español   français   english   português

dph participa da coredem
www.coredem.info

diálogos, propuestas, historias para uma cidadania mundial

Un mouvement de lutte pour l’exercice des droits fondamentaux

(Luttes, Solidarités, Travail)

07 / 2005

LST (Luttes Solidarités Travail) est une association qui regroupe des personnes en situation de pauvreté et d’autres qui partagent leurs luttes, dans le but de combattre la pauvreté, ce qui la génère et la perpétue. Née dans les années 70 comme un mouvement de fait, LST s’est constituée en asbl (association sans but lucratif) en 1982. Le mouvement trouve ses origines dans le rassemblement dit « 55 ». Ce nom provient du numéro de la rue où se trouvait un lieu géré par un abbé, hébergeant des personnes et familles. Les premiers rassemblements sont partis des questions que se posaient ces personnes (comment trouver un logement, avoir accès à l’aide sociale, etc.) et des besoins de se parler, d’échanger. Elles ont commencé à chercher dans le code civil et se sont entre autres rendus compte qu’existait la possibilité de réquisitionner des logements restés vides. Elles ont alors décidé d’interpeller les pouvoirs publics sur ces questions.

Le mouvement LST est un mouvement d’éducation permanente. Plusieurs types d’action sont aujourd’hui menés, dont notamment :

Les « caves » (1)

Les « caves » sont des réunions d’éducation permanente qui se déroulent selon le schéma suivant :

  • dans un premier temps les gens expriment ce qu’ils vivent ;

  • il y a ensuite une prise de conscience progressive des situations similaires vécues par les uns et les autres ;

  • un travail de décodage (du droit, des mécanismes de pauvreté,…) est alors mené. Il s’effectue autant par l’apport d’informations que par l’échange d’expériences. Chacun vient avec son parcours, le recul qu’il peut avoir sur sa situation, etc. ;

  • les gens puisent dans les discussions et les échanges des éléments de réflexion et de conscientisation personnelle.

Les « caves » constituent un outil pour se poser des questions collectivement et essayer de mieux comprendre sa situation. Il n’y a pas forcément d’actions qui naissent à partir de ces réunions. Un ouvrage intitulé « La dignité, parlons-en » (2003, paru aux éditions Luc Pire) a cependant été rédigé dans le cadre des caves. Il porte sur la confrontation entre la loi et l’expérience pratique des familles en matière d’aide sociale, sur les rapports de forces entre les gens et les pouvoirs publics.

Les permanences d’accueil

Ce sont des accueils collectifs, proposés chaque matin. De ces permanences sont souvent parties des actions, individuelles ou collectives : interpellation de la commune, par exemple sur la fermeture de lieux d’accueil de nuit ; organisation de manifestations pour protester contre l’existence de logement vides ; etc.

La participation à des travaux de réflexion sur le droit

Ce travail s’est tout d’abord déroulé dans le cadre de l’élaboration du Rapport général sur la pauvreté (2), puis de son actualisation. La participation à ce type de concertation avec d’autres associations, les pouvoirs publics, etc., nécessite l’organisation d’une réunion préparatoire pour permettre aux gens de comprendre les enjeux des questions, s’exprimer dessus, se préparer à la prise de parole. Ensuite viennent la réunion sur place puis la réunion d’évaluation.

Ainsi, les gens apprennent à mieux comprendre une loi : comment elle est interprétée, quelles sont ses motivations et comment chacun peut améliorer sa propre stratégie d’action.

Le travail de compréhension d’une loi peut prendre beaucoup de temps. Il faut également se pencher sur ses décrets d’application pour savoir comment elle doit être appliquée sur le terrain. L’un des militants souligne, par exemple, que si le décret sur les services d’aide aux jeunes n’avait pas été étudié, il n’aurait jamais osé franchir la porte de ce service, pensant que son rôle se limitait au placement des enfants.

Lorsque LST est contacté pour participer au débat sur une loi ou son évaluation, il y a cependant toujours un fort débat pour déterminer si l’association doit y aller ou pas, en raison des risques de récupération du mouvement.

Les actions judiciaires

Les personnes qui viennent à LST sont souvent confrontées à des problèmes relevant de la justice. Les militants soulignent qu’être confronté ou mener une action en justice est un problème avant tout individuel : les gens peuvent en parler entre eux, rapprocher leur situation de celles des autres, prendre des conseils mais la procédure les concerne ensuite eux-seuls ; c’est eux qui prennent les risques, c’est à eux de prendre les décisions.

Il y a tout de même eu quelques expériences judiciaires collectives au sein de LST.

