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Défendre le droit à la sélection, à la reproduction et à l’échange des semences paysannes

(Réseau Semences Paysannes)

07 / 2005

Semences paysannes est un réseau constitué sous le régime de la loi 1901 qui rassemble divers « acteurs impliqués dans des initiatives de promotion et de défense de l’agrobiodiversité et du droit des paysans à accéder à celle-ci »  : associations paysannes (telles que la Confédération Paysanne, la Fédération Nationale des Agriculteurs Biologiques), organisations nationales de développement (Nature et Progrès), artisans et paysans semenciers, associations de conservation et de diffusion de la biodiversité (Fruits Oubliés…), mais aussi parcs régionaux, jardins solidaires et autres. Nombre de ces acteurs agissent déjà sur cette thématique ou sur des thématiques parallèles. L’idée était la mise en commun des moyens de chacun pour développer les actions des uns et des autres.

L’action vise à défendre un autre type de semences qui se développent actuellement dans un vide juridique voir dans l’illégalité. Le réseau œuvre pour le développement et l’échange des savoir faire paysans, l’essai et la culture de semences paysannes diversifiées, la reconnaissance technique, scientifique et juridique des pratiques paysannes de production de semences et de plants. Au-delà de la question des semences, il œuvre pour une ré-appropriation de l’agriculture par les paysans actuellement totalement dépendants des firmes qui leur imposent, avec leurs semences, les engrais, les pesticides, les pratiques productivistes et les contrats de vente qui leur sont associés.

Aujourd’hui en Europe, il est illégal de semer, d’échanger et parfois même de planter autre chose que des semences officielles (qui ne peuvent être produites et commercialisées que par des semenciers en raison du coût et des exigences techniques du système d’inscription au catalogue officiel et de multiplication des semences) Dans la pratique, les échanges d’autres semences, dites « fermières, traditionnelles ou paysannes », sont plus ou moins tolérés selon les pays. Pour certaines espèces, c’est tout bonnement une interdiction de produire ses propres semences. Ainsi, en France, des pieds de vignes ont été arrachés pour cette raison.

Semences Paysannes essaie de faire changer la réglementation en vigueur en agissant au niveau local, national puis international. Ses membres, individuellement ou par l’intermédiaire du réseau, négocient avec les acteurs politiques et économiques, utilisent les contradictions de la législation, recourent aux tribunaux, participent à des campagnes d’informations et de sensibilisation.

Contourner une loi injuste

Face à de telles pratiques de l’administration, certains paysans revendiquent ouvertement d’être hors la loi. En parallèle, ils essayent de contourner cette interdiction en jouant sur les textes. Les semences sont produites via des programmes de recherche ou de sélection qui eux sont légaux. Ainsi, une part importante de l’activité de Semences Paysannes consiste à favoriser ces programmes et à fournir de l’aide et de la formation dans ce domaine. Certains conseillers régionaux participent même au financement de ces programmes.

Il ressort de la pratique que la co-mobilisation qui s’est construite autour de ces actions calme la répression des fraudes. Dernièrement, le réseau a pu appuyer ses revendications par une pétition de 50 000 signatures. Pour ses membres, les pétitions ont un impact dans la mesure où l’on s’en sert, c’est-à-dire où l’on parvient à mobiliser les journaux, la télévision, etc. Pour contourner la censure médiatique, ils profitent d’occasions, par exemple un salon bio, ou cherchent à mobiliser les personnels des médias.

Favoriser les pratiques locales et la prise de conscience

Cette action concerne en premier lieu les paysans : sensibilisation, conseils techniques et formation pour le développement de semences paysannes, information sur la législation. Elle vise également le grand public ainsi que la classe politique tant au niveau national qu’européen.

Au-delà de l’utilisation des médias, le réseau et ses associations membres organisent des séances d’information et de formation. Ils proposent ou participent à journées publiques, colloques, forums ; offrent des formations ; produisent des matériels pédagogiques : bulletin mensuel, films, cassettes vidéo, fiches de vulgarisation, ouvrages, etc. Un « Guide des semences bio et bio-dynamiques » a été conçu pour aider les agriculteurs à s’approvisionner en semences bio. Cet annuaire est complété par une série d’articles sur la biodiversité, les semences paysannes (enjeux et perspectives d’avenir, problèmes réglementaires, OGM) et des conseils pratiques en matière de sélection conservatrice. L’information porte sur les pratiques, l’évolution de la réglementation et l’utilisation qui peut en être faite, les associations oeuvrant dans le domaine, les différentes manifestations.

