1/ quelle définition des services d’intérêt général ? Quels rôle et compétences de l’Union européenne pour en promouvoir l’efficacité et la qualité ?
2/ quelle hiérarchie entre les règles de concurrence et les objectifs d’intérêt général, pour conjuguer leurs avantages respectifs ?
3/ quelle mise en œuvre du principe de subsidiarité pour que l’autorité territoriale (locale, régionale, nationale, européenne) la plus efficace ait la compétence de définir et décider les objectifs de développement et de qualité des services pour son aire de responsabilité ?
4/ quel rôle des autorités publiques à chaque niveau territorial (local, régional, national, européen) pour définir, dans la transparence et la proportionnalité, les objectifs et missions d’intérêt général, les obligations de service public, pour décider du mode d’organisation de leur mise en œuvre (octroi éventuel de droits exclusifs ou spéciaux ; gestion par elle-même ou en chargeant un organisme ou une entreprise de les fournir ; etc.), ainsi que de ses financements, pour organiser les modes de régulation, de contrôle et d’évaluation ?
5/ la distinction traditionnelle entre services économiques et non-économiques continue à être faite, puisque le traité ne donne de compétences à l’Union européenne que pour ce qui concerne les services d’intérêt économique général ; pour autant, d’une part les “ valeurs communes ” ou la “ cohésion sociale et territoriale ” (article 16) renvoient à l’ensemble des services d’intérêt général et non aux seuls services économiques, d’autre part la distinction entre services économiques et non-économiques est évolutive dans le temps et dans l’espace, ce qui crée une insécurité juridique et un risque de généralisation du droit de la concurrence à tous les SIG. Comment clarifier les concepts, références et critères utilisés ainsi que les compétences de l’Union, de façon à donner une visibilité et une sécurité économique et juridique à long terme ?
6/ quelle diversité de choix l’Union européenne doit-elle reconnaître à chaque autorité publique, dans la transparence complète des objectifs et des moyens, quant aux modes possibles de gestion des services d’intérêt général : gestion directe par l’autorité publique elle-même (service ou régie) ; mission donnée à une entreprise publique ou mixte dépendant de l’autorité publique elle-même ou d’économie sociale, coopérative ou associative ; délégation à une entreprise pour une durée déterminée (concession), mise en adjudication des services,… ?
7/ comment assurer et garantir la sécurité de financement à long terme des obligations de service public ? Les pouvoirs publics ont à prendre en charge les servitudes ou les manques à gagner qui en résultent pour les entités en charge du service, par rapport à une situation où celles-ci agiraient selon des ressorts purement concurrentiels ; quelles formes peuvent prendre ces compensations pour s’adapter aux objectifs définis : subventions publiques, péréquations internes permettant de financer les coûts engendrés par des bénéfices sur des activités rentables, accompagnées ou non de droits exclusifs, fonds de compensation entre opérateurs, exonérations de taxes ou autres, partenariats public-privé, etc. ?
8/ la régulation des services d’intérêt général ne se réduit pas à la mise en œuvre du droit commun de la concurrence, lequel peut faire obstacle au bon accomplissement des obligations de service public, mais relève des rapports entre les règles de concurrence et les missions d’intérêt général ; ces rapports sont évolutifs dans le temps et l’espace. Comment assurer une régulation dynamique et efficace ? Ne faut-il pas faire intervenir dans la régulation tous les acteurs intéressés ?
9/ une régulation efficace suppose de développer une dynamique progressive d’évaluation des performances des services d’intérêt général afin de contribuer à leur efficacité et à leur adaptation aux évolutions de besoins des consommateurs, des citoyens et de la société. Comment développer cette dynamique ? Comment associer toutes les institutions concernées ? Comment assurer l’autonomie des instances d’évaluation ? Ne faut-il pas faire participer à l’évaluation tous les acteurs concernés : autorités publiques, opérateurs, consommateurs (usagers domestiques comme industriels - grands et petits), citoyens, collectivités locales et élus (nationaux et locaux), personnels des opérateurs et leurs représentants, afin de prendre en compte la diversité de leurs attentes et aspirations, de leurs intérêts ?
10/ en ce qui concerne les négociations commerciales internationales, la clarification et l’affermissement des services d’intérêt général dans l’Union européenne sont-ils reflétés lors des négociations de l’AGCS, de même les positions internationales reflètent-elles les règles internes à l’Union ?
Forger une conception européenne implique de sortir de la confusion et de distinguer service public / monopole / propriété publique / Etat ; de reconnaître que les services publics ne sont pas exempts de défauts, notamment quand ils sont en situation de monopole : abus de position dominante de l’entreprise qui preste le service, manque de transparence et bureaucratisation, manque de démocratie, oubli de la finalité du service qui est l’usager-consommateur-citoyen, régulation insuffisante ou chaotique, ignorance de la société et des relations avec les citoyens.
Ceci amène à inverser la démarche habituelle, pour partir non des principes, tels qu’ils se sont sédimentés dans notre construction historique, mais des besoins et aspirations des consommateurs, des citoyens et de la société et du fait que tous les pays, même les plus libéraux, ont des “ services publics ” ou “ services d’intérêt général ” ou “ public utilities ”, plus ou moins développés en fonction de leurs histoires, de leurs traditions et de leurs cultures, mais qui jouent partout un rôle important dans la cohésion économique et sociale ainsi que dans l’aménagement des territoires. Les secteurs couverts sont les mêmes : génie urbain (eau, assainissement, déchets, câble), poste, télécommunications, routes, énergie, transports, etc. Les modalités de gestion, de régulation, les pratiques administratives, les institutions sont différentes, mais il y a un “ fond commun ” dans l’organisation de la société, composante d’un “ modèle européen de société ou de civilisation ”.
Le modèle social européen est caractérisé par les interactions et l’intégration du progrès économique et du progrès social, qui en font une économie sociale de marché. Il associe la garantie des droits de chacun d’avoir accès aux biens et services essentiels avec la recherche de la cohésion et de la solidarité dans un objectif de développement durable économique, social et environnemental.
Faire émerger ce fond commun implique de partir non des concepts ou mots différents employés dans les différents pays, mais des objectifs, missions, principes, obligations, droits et formes de régulation publique. Il s’agit, dans une démarche ouverte aux mutations économiques, sociales et culturelles, de recenser les éléments communs, fondements d’une conception européenne rénovée des services publics ou des services d’intérêt général. Il s’agit de rééquilibrer la logique dominante de concurrence par celle d’intérêt général, de les articuler de manière évolutive, l’une comme l’autre n’étant pas des finalités, mais deux moyens complémentaires d’avancer vers la réalisation des objectifs de l’Union, pour que celle-ci “ marche sur ses deux jambes ”.
Une doctrine européenne adaptée aux enjeux à venir et dans laquelle puissent converger la diversité des histoires, traditions et cultures nationales devra se saisir des questions au cœur de la recomposition de l’action publique : la responsabilité publique et la subsidiarité, la régulation et l’évaluation.
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