Par exemple, à l’antenne de LST de Ciney, les propriétaires d’un camping permanent avaient coupé l’eau aux résidents en caravane. Plusieurs résidents du camping participaient aux réunions de caves, le problème y a donc été discuté. On a demandé à un militant de LST, avocat par ailleurs, de participer aux caves pour voir s’il était possible d’intenter un recours collectif contre le propriétaire du camping. Plusieurs réunions ont été nécessaires pour confronter les pistes d’action, les possibilités juridiques. Le travail de compréhension a été assez long car la situation était complexe. La question de la prise en charge des honoraires de l’avocat a été posée collectivement. Il a été décidé qu’il travaillerait bénévolement mais que ses frais de déplacement, de courrier,… seraient pris en charge et qu’une cagnotte serait constituée (chacun déposant ce qu’il souhaitait ou pouvait mettre). Des comptes étaient rendus régulièrement sur l’utilisation de cette cagnotte. Ainsi, les gens conservaient la gestion collective des ressources financières. La question « que demande-t-on collectivement au tribunal ? » n’a pas non plus été facile à régler car les gens étaient dans des situations différentes. Mais cela a permis aux plus précaires, à ceux qui n’auraient sans doute pas intenté une procédure individuellement, d’être portés par le groupe et a évité qu’ils ne soient laissés de côté sans revendiquer leurs droits.

Cette procédure judiciaire collective a été un succès. Le tribunal a effectué une application innovante de la loi puisqu’il a autorisé les résidents à régler directement leur facture d’eau à la compagnie, sans passer par le propriétaire.

Autre exemple : En Région wallone, la politique du gouvernement était de vider les campings, en proposant des primes d’installation aux gens qui quittaient leur caravane. La phase d’organisation des résidents a suivi les mêmes étapes que dans l’exemple précédent : rassemblement des gens, recherche collective de solutions au problème et apport d’informations juridiques, puis développement de la procédure judiciaire mais cette fois-ci, individuellement.

De nouveaux, les militants de LST soulignent que les personnes les plus faibles ne se seraient sans doute pas défendues si elles n’avaient pas été portées par le collectif. Quand on est en grande difficulté, on a l’impression de ne plus avoir de droits, de sortir des cadres existants. Il faut réapprendre à dire « j’ai des droits ».

La relation aux professionnels du droit

Certains militants vont se défendre seuls mais en prenant soin de recueillir l’avis d’un avocat lors de la constitution du dossier. LST compte en son sein un avocat, mais le collectif n’a jamais considéré cette présence comme un outil qu’il se donnait. Cela est mis en avant seulement pour dire que LST est un rassemblement de personnes pour combattre la pauvreté. L’avocat vient simplement valider des pistes.

Dans certaines situations, connaître les bons textes n’est de toute façon pas suffisant puisque le droit ne va pas toujours dans un sens favorable. S’ajoute à cela le problème de la confrontation entre des droits contradictoires. Le droit belge est construit sur des grands principes, comme celui de la gestion des affaires en « bon père de famille ». Quand on se trouve dans des situations très complexes, on découvre le fossé entre le quotidien vécu et ce que le droit attend de nous.

Les diverses actions de LST ont amené le droit à bouger. Des lois ont été modifiées ou abolies (abolition de la loi sur le vagabondage en 1993 par exemple). Une influence a été exercée sur les pratiques et les interprétations.

Il en ressort que les gens parviennent à mieux gérer leur vie et à en devenir acteur. Ils acquièrent des connaissances importantes, qui leur permettent également d’aider d’autres personnes, sans passer par LST. Au sein de LST se développe ainsi un savoir en perpétuelle évolution, nourri du savoir des personnes et des connaissances juridiques recherchées. Cette démarche ne correspond souvent pas aux critères attendus d’un savoir scientifique reconnu comme tel, mais elle est aussi rigoureuse et pertinente qu’une démarche scientifique « classique ». Les militants passent par les mêmes paliers de recherche, c’est simplement l’angle d’attaque qui diffère.

1 Ce nom provient du fait qu’à l’origine, ces réunions étaient organisées à Bruxelles dans des caves.
2 Ce rapport a été initié en Belgique par la fondation roi Baudouin

Palavras-chave

direito ao trabalho, exclusão social, mobilização popular, ação legal, formação jurídica


, Bélgica

dossiê

Pratiques du droit, productions du droit : initiatives populaires, 2005

Fonte

Entrevista

Réalisé en avril 2005 : Luttes Solidarités Travail, Rue Pepin 27, Namur, BELGIQUE - namur AT mouvement-LST.org

Juristes Solidarités - Espace Comme vous Emoi, 5 rue de la Révolution, 93100 Montreuil, FRANCE - Tél. : 33 (0)1 48 51 39 91 - Franca - www.agirledroit.org/fr - jur-sol (@) globenet.org

menções legais