La question des semences a beaucoup profité de la prise de conscience développée autour des OGM. Ce message passe auprès des consommateurs. Auparavant, la question des semences n’intéressait pas le grand public. Depuis cette mobilisation, Semences Paysannes reçoit des propositions d’associations non paysannes pour appuyer ses actions. Les élus eux-mêmes ont pris conscience du problème grâce aux OGM. Aujourd’hui certains favorisent les pratiques défendues par le réseau parce qu’ils sont convaincus de leur nécessité.

La négociation avec les pouvoirs publics

Le réseau et l’ensemble de ses membres essayent au maximum de discuter avec les pouvoirs publics du niveau local au niveau national et international.

Au niveau européen, Semences Paysannes travaille avec un réseau européen. A titre d’exemple, ils ont organisé un séminaire invitant des personnes de la Commission. Ils essayent de faire accepter un projet de directive déposé en 1998 à la demande de l’Italie et de l’Allemagne.

Au-delà de l’action au niveau européen, Semences Paysannes essaye d’agir au niveau international : collaboration avec le Brésil, perspective d’un réseau semences européen-africain, présence de certains membres dans les organisations internationales, participation à des rencontres (réunion mondiale des semenciers et paysans bio à Rome en juillet 2004).

L’association anime, en coordination avec l’ONG Grain, un réseau international dont l’objectif est de faire l’état des lieux mondial. Ses membres tentent de décortiquer les stratégies des firmes internationales, notamment à travers les traités internationaux car c’est, la plupart du temps, elles qui manipulent les Etats. Un séminaire est prévu à Poitiers en novembre 2005 avec des partenaires tels que Via Campesina (organisation internationale paysanne).

Les recours juridiques menés par les associations membres des collectifs opposés aux OGM

La logique de l’ensemble de ces associations est d’utiliser les tribunaux en déterminant quelle procédure sera la plus avantageuse, à court et à long terme pour la cause défendue. Elles analysent le droit pour définir quelle argumentation sera la plus efficace. Des juristes participent à cette recherche, mais les décisions ne leur sont pas déléguées.

Prenons la question des essais OGM en plein champ. Le recours devant les tribunaux administratifs a été choisi par préférence au recours en Conseil d’Etat car il permet de faire appel de la décision et offre une plus grande possibilité de s’exprimer. Dans ces procès, les plaignants invoquent l’illégalité des essais en raison de leur non-conformité à une circulaire européenne (2001-18). Cette circulaire, qui n’a pas été transposée dans le droit français, impose des conditions en matière d’environnement et de santé. Elle soumet notamment les autorisations d’essai à une étude préalable des impacts sur la santé et l’environnement et à l’information de la population.

Chaque essai fait l’objet d’une procédure distincte. Une personne ou organisation intente un recours, puis les autres concernées viennent en soutien à la première procédure. Chaque organisation travaille avec ses avocats mais en concertation avec les autres. La difficulté de ce système tient aux habitudes de travail bien souvent individualistes et non collectives des avocats. Son avantage réside dans l’existence de plusieurs groupes de réflexion, ce qui permet d’aborder la question sous plusieurs angles.

Notons que des actions similaires ont été menées en Italie ou la destruction de culture OGM par l’autorité publique a été obtenue car il n’existait pas de code de douane spécifique pour l’importation des OGM…

Palavras-chave

movimento camponês, reinvindicação camponesa, ação legal, sensibilização ao direito


, Franca

dossiê

Pratiques du droit, productions du droit : initiatives populaires, 2005

Idées, expériences et propositions sur les sciences et la démocratie

Fonte

Entrevista

Réalisé en juin 2005 : Réseau Semences Paysannes, Guy Kastler, Cazalens, 81600 Brens, FRANCE

Site du Réseau Semences Paysannes : www.semencespaysannes.org

Juristes Solidarités - Espace Comme vous Emoi, 5 rue de la Révolution, 93100 Montreuil, FRANCE - Tél. : 33 (0)1 48 51 39 91 - Franca - www.agirledroit.org/fr - jur-sol (@) globenet.org

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