Entre un présent insalubre et un avenir incertain
06 / 2008
El Salobral est considéré comme le plus grand bidonville d’Europe par la presse espagnole. Il compte 351 familles, soit 1 213 personnes, reparties sur 22 hectares entre la voie rapide et la ligne ferroviaire.
Retour sur l’histoire de la vie d’un bidonville, depuis sa naissance jusqu’à son expulsion définitive.
Des jardins ouvriers aux bidonvilles
Au début des années 1980, ce terrain abandonné situé au sud de la ville est aménagé en petits jardins potagers par des personnes âgées de Madrid qui y passent leurs fins de semaines. Elles y découpent des parcelles et construisent des chemins pour circuler. Des familles gitanes venant d’Estrémadure et d’Andalousie les rejoignent dans les années 1990 et s’installent sur la zone pour y vivre de manière permanente. Les jardiniers du week-end et les gitans cohabitent.
L’ensemble de la zone se transforme progressivement en chabolas (1). En 1998, 150 familles gitanes vivant dans le bidonville s’organisent en association d’habitants et revendiquent la régularisation de leur situation. Les chabolistas (2) demandent à acheter le terrain appartenant à différents propriétaires (particuliers, entreprises et municipalité). La demande est refusée par la municipalité qui estime que cette enclave située dans un secteur à dominante industrielle ne doit pas devenir résidentielle. Malgré cette fin de non recevoir, le bidonville continue de croître et de se densifier.
Des conditions de vie difficiles mais pas de mobilisation collective des habitants
L’organisation du lieu et les conditions de vie de ses habitants sont précaires. Les infrastructures basiques sont inexistantes. Les baraques n’ont ni eau courante ni assainissement. Un câble clandestin branché sur une ligne à haute tension permet aux habitants de disposer de la lumière. Le volume de déchets présents dans le bidonville est important. Leur collecte par la municipalité est rare et se fait à l’entrée du quartier dans des bennes métalliques. Par ailleurs, le courrier n’est plus distribué depuis la suspension délibérée du service postal quelques années auparavant.
Toutes les habitations ont été construites et aménagées par les occupants eux-mêmes, à l’aide de parpaings, de morceaux de bois, de bâches imperméables, de cartons et de pneumatiques. Certaines habitations sont un peu plus élaborées. Les maisons disposent généralement d’une pièce à vivre et d’une ou deux chambres. La salle d’eau et les toilettes se trouvent à l’extérieur dans une autre petite baraque qui abrite aussi les appareils électriques pour la cuisine et le lavage.
Les deux uniques équipements collectifs du quartier sont l’église évangélique et le préfabriqué de Caritas qui sert d’école pour les enfants.
L’organisation informelle des habitants entre eux permet d’assurer la gestion de l’électricité, des chemins et de l’eau. En revanche, ils n’ont pas formalisé de mouvement pour la revendication d’un logement digne.
Démolition du bidonville : que deviendront les habitants ?
Le processus de relogement des familles vivant dans le Salobral commence en 2000. A l’époque, 64 ménages sur les 195 présents sont relogés. En 2001, le processus est pourtant interrompu au profit d’un autre bidonville situé au sein d’un district à plus forte valeur immobilière : son évacuation semble alors prioritaire pour libérer des terrains constructibles et assouvir la folie bâtisseuse qui saisit la périphérie madrilène. En 2005, une nouvelle convention prévoit la destruction des baraques et le relogement des familles. La municipalité est chargée de démolir et de « nettoyer » le quartier tandis que l’IRIS (3) reloge les familles dans des logements locatifs et assure leur suivi social. Le coût total de l’opération est estimé à 60 millions d’euros.
Le processus de relogement du Salobral est achevé en décembre 2007 selon les autorités municipales. 236 familles sur les 358 présentes ont été accueillies au sein de divers quartiers de la périphérie. Il reste cependant 122 ménages qui, ne réunissant pas tous les critères pour bénéficier du programme (ancienneté, minimum de revenus, âge minimum de 25 ans…), n’ont pas pu obtenir un relogement. Dix baraques résistent toujours au sein du bidonville : leurs occupants veulent être relogés, comme les autres. Mais la municipalité est ferme : elle a pris un arrêté pour procéder à l’expulsion des derniers habitants du Salobral.
Selon les dernières estimations de l’IRIS, 4 000 personnes vivent encore en 2008 dans des bidonvilles de la périphérie madrilène. Le Salobral éradiqué, c’est Santa Catalina qui prend la tête du classement des plus grands bidonvilles de Madrid.
Pour en savoir plus
DVD “Un cielo sin cartones” 2003, IRIS
Instituto de Realojamiento e Integración Social –IRIS (2005), Informe sobre el núcleo chabolista El Salobral. Madrid : Consejería de Obras Públicas Urbanismo y Transporte.
Alcalde S. (2006). El realojo de las 351 familias chabolistas de El Salobral costara 28 millones de euros. El País, 9 de febrero 2006
Narbón A. (2006). El Salobral, el mayor poblado chabolista de España, desaparecerá en dos años. Madridiario, 24 de marzo 2006
Comunidad de Madrid (2006) Comienza el derribo de chabolas en El Salobral. Noticias Distrito Villaverde, 24 de marzo 2006
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, Espanha, Madrid
Europe : pas sans toit ! Le logement en question
Gaëlle Désorme a été volontaire à Madrid auprès de l’Ecole d’Architecture d’Alcala de Henares en partenariat avec Architecture et Développement et Echanges et Partenariats. Elle est aujourd’hui chargée de mission pour l’association Croc’éthiq, à Lyon. Contact : gaelledesorme (at) yahoo.fr
Cet article est une réactualisation d’un texte écrit en août 2005, dans le cadre de l’échange associatif entre l’Ecole d’Architecture d’Alcala de Henares, Architecture et Développement et Echanges et Partenariats. Texte d’origine : http://emi-cfd.com/echanges-partenariats2/…