L’auteur, M. Mame Ousmane GUEYE est mareyeur professionnel depuis 1975 à M’Bour. Il est le Président de l’Union Nationale des Mareyeurs du Sénégal. Avant de devenir mareyeur, il était pêcheur. Il explique pourquoi il s’est lancé dans le mareyage et comment la profession a évolué depuis 25 ans.
« Je suis entré dans le mareyage à cause de l’exploitation dont les pêcheurs étaient victimes de la part des mareyeurs. Etant pêcheur, je subissais aussi leur chantage à savoir qu’ils te prêtent de l’argent pour faire face aux coûts des équipements et en retour ils t’obligent à leur vendre le poisson au prix qu’ils t’imposent le plus souvent. Depuis que je suis entré dans la profession et que j’ai créé la FENAMS (Fédération Nationale des Mareyeurs du Sénégal), devenue Union Nationale des Fédérations de Mareyeurs du Sénégal, les choses ont quelque peu changé sur trois points :
1 - Il y a plus d’argent dans la profession aujourd’hui qu’avant.
2 - Beaucoup d’anciens pêcheurs ont préféré devenir mareyeurs plutôt que de se laisser maltraiter par les mareyeurs.
3 - Il y a de plus en plus de femmes mareyeuses, alors qu’avant elles se contentaient d’un petit commerce au bord des routes. Jusqu’aux années 80 il y à peine une vingtaine de femmes mareyeuses sur tout le territoire sénégalais dont 4 seulement à M’Bour. De nos jours, les femmes sont plus nombreuses que les hommes. Elles sont environ 700 femmes au Sénégal dont près de 200 possèdent des camions frigorifiques.
Nous avons essayé également d’avoir un changement au niveau des relations entre les usiniers et les mareyeurs. Avant c’étaient les usiniers qui imposaient les prix aux mareyeurs mais depuis un certain temps nous essayons de renverser la vapeur, ce qui n’est évidemment pas bien vu du coté des usiniers. Or s’ils nous achètent à un prix bas, nous serons aussi obligés de chercher à réduire les prix au niveau des pêcheurs ce qui ne les arrangerait pas. J’ai personnellement essayé d’avoir des discussions avec les directeurs des usines. Cela n’a pas été facile parce qu’ils m’accusent de gâter le marché et de leur livrer la guerre. C’est parce que j’ai été pêcheur que je connais les conditions difficiles que vivent les pêcheurs. Et c’est pour cette raison que j’ai créé la FENAMS. Maintenant la situation s’est beaucoup améliorée. Il existe encore quelques pêcheurs qui prennent de l’argent aux mareyeurs, même ceux de notre organisation, mais le chantage a diminué. Et les membres de notre organisation ne leur créent pas de conditions difficiles.
Du point de vue conservation, les choses se sont également améliorées. Avant on creusait un trou dans le sable à la plage pour conserver le poisson. Ensuite, on est passé à l’ère des caisses en bois recouvertes de bâche. Cela ne garantissait qu’une conservation de 2 jours. Après sont venus les conteneurs isothermes dans les années 80 jusqu’à présent. Il est vrai qu’actuellement, de nombreux mareyeurs possèdent des camions frigorifiques, mais la majorité continuent d’utiliser les conteneurs isothermes dont la fabrication ne coûte pas chère et qui conservent le poisson pendant environ une semaine. Il y a aussi des chambres froides que l’administration met à la disposition des professionnels. Mais il y en a seulement dans trois villes du Sénégal (Kayar, Rufisque, Joal). Ce sont des chambres de non congélation pour des séjours transitoires du poisson.
Concernant l’exportation, le mareyeur en principe ne doit pas exporter car la loi dit que pour le faire, il faut avoir une usine de traitement. Il y en a cependant qui trichent et exportent essentiellement vers l’Europe. Mais moi je suis pour l’idée de l’ADEPA qui veut que le poisson circule d’un point à l’autre de la région ouest africaine. Ainsi le poisson sénégalais peut se retrouver au Burkina, au Niger, au Bénin, au Togo, bref tous ces pays qui manquent de poisson, alors que le Sénégal, la Mauritanie, la Guinée Bissau, la Guinée Conakry etc, regorgent de poisson.
comércio da pesca, pesca artesanal
, Senegal
La pêche artisanale en Afrique de l’Ouest
Entretien réalisé par Lucie ATTIKPA-TETEGAN, le 12 août 2000 à M’Bour au Sénégal.