’entreprise » rassemblant la communauté urbaine, l’Université de Lyon et les chambres consulaires et les organisations patronales du Rhône autour de l’objectif d’intégrer le club des 15 premières métropoles européennes.
La Région urbaine lyonnaise couvre près de 800 communes et rassemble une population de 2,9 millions d’habitants. La légitimité de ces acteurs semble très liée à leur territoire de compétence plus ou moins affiché, tiers dominant du territoire de la Région Rhône-Alpes pour l’une puisqu’il inclut la capitale régionale, Lyon, périmètre de la Communauté urbaine du Grand Lyon pour l’autre. Cette interprétation provient des projets que se sont donnés ces réseaux et de leur capacité institutionnelle à les porter dans le contexte français.
La compétence d’aménagement du Grand Lyon montre qu’au-delà des actions de promotion extérieure de la capitale lyonnaise (dans laquelle la ville de Lyon elle-même prend une place importante et parfois non concertée : voir la marque « ONLYLYON ») ramène assez vite le sujet aux questions de disponibilité foncière pour l’implantation d’entreprises (Cf. supra). La compétence d’organisation des transports de la Région paraît déterminante dans le projet de la RUL visant là (comme au Québec) à interconnecter les réseaux de transports régionaux, urbains et départementaux d’abord par l’information aux usagers et la tarification puis par l’organisation d’un système express (RER) à partir du réseau ferré appuyée sur ses capacités financières pour orienter l’action de l’exploitant SNCF.
Le schéma logistique de régulation de l’implantation des plates-formes logistiques et de leur connexion avec des modes de transport plus écologiques, fer et voie d’eau, peine à trouver ses moyens d’action dont seuls les documents de planification réglementaire pourraient encadrer la localisation. Ceux-ci sont du ressort des syndicats d’études des Schémas de cohérence territoriaux (Scot), huit d’entre eux étant réunis au sein de l’InterScot lyonnais. Constitués rapidement pour élaborer un document de planification permettant aux maires de conserver la maîtrise du droit de sols, et donc sur un mode défensif, ces syndicats ne contribuent pas sérieusement à la vision commune de la région urbaine lyonnaise.
Toutefois, les services et agences d’urbanisme essaient de les orienter vers une vision organisant la densification des usages autour des gares, aidés en cela par les « contrats de gare » que finance la Région en échange d’une amélioration de la desserte et du cadencement des trains. Une autre tentative est celle de la régulation par les vides (protection des paysages naturels et agricoles).
D’autres actions de promotion de cette région urbaine, comme la promotion touristique orientée vers les sites naturels et les utopies construites, rejoignent ces préoccupations de protection des paysages naturels et bâtis. Mais les réflexes localistes s’avèrent souvent les plus forts pour organiser les événements promotionnels. Ainsi, deux candidatures au titre de capitale européenne de la culture, celles de Saint-Etienne fondée entre autres sur sa cité du design et de Lyon, réunies en dernière minute, se sont soldées par un échec…
On retiendra de cette approche métropolitaine lyonnaise la relative efficacité en termes de partage d’une vision sur le territoire et ses éléments à valoriser, approche faisant appel à la subsidiarité entre acteurs réunis dans des structures assez informelles. Il est difficile de parler de planification mais plutôt d’approches sectorielles de moyen terme où des acteurs forts, Région ou Grand Lyon, peuvent asseoir leur légitimité par les ressources financières directes et incitatives qu’ils peuvent mobiliser afin d’entraîner au-delà du domaine concerné : on retiendra particulièrement en l’occurrence l’amélioration des services de transports régionaux conditionnée à des engagements sur l’aménagement de l’espace à proximité des gares.
D’autres domaines échappent néanmoins à cette dynamique pragmatique : la solidarité territoriale s’arrête aux portes des intercommunalités et seule l’amélioration de la mobilité intra régionale permet aux populations exclues du marché du travail à Saint-Etienne d’espérer retrouver un emploi à brève échéance. Le cadre juridique de la planification spatiale en France, porté par l’Etat local, paraît en total décalage avec les enjeux des territoires concernés.
4 – La Région de Bruxelles Capitale (RBC)
La Région de Bruxelles Capitale est issue d’une réorganisation de l’état fédéral belge de 1989, qui répartit les compétences liées aux personnes entre trois Communautés linguistiques (flamande, francophone et germanophone) et celles qui sont décentralisées au niveau des Régions (flamande, wallonne et de Bruxelles), dont l’aménagement du territoire. Notons que certaines compétences des Communautés ont été déléguées à la Région Bruxelles capitale. Elle forme une enclave en Région flamande. Son périmètre est de ce fait intangible. Il couvre 19 communes seulement, dont Bruxelles qui a un poids largement prédominant avec un budget équivalent à celui de la Région, et rassemble une population d’un peu plus d’un million d’habitants avec un partage linguistique sensiblement équivalent, la population francophone étant aujourd’hui la plus défavorisée, largement issue de l’immigration.
