L’auteur, Dao GAYE est le Secrétaire Général Adjoint du Collectif National des Pêcheurs Artisanaux du Sénégal (CNPS). Il est pêcheur professionnel depuis plus de 40 ans à Kayar, au Sénégal. Il explique ici comment son organisation a connu le jour, quels sont les acquis enregistrés dans la lutte et quels sont ses enjeux ?
Avec l’évolution de la pêche artisanale, les pêcheurs et les populations exerçant dans le secteur sont devenues de plus en plus nombreux. Des problèmes de tous ordres ont commencé à se poser : ressource, sécurité, espace en mer et à terre, financement… L’État était devenu impuissant face à ces problèmes. Il fallait trouver une solution. C’est là où les pêcheurs ont senti le besoin de se mettre ensemble. Ainsi est né le Collectif National des Pêcheurs Artisanaux du Sénégal (CNPS) en 1987.
Avant cette date, il y a eu des coopératives mais qui ne défendaient pas vraiment les intérêts des pêcheurs. Elles étaient plutôt inféodées à l’État. Après les coopératives, on a connu les sections villageoises qui n’ont pas aussi changé grand chose à notre situation. Le CNPS a donc été la première organisation autonome du secteur à naître au Sénégal.
Au départ, nous étions une vingtaine en provenance de 5 localités (Kayar, St Louis, M’Bour, Joal, Dakar). Aujourd’hui, nous sommes au nombre de 8 000 pêcheurs et 1500 femmes transformatrices.
Nous avons eu d’énormes problèmes avec le gouvernement qui n’avait jamais vu pareille chose. On nous traitait de « syndicalistes », au sens péjoratif du terme, ce qui suppose que nous sommes des revendicateurs intempestifs ; si bien qu’ils n’ont pas voulu reconnaître notre organisation à temps. Le dossier a traîné pendant trois ans. Après notre reconnaissance officielle, les responsables du CNPS ont reçu beaucoup de formation grâce au Centre de Recherche pour le Développement des Technologies Intermédiaires des pêches (CREDETIP) qui nous appuie jusqu’à présent. Notre organisation a évolué sur tous les plans.
Les acquis
Sur le plan financier, nous avons pu avoir des fonds pour le financement d’une partie de nos activités dont un volet destiné aux femmes pour la transformation.
Respect des limites entre pêche industrielle et pêche artisanale. L’État a même accepté depuis 1996 de prolonger la zone de pêche habituellement réservée à la pêche artisanale qui passe de 6 miles à 12 miles.
La lutte pour l’annulation des accords de pêche : j’ai participé depuis 1994 aux négociations des accords de pêche entre le Sénégal et l’Union Européenne. Au départ on me disait de ne pas parler parce qu’on m’acceptait à titre d’observateur. Je n’étais pas tout à fait d’accord avec cette considération. Si bien que lorsque nous sortions de la salle de négociation, je donnais mon point de vue aux journalistes. Nous avons reçu une partie des compensations financières des accords de pêche sous forme de voiture 4x4 et d’argent. Le reste de l’argent est rentré dans les caisses de l’État et nous ne savons pas ce qu’ils en ont fait. Nous ne sommes pas entièrement satisfaits parce que malgré notre refus le dernier protocole des accords a porté sur les pélagiques, ordinairement réservés à la pêche artisanale. Nous avons beaucoup d’espoir par rapport au nouveau régime qui vient de se mettre en place dans le pays. Nous espérons qu’avec cette nouvelle équipe, nous arriverons à abolir les accords de pêche.
Côté gestion des ressources, nous avons des observateurs dans les bateaux étrangers qui veillent au respect de la réglementation.
Sur le plan foncier, personne ne doit plus construire dans le domaine maritime, ni y ramasser du sable. Les gens ne respectent pas toujours la réglementation mais nous y veillons.
Depuis quatre ans chaque site de débarquement est doté d’un équipement de surveillance de pêche.
Malgré ces nombreux acquis, nous continuons de faire face à des enjeux et non des moindres.
Les enjeux
Pleine association des professionnels du secteur aux décisions gouvernementales nous concernant. Avant, on mettait nos revendications dans les tiroirs. Maintenant, on nous écoute un peu mais ce n’est pas encore çà.
La migration des pêcheurs constitue également un enjeu majeur. Nos eaux deviennent de plus en plus pauvres et nos pêcheurs se sentent obligés d’aller dans d’autres pays. C’est pourquoi nous continuerons de nous battre pour la sauvegarde de la ressource.
Le financement de la pêche artisanale constitue un autre enjeu important.
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, Senegal
La pêche artisanale en Afrique de l’Ouest
Contact : Dao GAYE, s/c CREDETIP BP 3916 Dakar - Sénégal, credetip (at) sentoo.sn - Tel/Fax : +221 821-34-62
Entretien réalisé par Lucie ATTIKPA-TETEGAN, le 9 août 2000 à Kayar au Sénégal.