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Vivre la diversité culturelle !?

Philippe LEEUWENBERG, Fabrice BUGNOT

12 / 2008

Philippe Leeuwenberg est animateur à Trajet spectacle, une association située dans la Drôme qui développe la pratique artistique entre amateurs et professionnels en milieu rural. Membre de la commission culture de Peuple et Culture, il a participé à de nombreuses rencontres européennes. Il livre son regard sur la réalité et les enjeux d’une culture européenne.

Pensez-vous qu’il existe une vision commune de ce qu’est l’Europe ? Voire même une « identité » européenne ?

Philippe Leeuwenberg : Personnellement, j’ai beaucoup de mal à me représenter, aujourd’hui, une identité qui soit proprement européenne. On entend beaucoup parler des identités des uns et des autres. C’est évidemment un sujet important, délicat. Mais il faut reconnaître que les peuples d’Europe ne partagent pas la même identité. D’ailleurs, avant même qu’il y ait une identité européenne – et il faudrait aussi se demander tout simplement s’il est nécessaire qu’il y en ait une -, ne serait-il pas plus important de tisser des liens permanents entre les différents pays ? Une identité commune ne naîtra que du brassage de toutes ces identités. S’il n’y a pas encore d’identité européenne, c’est parce qu’il n’y a pas assez d’échanges pour la faire vivre, particulièrement en France.

En revanche, je pense qu’il y a une vision européenne qui est liée à l’histoire. La Seconde guerre mondiale a été un évènement dramatique dont le continent commence seulement à cicatriser. J’ai pu constater lors de mes voyages en Allemagne et en Lettonie que l’Europe est perçue, imaginée, comme devant être un espace d’hospitalité, un espace où s’épanouissent les droits de l’Homme. C’est l’image du « vieux continent », celui des Lumières et de la Révolution française. C’est un fond commun fort, surtout au niveau des populations. Pour les dirigeants, ça me semble moins évident.

L’Europe des peuples n’est-elle pas plus vaste que l’Union européenne et ses 27 membres ?

P.L. : L’Europe ne s’arrête pas aux 27 pays. Elle va au-delà. Pour ma part, je vois l’Europe comme un poumon, fait d’un peu d’Afrique, d’Amérique Latine et d’Asie. C’est ce qui la fait respirer. Nicolas Sarkozy a voulu imposer des limites à l’élargissement de l’Union européenne, en se basant notamment sur la religion. Ca ne tient pas la route. En Allemagne, par exemple, il y a de nombreux ressortissants turcs qui sont fondamentalement européens. Le clivage religieux n’est pas pertinent. Au contraire, ce qui rassemblerait serait peut-être la laïcité, qui permet à tout le monde de vivre en paix et de pratiquer sa religion.

Comment Peuple et Culture prend-il à bras le corps cette question de la promotion du dialogue interculturel ?

P.L. : Du 31 octobre au 3 novembre dernier, nous avons organisé notre université d’automne, à Ferrières en Belgique. Son thème : « Vivre la diversité culturelle !? ». C’était la troisième université sur ce thème et nous avons même commencé à réfléchir à une prochaine édition sur ce thème qui se déroulerait dans un pays de l’Est. Au moment où l’Union européenne, qui se préoccupe de dialogue interculturel, tente de mettre en place un plan draconien de refoulement des étrangers, nous nous sommes interrogés. Comment favoriser l’existence d’une communauté de citoyens égalitaire, tout en respectant les identités culturelles ? Comment penser et agir, dans le contexte du capitalisme mondialisé, pour redonner à la culture sa dimension politique et transformatrice ? Comment, face aux poussées identitaires et au renforcement des exclusions, promouvoir une culture émancipatrice et humaniste ?

Vos actions s’appuient aussi sur de nombreux échanges.

P.L. : En effet, chaque année, Peuple et culture organise une trentaine d’échanges interculturels, dans le cadre de l’Office franco-allemand pour la jeunesse (OFAJ) ou d’autres programmes européens. L’OFAJ a été créé en 1963 pour réconcilier les jeunesses allemande et française. Il a depuis évolué, portant de nouveaux projets sur l’éducation populaire, l’agriculture, etc. des projets qui relient tous les peuples d’Europe. Des échanges franco-allemands ont ainsi été ouverts à d’autres pays ou continents, comme la Turquie, les pays baltes et maintenant l’Afrique. Ils s’adressent surtout aux animateurs, bénévoles et étudiants. Dernièrement, des jeunes français, allemands, serbes et albanais du Kosovo se sont retrouvés afin de discuter des problématiques et des enjeux interculturels en Europe, ainsi que sur la notion changeante de frontières au sein d’un continent en fusion. Ils ont passé une semaine à Strasbourg pour découvrir et échanger sur le fonctionnement du parlement et des institutions de l’Union européenne, puis une semaine au Kosovo où ils ont pu discuter de la situation politique et économique de ce pays.

Ces moments sont extrêmement riches, même s’ils sont parfois compliqués. Je me souviens, par exemple, d’une discussion avec des Lettons. Ils avaient utilisé le mot « race », ce qui avait tout de suite offusqué les Allemands et les Français. Il a fallu débattre pour finalement comprendre qu’on ne mettait pas la même chose derrière ce mot.

Au regard de votre expérience, que faudrait-il faire pour construire une identité européenne ?

P.L. : Il faudrait, déjà, faire un gros travail d’éducation, à l’école, sur les cultures et leur diversité. En France, trop peu de personnes parlent une langue étrangère. Or, l’apprentissage des langues est un élément important. Il convient aussi de mener un travail d’éducation populaire sur le respect de l’autre. Et puis enfin il faut dégager des moyens pour organiser des échanges concrets. Les initiatives comme Erasmus marchent. Les échanges sont de formidables leviers pour créer une conscience, une identité commune.

Peuple et Culture

Réseau d’associations d’éducation populaire, Peuple et Culture mène depuis 60 ans un même combat : la lutte contre les inégalités culturelles et pour le droit au savoir tout au long de la vie. Il Ĺ“uvre pour une Europe différente, fondée sur des dynamiques sociales et culturelles non marchandes, valorise la dimension éducative du voyage et favorise la rencontre interculturelle. Elaboré au cours de l’été 1945, le Manifeste « Un peuple, une culture » pose avec force les principes de base de l’engagement militant de l’association : « rendre la culture au peuple et le peuple à la culture » et définit une ligne d’action claire : « La culture populaire ne saurait être qu’une culture commune à tout un peuple. Elle n’est pas à distribuer. Il faut la vivre ensemble pour la créer ». L’éducation populaire est le moyen adopté pour y parvenir. Trajet Spectacle est membre du réseau.

En savoir plus : Union Peuple et Culture – 108-110 rue Saint Maur – 75011 Paris – www.peuple-et-culture.org

Palavras-chave

diversidade cultural, identidade cultural, diálogo intercultural


, Europa

dossiê

L’impossible dialogue des cultures ?

Notas

Propos recueillis par Fabrice Bugnot, Altermondes.

Fonte

Altermondes n°16 - décembre 2008 > février 2009, www.altermondes.org

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