Tous s’accordent sur le fait que la métropole déborde largement de la frontière de la RBC tant du fait de la localisation de certains grands équipements comme l’aéroport international situé en région flamande, ou le ring autoroutier presque entièrement situé hors périmètre, que des phénomènes classiques de périurbanisation par la maison individuelle, phénomène facilité en Belgique par une fiscalité locale assise sur les bases foncières de l’habitation qui aiguise la concurrence intercommunale. Ainsi on trouve 62 communes rassemblant 1,6 millions d’habitants dans un périmètre de région urbaine (unité statistique) ou encore 135 communes avec 2,9 millions d’habitants en zone couverte par le réseau express de transport.
Le dialogue métropolitain ne trouve pas dans le contexte belge de scène où s’exercer hors l’état fédéral, lui-même très affaibli car lieu où se jouent les affrontements politiques intercommunautaires. Il porte cependant, avec la RTFB, le développement du réseau de transport express. Pour la RBC, il semble impossible de nouer des relations bilatérales, même informelles, avec des communes des régions flamande ou wallonne, sans l’aval de ces Régions. Pourtant des projets d’envergure, concurrents des projets de la Région Bruxelles Capitale s’y développent. Ainsi d’un gros pôle tertiaire entre la RBC et l’aéroport en région flamande.
En termes de compétitivité et d’attractivité internationale, il faut néanmoins souligner la capacité à articuler au sein de la RBC une vision d’avenir, portée par la notoriété internationale de Bruxelles en tant que siège de la Commission de l’Union européenne, documents de planification spatiale et projets d’aménagement prioritaires organisés selon une vision polycentrique du fonctionnement régional et portés par la Région en tant qu’institution, interlocuteur aujourd’hui reconnu par les services de la Commission. Un transfert modal significatif en faveur des transports collectifs s’est effectué à la faveur du bouclage de certaines infrastructures ferrées. De même des contrats de quartiers avec une forte composante sociale permettent de renouveler la ville sur elle-même en maîtrisant la tertiarisation rampante et en privilégiant l’habitat, source de recettes fiscales, rappelons-le. Le seul échec véritablement flagrant apparaît au niveau de l’enseignement francophone, de la responsabilité de la Communauté, où les discriminations entre écoles sont patentes.
En résumé, une efficacité certaine d’une institution forte de ses prérogatives propres et de celles qui lui ont été déléguées par les Communautés, malgré des limites financières liées aux bases de la fiscalité locale et, surtout, au sein de frontières imposées inappropriées ?
5 - La région transfrontalière du franco-valdo-genevois
Un projet d’agglomération franco-valdo-genevois est à l’étude sur un territoire transfrontalier de 1900 km² rassemblant 204 communes (92 suisses, 112 françaises), 770 000 habitants et 390 000 emplois. Il provient de l’obligation ressentie par le canton de Genève de changer d’échelle pour maintenir son attractivité internationale en trouvant les moyens de faire face aux insuffisances constatées, notamment en termes de disponibilité foncière pour les entreprises et de mobilité pour la vie quotidienne des salariés.
Les frontières du canton de Genève sont trop étriquées tant du côté suisse vers le canton de Vaud et particulièrement le district de Nyon que du côté français. Une scène institutionnelle préexistante, le Comité régional franco-genevois (CRFG), a été réactivée et s’est organisée pour établir un projet d’agglomération (4) articulant vision à long terme (croissance forte et « durable » basée sur les activités internationales), fondée sur deux piliers « organisation sociale » et « organisation spatiale », et projets structurants avec un pilotage politique organisé.
Le comité de pilotage est paritaire (9 membres pour chaque pays) et tient compte des spécificités institutionnelles de la Suisse (représentants des 2 cantons et institutions infra cantonales, dont la Ville de Genève, l’association des communes genevoises, la Ville de Nyon et le district de Nyon) et de la France (2 représentants de l’Etat, 1 du Conseil régional, 1 de chaque Conseil général et 4 des communautés d’agglomération ou de communes).
La Confédération suisse n’est pas représentée au comité de pilotage mais finance l’élaboration du projet d’agglomération qui conditionne son intervention financière pour les projets de transport et les projets urbains transfrontaliers intitulés Périmètres d’aménagement coordonné d’agglomération (PACA). La Délégation interministérielle à l’aménagement et à la compétitivité des territoires (DIACT) française, de son côté, a retenu ce territoire dans son « appel à projet métropolitain » mais n’apporte aucun soutien financier. Le projet d’agglomération est également retenu par l’Union européenne au titre du programme Interreg.
Différents PACA sont aujourd’hui à l’étude, sous forme de mandats d’étude test, côté suisse, ou de marchés de définition côté français et certains doivent avancer rapidement compte tenu des réalisations d’infrastructures de transport transfrontalier, réalisés grâce à des financements largement suisses. Ainsi des projets de prolongement du tram jusqu’à Annemasse et d’amélioration des gares CEVA (Cornavin – Eaux Vives – Annemasse). L’enjeu de ces études et de faire remonter un consensus dans une démarche qui se voudrait non descendante mais « bottom-up »…
Pour autant, face à la dynamique portée par le canton de Genève, l’engagement du côté français et particulièrement des collectivités territoriales compétentes semble sans rapport avec les enjeux de ce territoire aux marges de la région Rhône-Alpes (5) et des départements de l’Ain et de la Haute-Savoie qui cumule une absence d’attractivité relative pour les entreprises et une augmentation des prix fonciers marginalisant les résidents non travailleurs frontaliers.
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La gouvernance des agglomérations