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Genre, travail et mondialisation

Un accroissement de la précarisation et du travail non formel

Vanessa GAUTHIER

01 / 2008

Le travail sur le plan international est caractérisé par une répartition différentiée des tâches selon le sexe. Ce système est pré-existant au mouvement de mondialisation économique qui prévaut depuis les années 1970. Cependant il n’y est pas totalement étranger. Les principes de la mondialisation libérale s’appuient en effet sur cette division du travail et a des impacts différents sur hommes et femmes. Pour les femmes, libéralisation est souvent synonyme de flexibilisation et d’informalisation de l’emploi.

Division internationale sexuelle du travail

Dans la majorité des sociétés du monde, les tâches sont séparées entre femmes et hommes. Avec le passage vers une économie industrielle (qui s’externalise par rapport à l’économie domestique), les femmes prennent le plus souvent en charge les tâches « reproductives » : soins et éducation des enfants, intendance domestique, cuisine, tâches ménagères. On parle aussi souvent de l’économie du « care ». Les hommes occupent quant à eux le rôle « productif ».

La nature même des tâches que l’on assigne aux hommes et aux femmes implique donc une forte différence symbolique, mais aussi un contraste en termes d’apport économique. Les tâches reproductives n’ont pas de valeur marchande immédiate. Elles ne permettent pas d’être rémunéré, or elles représentent une dimension essentielle qu’il convient de valoriser au sein de l’économie.

Ce n’est bien souvent que lorsque la main d’oeuvre salariée masculine vient à manquer (guerre, pénurie) que l’on propose aux femmes un travail rémunéré. Ainsi, avec le développement d’une économie marchande caractérisée par la surproduction, les femmes sont amenées à travailler dans le salariat essentiellement à des postes peu qualifiés et mal rémunérés.

L’impact de la mondialisation sur le travail des femmes

La mondialisation est un terme multiple, très utilisé, qui recouvre différentes réalités. Il fait le plus souvent référence au mouvement économique de libéralisation des biens au niveau mondial impulsé depuis les années 1970.

Avec les indépendances des pays du Sud, c’est le modèle économique qui prévaut quasiment partout dans le monde. On ouvre ses frontières aux marchandises, on baisse les tarifs pour encourager les échanges commerciaux et favoriser un développement économique. Les Institutions Financières Internationales (Banque mondiale et FMI) ont largement soutenu cette démarche. Ces dernières ont ainsi préconisé dans leurs fameux « plans d’ajustement structurel » de larges coupes budgétaires dans les services publics (éducation, santé, services sociaux), et des privatisations visant à réduire les dépenses étatiques et faciliter les flux financiers. Si ce type d’économie a permis de créer de l’emploi au Sud pour les femmes, elle a aussi creusé les inégalités hommes/femmes en alourdissant le poids du travail pour les femmes, qui sont alors doublement exploitées.

Les inégalités entre hommes et femmes et les discriminations basées sur le sexe étaient déjà existantes avant l’apparition des politiques néo-libérales mais ces dernières se sont effectivement largement reposées sur elles. Le phénomène de mondialisation tend par exemple à s’appuyer sur le rôle social et communautaire « gratuit » des femmes dans la sphère domestique et sociale. Les Etat réduisent ainsi leurs dépenses en comptant sur la prise en charge par les femmes des « dommages collatéraux » des politiques néo-libérales et sur la masse de travail qu’elles fournissent via l’économie du « care ». Ce mécanisme tend à tirer les droits sociaux vers le bas.

Par ailleurs, la réduction des services entraîne des conditions de vie plus difficiles pour les femmes et un accès restreint à leur droits économiques, sociaux et culturels fondamentaux notamment au droit à l’éducation, à la santé etc. A titre d’exemple, quand l’école devient payante, ce sont les filles que l’on retire en premier. L’oppression des femmes ne date pas de la mondialisation, mais elle s’est donc aggravée avec celle-ci.

