2008
« Etes-vous pour que les entreprises communales que possède la Ville de Leipzig, qui assurent des services d’intérêt général, restent à 100 % la propriété de la commune ? »
C’est la question à laquelle les électeurs de Leipzig, ville de 500 000 habitants à l’Est de l’Allemagne, étaient invités à répondre ce dimanche 27 janvier 2008.
Et la réponse est sans appel : le « oui » a remporté 87,4 % des voix exprimées !
Ce référendum local a été organisé à la suite d’une mobilisation citoyenne née il y a quelques mois : elle s’est développée en réaction au projet du maire social-démocrate (SPD) de vendre à Gaz de France des parts de l’entreprise communale d’approvisionnement en énergie.
Cette entreprise municipale est l’un des plus gros fournisseurs d’électricité d’Allemagne, et fait partie jusqu’à maintenant de ces services publics dont l’exploitation est particulièrement rentable.
L’offre de l’entreprise francaise, qui proposait de racheter 49,9 % des parts pour le prix de 520 millions d’euros, semblait alléchante pour le maire de la Ville : celui-ci a les yeux rivés sur le déficit communal, qui s’élève à 900 millions d’euros. Une vente de cette ampleur lui laisserait une marge de manÅ“uvre inespérée, argumente-t-il, pour apporter l’argent frais nécessaire aux investissements urgents en infrastructures : jardins d’enfants, écoles, voirie.
Les opposants à la privatisation expliquent de leur coté que la consolidation du budget municipal grâce à des privatisations ne peut être une solution pérenne : le sous-financement de la commune est en réalité chronique, et la vente de l’entreprise d’énergie ne ferait que soulager temporairement des comptes, qui se dégraderont à nouveau à moyen terme.
Or, par cette privatisation, la commune perdrait le contrôle politique qu’elle exerçait jusqu’alors sur le prix de l’énergie facturé aux utilisateurs.
Enfin une partie des bénéfices annuels de l’entreprise, qui s’élèvent à 50 millions d’euros, seraient désormais versés directement à GDF, et ne permettraient plus de financer par exemple les transports en commun : le réseau leipziger reçoit 25 millions d’euros chaque année sous la forme de subventions croisées provenant de l’entreprise communale d’énergie.
Une initiative citoyenne « Stoppt den Ausverkauf unserer Stadt ! » (Stop à la liquidation de notre ville !) s’est donc lancée dans la collecte des signatures nécessaires pour convoquer un référendum local sur la privatisation des services publics locaux.
En trois mois de récolte intensive à l’automne, les militants avaient déjà obtenu 42 000 signatures : la Ville a du céder et organiser pour janvier la consultation.
Mais les conditions sont strictes pour que les résultats du référendum se transforment en actes politiques concrets : un quart des 416 000 électeurs doivent s’être exprimés, et 104 000 « oui » doivent être comptabilisés pour que le vote populaire soit obligatoirement appliqué par la Mairie.
L’objectif a été atteint : la participation s’est élevée dimanche à 41 % des inscrits, et le « oui » a remporté 87,4 % des voix (1). Les plans de privatisation portés par le SPD (2), et soutenus par la CDU (3) et le FDP (4) sont donc sanctionnés par un refus clair et massif.
Les votants ont exprimé leur attachement aux services publics d’intérêt général et la priorité qu’ils accordent à l’orientation du travail des entreprises communales vers le bien commun plutôt que vers la recherche de gains privés.
Mike Nagel, de l’initiative « Stop à la liquidation de notre ville ! », estime que « la situation critique du budget communal n’est pas une particularité de Leipzig. Notre ville partage cette « maladie » avec beaucoup d’autres communes en Allemagne. Il s’agit donc d’endiguer l’épidémie, plutôt que de soigner les symptômes tant bien que mal. La vente de patrimoine public masque le regard qu’on peut porter sur les causes de cette misère. Les dettes de la municipalité, qui proviennent d’un sous-financement chronique des communes par le Land et par l’Etat, ne peuvent pas être équilibrées par la vente de la propriété communale. Nous espérons que ce référendum local sera reconnu comme un signal au-delà des frontières de Leipzig, au niveau de l’Etat et même au niveau des politiciens de l’Union Européenne. Ce dont on a besoin, c’est d’un véritable financement de long terme des communes pour qu’elles puissent remplir les devoirs qui leur incombent. »
Le vote du 27 janvier oblige la municipalité à conserver pendant trois ans au moins en propriété entièrement publique l’ensemble des entreprises communales : eau, voirie, réseau de transports en commun, hôpitaux, logement social et gestion des déchets.
Les secteurs vitaux pour l’organisation de la vie en commun ne doivent pas être entre les mains de multinationales privées. A l’inverse, les citoyens doivent prendre de plus en plus d’influence dans la représentation de leurs intérêts au sein de ces services publics.
L’exemple de Leipzig le dit clairement : il y a des limites à la privatisation.
Plus d’informations :
Le site de l’initiative citoyenne « Stoppt den Ausverkauf unserer Stadt ! » (Stop à la liquidation de notre ville !) : www.buergerbegehren-leipzig.de
Un article du Leipziger Internet Zeitung : « Burkhard Jung zum Ausgang des Bürgerentscheids: Rote Karte für hemmungslose Privatisierer »
Un article de Verivox : « Leipzigs Bürger entscheiden über Teilverkauf der Stadtwerke »
Un communiqué de Wolfgang Franke, Henner Kotte et Mike Nagler de l’initiative citoyenne « Stoppt den Ausverkauf unserer Stadt ! » : « Leipzig - Erstes bundesweites Vernetzungstreffen von Initiativen gegen Privatisierung »
Le journal de l’initiative citoyenne « Stop à la liquidation de notre ville ! » : emi-cfd.com/echanges-partenariats7/IMG/pdf_Journal_de_l_initiative_citoyenne-2.pdf
serviço público, privatização, mobilização de moradores, movimento social
, Alamanha, Leipzig
Lucie Lechevalier-Hurard a participé au programme de mobilité d’Echanges & partenariats (http://emi-cfd.com/echanges-partenariats7/…) avec comme partenaires l’AITEC et BMG.
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