Travail harassant, exposées aux pollutions, pilier de la survie des enfants et des vieux, voici le sort des femmes
10 / 2005
Des heures et des heures !
Dans certains pays en développement, les filles passent sept fois plus de temps à chercher du bois et de l’eau que les hommes. L’OMS (Organisation mondiale de la santé), estime que la corvée d’eau peut consommer jusqu’au tiers de l’apport énergétique journalier de ces femmes. Une étude portant sur la localité de Pura, au Karnataka, fait ressortir que les femmes contribuent à hauteur de 46 pour cent au total des heures humaines consacrées aux activités agricoles, artisanales et domestiques. Le pourcentage est de 37 pour cent pour les hommes et de 17 pour cent pour les enfants. Dans les familles pauvres, on peut consacrer jusqu’à dix heures par jour pour trouver du bois, chercher de l’eau et préparer la nourriture. Une étude portant sur les plaines de l’ouest de l’Uttar Pradesh, une région agricole plutôt prospère, relève que même des femmes enceintes peuvent avoir des journées de quinze heures.
La fumée
A la corvée d’eau et de bois s’ajoute la corvée de la cuisine. Les foyers traditionnels, appelés chulhas, sont notoirement inefficaces. Ils enfument le logis, ce qui à la longue peut avoir des effets délétères sur les femmes et les enfants qui sont autour. Dans les pays en développement, la pollution atmosphérique à l’intérieur des habitations tue certainement plus de gens que la pollution extérieure.
Microbes et compagnie
Les femmes sont davantage exposées aux dangers de l’eau polluée que les hommes. En plus de porter l’eau, elles font la lessive et la vaisselle, souvent avec une eau de qualité bien douteuse, surtout dans les endroits particulièrement déshérités. Lorsque l’enfant est atteint d’une maladie contagieuse, la mère qui s’occupe de lui risque plus d’être contaminée que le père.
Bien seules
Quand la nourriture se fait rare, pendant des périodes de sécheresse notamment, les hommes partent vers les villes à la recherche de travail, laissant sur place femmes, enfants et parents âgés. La vie est encore plus difficile quand la femme est seule à faire bouillir la marmite.
Interdit !
L’Administration des forêts n’hésite pas à interdire le pâturage dans les zones qu’elle est sensée protéger. Même quand ce n’est pas officiellement interdit, les femmes qui font usage des ressources forestières secondaires sont souvent importunées par les gardes qui leur réclament toutes sortes de « cadeaux ». Dans le district de Bankura, au Bengale occidental, des femmes d’une tribu santhal vivotaient maigrement de la forêt en collectant des fruits, des fleurs, des feuilles de certains arbres (mahua, kendu…). Depuis une trentaine d’années, ces femmes ont vu peu à peu disparaître ce droit d’accès traditionnel. Un jour elles seront bien obligées de prendre la route.
Pollution ambiante
L’air, l’eau, le sol véhiculent diverses substances chimiques qui peuvent altérer la santé. Dans certains endroits du globe, on en trouve même dans le lait maternel. En Chine, dans la province de Gansu, on a relevé un nombre tout à fait inhabituel de fausses couches et d’enfants mort-nés. En Russie, la pollution de certains cours d’eau multiplie les pathologies des reins, de la vésicule biliaire chez la femme enceinte. Au Soudan, l’usage de pesticides augmente les risques de mentalité périnatale, surtout chez les femmes des campagnes.
Le feu sous la marmite
Dans les pays en développement, la biomasse (bois, charbon, bouse, résidus de récolte…) peut représenter jusqu’à 80 pour cent du carburant à usage ménager, essentiellement pour cuire les repas, ce qui est affaire de femme la plupart du temps. Quand le gros bois vient à manquer, même dans les campagnes, les femmes ramassent des branches, des brindilles. Et quand cela aussi se fait rare, on a recours à de la bouse séchée et même des feuilles mortes. L’échelle énergétique indique le degré d’efficacité (énergie libérée + propreté) des divers carburants. Plus on est haut dans l’échelle, moins il y a d’émission de dioxyde de carbone, de dioxyde de souffre et de particules.
Si les programmes énergétiques nationaux accordent si peu d’attention à la biomasse, c’est en partie parce qu’il s’agit d’un « carburant de femmes ». Autrement dit, si la corvée de bois était affaire d’hommes et non pas de femmes, on aurait peut-être fait quelque chose à ce sujet. Faire du feu avec de la biomasse n’est pas sans danger pour la maisonnée, surtout quand le foyer est à l’intérieur, qu’il est mal conçu, qu’il n’y a pas de tuyau pour évacuer la fumée. Sur les 3 millions de décès attribués à la pollution atmosphérique chaque année dans le monde, 2,8 millions sont dus à l’air vicié à l’intérieur des logements : un effet secondaire désastreux des foyers rustiques traditionnels.
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, Índia
Texte traduit en français par Gildas Le Bihan et publié dans la revue Notre Terre n°15 - décembre 2004
Texte d’origine en anglais publié dans la revue Down To Earth : Women and environment. Down To Earth vol. 13 n°4, Center for Science and Environment, 15 juillet 2004 (INDE), supplément p.66-79
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