09 / 2007
Pour apprécier le potentiel raisonnablement mobilisable de chacune des filières renouvelables, il faut tout d’abord connaître les flux annuels de ces énergies et leur distribution temporelle dans les différentes régions du monde. Ces données sont assez bien connues et l’on dispose de cartes mondiales et régionales d’ensoleillement, de vent ou de biomasse assez complètes (1).
Il faut aussi connaître l’évolution des caractéristiques techniques et des performances économiques de chacune des filières de transformation de ces flux d’énergie jusqu’à l’usage final. Pour la plupart des filières citées dans la fiche Energies renouvelables : de quoi s’agit-il ?, les recherches et les développements effectués au cours des 30 dernières années permettent d’avoir une bonne connaissance des performances actuelles et des coûts des différentes technologies, comme des dynamiques de rendement et coût de ces filières en fonction du progrès et des quantités distribuées. Il faut enfin apprécier, dans une région donnée, les besoins d’énergie des différents secteurs socio-économiques susceptibles d’y faire appel, à partir d’une analyse de la présence locale d’activités potentiellement consommatrices.
C’est sur cette triple base (physique, technico-économique et socio-économique) que B. Dessus, B. Devin et F. Pharabod (2) avaient proposé en 1992 d’estimer le «potentiel mobilisable» des énergies renouvelables d’une filière dans les grandes régions du monde, à une époque donnée (PMER). Cet exercice avait été effectué sur un monde découpé en 22 régions pour 10 filières technologiques principales considérées à l’époque comme ayant atteint le stade de la démonstration technique et économique (au moins dans des conditions favorables), et comme capables de répondre à des besoins importants dans de nombreuses régions du monde : eau chaude solaire, électricité photovoltaïque hors réseau, électricité solaire sur réseau (centrales photovoltaïques ou thermodynamiques), hydroélectricité, électricité éolienne hors réseau et sur réseau, bois énergie, énergie des déchets urbains, énergie des déchets ruraux, cultures énergétiques.
Une quinzaine d’années plus tard, la plupart des considérations et hypothèses de l’époque restent valables, en ordre de grandeur. Cependant, certaines applications nouvelles sont apparues, comme par exemple le photovoltaïque sur les toitures des maisons et relié au réseau ou les pompes à chaleur, et se développent rapidement. D’autres, comme les centrales solaires thermodynamiques ou photovoltaïques, ne se sont pratiquement pas développées au cours des dix dernières années contrairement aux projections. Enfin de nouvelles filières, encore à l’état de R&D, telles que la mise au point de carburants de deuxième génération issus de la biomasse, pourraient figurer aujourd’hui parmi les filières à prendre en compte pour les décennies qui viennent.
Enfin, les considérations environnementales (en particulier le changement de climat) donnent aujourd’hui une prime aux énergies renouvelables, dans la mesure où elles ne suscitent pas d’émissions de gaz à effet de serre. Le potentiel de chacune des filières mobilisable à différentes époques dépend dans ce type d’analyse de l’évolution des besoins d’énergie finale des diverses régions et par conséquent de la démographie et de l’état de développement de ces régions.
D’autres analyses de potentiels ont été produites, en particulier par José Goldemberg et al. dans le World Energy Assessment qu’ils ont publié en 2000 sous l’égide du PNUD et du Conseil mondial de l’énergie pour l’horizon 2050 (3). Les chiffres indiqués par ce rapport sont pour la plupart nettement plus optimistes que ceux trouvés par le PMER. Mais il faut noter que ces potentiels ont été élaborés à partir de conditions physiques et géographiques sans tenir compte de la présence ou non de besoins identifiés d’énergie.
C’est ainsi par exemple qu’à partir d’une estimation analogue à celle de PMER des potentiels techniques régionaux de vent, WEA déduit un potentiel réellement accessible à partir d’un seul critère d’occupation du territoire (4 % des territoires). C’est ce qui le conduit à un potentiel très important au Nord comme au Sud, de 18000 TWh environ, bien supérieur à celui indiqué par l’étude PMER. Le fait de choisir un critère tenant compte de la consommation régionale et de la part d’énergie annuelle aléatoire admissible par le réseau conduit à des abattements de potentiel beaucoup plus importants que le choix d’un critère d’occupation d’espace au sol. L’estimation PMER semble donc plus réaliste dans l’état actuel des technologies et du maillage des réseaux électriques.
Malgré ces différences d’appréciation, il ressort des différentes études dont on dispose que les potentiels mobilisables des différentes filières renouvelables à 20 et à fortiori à 50 ans sont considérables, aussi bien dans les pays développés que dans les PED ou les pays émergents comme le montre le tableau résumé ci dessous.
Ordre de grandeur des potentiels annuels renouvelables mondiaux en 2020 (Mtep)
Potentiels annuels totaux / Energies renouvelables (Mtep) | Hydro | Solaire | Eolien | Bois | Cultures | Déchets | Total |
Total pays industrialisés | 255 | 100 | 20 | 560 | 190 | 205 | 1 330 |
Total pays en développement | 220 | 220 | 40 | 1 490 | 160 | 415 | 2 545 |
Total Monde | 475 | 320 | 60 | 2 050 | 350 | 620 | 3 875 |
Source : PMER
En 2020 par exemple, selon le PMER, le potentiel raisonnablement mobilisable d’électricité renouvelable serait de l’ordre de 7500 TWh (dont 6000 pour l’hydraulique) contre 3150 TWh aujourd’hui, dont la moitié dans les pays du Nord (Russie comprise). Les filières biomasse combustible ou carburant (bois de feu, cultures énergétiques, déchets organiques) pourraient représenter plus de 3000 Mtep contre 1250 Mtep aujourd’hui, dont environ 1000 Mtep dans les pays du Nord et 2000 dans les pays du Sud. Les filières productrices de chaleur directe à partir du soleil (eau chaude sanitaire et chauffage des locaux) pourraient représenter de l’ordre de 200 Mtep.
Si l’on tient compte des potentiels déjà mobilisés au Nord et au Sud actuellement, qui sont respectivement de l’ordre de 380 Mtep et de 1100 Mtep (4), il reste un potentiel mobilisable de l’ordre de 1000 Mtep dans les pays du Nord et de 1400 Mtep dans les pays du Sud à l’horizon 2020.
A travers ces chiffres, on voit en particulier que, contrairement aux idées souvent reçues, le potentiel d’énergies renouvelables encore mobilisable des pays du Nord est presque aussi important que celui des pays du Sud. Le déploiement des Énergies Renouvelables n’est donc pas un problème d’existence de la ressource mobilisable, mais plutôt une question de «mobilisation» de cette ressource à partir de l’action du marché et/ou de politiques volontaristes.
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