Avec l’autorisation des auteurs Marion Carrel et Suzanne Rosenberg, nous vous proposons un extrait d’un papier rédigé dans le cadre d’une communication pour les journées d’études « Généalogies de la démocratie participative » organisée les 8 et 9 février 2008 à Paris organisées par LOUEST et le CSU en collaboration avec l’ADELS et le Centre Marc Bloch.
Le renouvellement urbain ou l’entrée en guerre des métropoles
Réhabilitation, rénovation, renouvellement : au-delà des changements de vocabulaire, peut-on penser qu’on assiste, au niveau européen, à un changement radical dans les politiques urbaines ?
Les périodes précédentes privilégiaient, dans le discours, la question du bâti : il s’agissait de le mettre aux normes, difficilement contestables, de l’hygiène et de la sécurité. Les habitants étaient exclus du quartier transformé, mais c’était le prix du mieux-être général. Bien sûr, leur mode de vie était, du même coup, invalidé. Mais cela pouvait sembler aller dans le sens du bien commun.
Aujourd’hui, on entre dans une période de guerre entre métropoles européennes, sur fond de néolibéralisme triomphant. Les exemples qui sont exposés dans les fiches qui suivent sont caricaturaux d’un marché unique européen où le bien à vendre serait la ville. Que le meilleur gagne : il n’y a pas de place pour toutes les villes existantes entre Londres, Paris, Barcelone et Istanbul. De cette guerre sans merci, les classes populaires font les frais. Il faut qu’elles dégagent pour laisser la place à la modernité d’une mégapole utilisable par les entreprises et attirante pour leurs cadres.
La mixité sociale, une devise consensuelle ?
Si, au cours des périodes précédentes, la gentrification des centres-villes s’appuyait déjà sur le déplacement des populations les plus pauvres, celles-ci n’étaient pas niées pour autant. Avec le renouvellement urbain, une nouvelle injonction fait florès : la mixité sociale. Elle légitime la démolition ou la transformation non seulement d’un bâti ancien, qui ne serait pas « aux normes », mais également des quartiers d’habitat social dans lesquels ont été déplacées les populations pauvres, suite à des opérations antérieures de transformation de la ville.
Il n’est plus besoin de démontrer le rapport coût/avantages de la décision prise quant à des programmes de démolitions-reconstructions : l’objectif visé est un ordre moral, faussement consensuel. Il a pour nom la mixité sociale, et il est basé sur « la nécessaire diversité de la composition sociale de chaque quartier ».
Lorsque de nouvelles couches sociales viennent habiter un quartier populaire, on assiste soit à une disparition des sociabilités collectives, au profit de réseaux interpersonnels, jusqu’à un véritable isolement social, soit à un renforcement de l’altérité qui accentue les distances entre les individus et aggrave les tensions.
La mixité sociale devient alors un formidable outil de déplacement des populations les plus dominées : travailleurs pauvres, chômeurs, jeunes sans qualification, groupes ethniques victimes de discrimination, femmes seules avec enfants… sont désignés comme illégitimes à se regrouper dans l’espace urbain. S’ils sont acceptés, c’est en tant qu’individus isolés que la société se doit de prendre en charge. Ils ont donc à être mélangés, au contact d’autres populations qui contribueront éventuellement à leur promotion sociale. Ils doivent devenir invisibles, d’une part comme classes dangereuses, d’autre part, comme échec d’un développement égalitaire. Si la notion de mixité sociale a autant de succès, c’est que l’invisibilité des plus démunis qu’elle poursuit ne peut que recueillir l’adhésion aussi bien des pouvoirs publics - les pauvres coûtent cher et ont mauvaise presse - que celle des bailleurs - l’image donnée par une fraction du parc retentit sur tout le patrimoine – et des propriétaires voisins - la dégradation de l’environnement, réelle ou perçue, se répercute sur la valeur du bien.
Les quatre articles qui suivent l’attestent bien, le renouvellement urbain en cours dans les métropoles européennes délégitiment, parcellisent, voire vaporisent les couches populaires habitant les quartiers qui doivent être reconquis pour gagner la course à la métropolisation. Du moment qu’elles quittent les lieux, le reste importe peu.
transformação urbana, política urbana
Europe : pas sans toit ! Le logement en question
Suzanne Rosenberg travaille en réseau sur les services au public et la participation des habitants à l’amélioration de leur vie quotidienne. Elle est membre de l’Aitec. Contact : suzanne.rosenberg (at) wanadoo.fr