Si ce sont les femmes qui subissent en premier et plus durement les conséquences de la mondialisation, les hommes ne sortent pas pour autant indemnes dans ce processus. « La libéralisation et la concurrence tirent tout le monde vers le bas » nous dit Christiane Marty, de la Commission Genre et mondialisation d’Attac France. La précarisation commence par les femmes mais gagne les hommes aussi. Le libéralisme sait utiliser les liens de domination pour finir par précariser et flexibiliser l’emploi de tous et toutes.

Flexibilisation et informalisation, les grandes tendances actuelles

Deux tendances actuelles de l’emploi des femmes sont directement liées à la mondialisation du marché : la flexibilisation et l’informalisation. Au Nord, c’est surtout la flexibilisation qui s’observe : on pousse directement ou indirectement les femmes vers des emplois précaires, des CDD, des postes à temps partiel. Les travailleuses doivent être disponibles selon la demande, variable, irrégulière. Au Sud, on retrouve aussi cette tendance, mais s’y ajoute l’informalisation. « L’impact de la libéralisation de l’économie sur les femmes se traduit au Nord par le temps partiel, la flexibilité, au Sud par l’informel » affirme Christiane Marty.

Les contrats d’embauche que signent les femmes ne sont pas toujours valables et n’accordent que des droits et une protection limités. Parce qu’elles sont moins qualifiées (ce qui est dû à un accès restreint à l’éducation), les employeurs peuvent exiger d’elles des bas salaires réduisant ainsi leurs charges pour rester compétitifs. Elles font des heures supplémentaires obligatoires dans les périodes de pointe et se retrouvent au chômage dans celles de creux, ce qui les précarise fortement.

Il faut noter que le travail prend aujourd’hui différentes formes : les usines sous-traitantes n’embauchent pas nécessairement directement les travailleuses. Elles sont aujourd’hui souvent recrutées par un tiers : une agence intermédiaire ou une autre entreprise extérieure. Le télé-travail est également très répandu. Les formes de travail sont donc très variées et donc difficiles à saisir : ces formes multiples ont l’avantage de brouiller les responsabilités et de limiter les possibilités d’organisation en syndicats. La dimension informelle du travail féminin est aussi favorisée par les migrations qui se féminisent. En tant qu’immigrées, elles doivent accepter des conditions de travail encore plus inhumaines.

Saskia SassenVers une analyse alternative de la mondialisation : les circuits de survie et leurs acteurs

« De nombreuses femmes migrent dans le cadre de la mondialisation : elles partent pour s’occuper du service domestique, garder des d’enfants, devenir infirmières, ou exercer la prostitution ; elles utilisent aussi la filière de mariages arrangés. Cette migration est le résultat de conditions ou de dynamiques très diverses dont on peut se demander si elles sont en rupture ou en continuité avec les anciennes histoires bien répertoriées de migration et d’exploitation. Il faut se situer à deux niveaux : d’un côté, les activités souvent traditionnelles, qu’elles soient liées à la survie ou à la recherche de profits, se mondialisent et contribuent aujourd’hui à la création, à l’échelle mondiale, d’une masse de travailleuses mal rémunérées. D’un autre côté, les pays du Nord voient dans l’apport croissant de femmes migrantes un élément leur permettant de réorganiser profondément le monde du travail. Ce genre de dynamique est particulièrement visible dans les villes mondialisées, qui constituent aussi des pôles d’attraction pour le capital multinational. Que ce soit au niveau de la ville ou à celui des circuits de survie, les femmes deviennent des actrices incontournables des nouveaux types d’économie en expansion. On leur attribue une moindre valeur économique et pourtant elles constituent des éléments clés dans la construction des économies nouvelles. »

[Cahiers du Genre, n° 40/2006 - Travail et mondialisation. Confrontations Nord / Sud— p. 67-89]

En somme, les travailleuses paient le prix fort de la libéralisation de l’économie.

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