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La formation de parajuristes au sein des communautés ethniques en Inde

P. TRINADHA RAO

2002

Notre organisation est une organisation socio-juridique qui offre un soutien juridique aux groupes travaillant avec des populations vulnérables et marginales, notamment certaines communautés ethniques (1). Nous nous attachons particulièrement à renforcer l’aide juridique et l’accès au droit dans les régions de l’Andhra Pradesh, où elles résident.

Avant qu’elles ne subissent les pressions du reste de la société, les différentes communautés ethniques de l’Andhra Pradesh étaient reconnues pour leur capacité à s’auto-organiser. Leur culture et leur économie sont maintenant amoindries. Aujourd’hui, plus de 50 % de la population non communautaire occupe la moitié des terres alors que dans ces régions le gouvernement a précisément mis en place un système de protection des droits des ethnies locales.

Les communautés de cette région, qui dépendent traditionnellement du droit coutumier devenu caduque avec l’avènement de l’Etat, ont perdu leurs terres et ont été exploitées sans merci car elles n’avaient pas une connaissance suffisante du droit et de ses mécanismes d’application pour le faire respecter. A cela s’est ajouté le problème de l’accès restreint aux forêts et à l’eau.

Il apparaît évident que les mécanismes étatiques de protection des droits des communautés sont totalement inefficaces. En 1976, le gouvernement a établi des cours spéciales pour entendre les propriétaires de terre au sein des communautés. Ces cours se sont révélées inadéquates. Les populations non communautaires ont généralement recours à des avocats. Les communautés ethniques au contraire, ne peuvent se le permettre et se représentent donc elles-mêmes pour obtenir la restitution de leurs terres, sans avoir reçu aucune formation juridique.

Cette situation nous a conduit à remplir le vide existant en mettant en place une contre-structure pour répondre aux besoins des communautés locales.

Il existe une disposition intéressante dans une loi d’Andhra Pradesh de 1924 (passée sous le régime britannique). Celle-ci prévoit que le collecteur du district puisse permettre à certaines personnes de devenir des représentants légaux, les autorisant ainsi à défendre les membres des communautés dans les affaires qui les concernent.

Nous nous sommes servis de cette disposition pour mettre en place une formation juridique de 10 mois et permettre aux jeunes sélectionnés de devenir des juristes communautaires. Ce programme de formation a débuté en 1996. Il a permis la formation de 44 candidats. Celle-ci porte sur l’autorité au sein des communautés ethniques, les lois sur les ressources naturelles, les procédures juridiques, les droits de l’Homme, les droits constitutionnels, les plaidoiries, etc. Elle repose sur des études de cas, des discussions, des jeux de rôle, etc.

Peu d’organisations utilisent le droit comme outil de transformation sociale. Nous avons lancé le "Programme de formation des jeunes des communautés" avec comme objectif de soutenir et d’encourager les organisations et les individus à utiliser le droit pour changer la société et former les jeunes à comprendre le rôle du droit, ses limites, les lois, leurs mécanismes d’application et les politiques adoptées par les gouvernements sur des questions diverses.

Ce programme de formation permet aux membres de communautés de devenir des parajuristes et de montrer que le droit peut être utilisé comme outil de transformation sociale. Les parajuristes identifient les cas d’expropriation de terre, la loi interdisant normalement les transferts de terre entre les populations communautaires et non communautaires dans certaines régions. Ils soumettent ensuite les affaires au tribunal spécial qui décide, ou non, de la restitution des terres aux communautés, sachant qu’il incombe aux populations non communautaires de prouver que la terre n’appartenait pas aux communautés.

Les parajuristes participent également à la constitution de comités de soutien juridique et animent des "camps de droit". Certains cas qui leur sont soumis concernent des femmes qui réclament une pension à leur mari car pour obtenir des terres, des hommes n’appartenant pas aux communautés ont épousé des femmes de la communauté et les ont ensuite abandonnées. Ces femmes cherchent donc le soutien des parajuristes. Si les disputes opposent les membres d’une même communauté, les parajuristes encouragent l’application du droit coutumier (panchayats) pour résoudre le conflit.

Les parajuristes organisent également des campagnes de sensibilisation dans les villages pour informer les communautés de leurs droits. Ils espèrent prévenir ainsi d’autres expropriations.

Les parajuristes ont soumis des affaires relevant de l’intérêt public à la Haute Cour de justice de l’Andhra Pradesh. Elles concernent entre autres, la possession de milliers d’hectares de terres par des populations non communautaires en violation de la loi sur les transferts de terres, l’exploitation minière des forêts qui affaiblit à la fois les populations communautaires et l’environnement, etc.

Toutes ces actions juridiques ont un impact déterminant sur les droits sociaux et économiques des communautés. Elles contribuent à la conservation d’une identité sociale, économique et politique.

 

1 Traduction de l’anglais “tribal communities”

LAYA - Flat n° 503, Kurupam Castle, East point Colony, Visakhapatnam, Pin 530017, Andhra Pradesh, INDIA - Tél. : (91) 891-530071 - Fax : (91) 891-784341 - Índia

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