2010
Au Sud, à l’Est, au Nord, la ville est partout au centre des bouleversements. Elle sert de matrice au changement social ; dans le même temps, elle répercute à travers les multiples crises urbaines, les contradictions du passé et des futurs possibles. A travers la spécificité des situations et des crises urbaines, peut-on pointer les contours d’un mouvement historique qui pourrait se traduire par une nouvelle civilisation urbaine ?
L’évolution quantitative est d’abord démographique. La population urbaine mondiale, d’après les études des Nations Unies, devrait augmenter de sept cent millions d’ici la fin du siècle et de deux milliards de plus de 2000 à 2025 ; les trois quarts dans les pays du Sud. La poursuite de l’explosion urbaine est plus que probable, alors que les modèles de transition démographique sont fondés sur une pause démographique qui serait effective aux alentours de 2025-2030. L’urbanisation tendra à se généraliser ; le taux d’urbanisation devrait passer de 45% en 2000 à 60% en 2025. Les différences resteraient marquées, entre l’Amérique latine (83% d’urbains), l’Afrique (52%) et l’Asie (49%).
La majeure partie du milliard de nouveaux citadins des deux ou trois prochaines décennies vivront dans des mégapoles. Il ne s’agit pas seulement d’un effet de taille. Certes, les villes millionnaires ne sont plus l’exception et leur nombre croit suivant une loi statistique qui leur est propre. De 1960 à 2025, le nombre de villes millionnaires devrait passer de 114 à environ 640 ; la part de la population urbaine mondiale qui y sera localisée passerait de moins de 30 % à plus de 43%. En 2025, il est prévu que près du quart des urbains vivra dans des villes de plus de quatre millions d’habitants. Le nombre de villes de plus de cinq millions d’habitants passerait de 30 à 47 entre 1985 et 2000 ; une seule des 17 nouvelles étant une ville du Nord. En l’an 2000, les 25 plus grandes villes du monde devraient avoir entre sept et 24 millions d’habitants ; sur les sept d’entre elles n’appartenant pas au tiers-monde actuel, seule Paris serait européenne.
une révolution urbaine ?
Cette évolution quantitative accompagne-t-elle une révolution urbaine ; c’est-à-dire une rupture dans l’évolution des villes ? Peut-on exprimer dans le même mouvement l’explosion urbaine dans le tiers-monde et la restructuration des villes européennes et américaines ? Ce mouvement est-il le prolongement, et l’élargissement au Sud de la révolution urbaine du XIX ème siècle ou correspond-il à une rupture dans cette évolution ?
La révolution urbaine correspond à une rupture qualitative qu’il convient de relier à la mondialisation. Supports de la mondialisation, les villes en sont aussi sont transformées. Cette mondialisation bouleverse le système géopolitique et remet en cause la nature des Etats ; elle modifie les rapports entre le local, le national et le mondial, entre le particulier et l’universel.
L’hypothèse d’une révolution urbaine, observée dans l’évolution des villes, peut être approchée dans plusieurs dimensions, dans les rapports de la ville avec l’évolution sociale, la pensée scientifique, l’évolution sociale, les représentations idéologiques.
une nouvelle génération de villes
Les villes changent de nature. Du point de vue qualitatif, le rapport entre ville et campagne est particulièrement en question. Il n’est pas sûr que dans l’avenir, il joue un rôle structurant de l’espace, comme cela fut le cas au cours de tant de siècles. Dans le Sud, l’exode rural est déterminant et les villes étendent leurs territoires ; en Afrique, par exemple, on estime que lorsque la population d’une ville double, tous les dix ans environ, sa superficie triple. Dans le Nord, le paysage rural est ordonné par l’industrialisation agricole. Les nouveaux occupants , actifs ou retraités, investissent les résidences secondaires et les lotissements. Les modes de vie, les normes de consommation, les références culturelles, d’abord télévisuelles, s’uniformisent. Il n’est pas exagéré de parler d’une tendance à l’urbain généralisé.
Dans l’évolution des villes, trois niveaux se différencient nettement. Les mégapoles au dessus de 4 à 5 millions d’habitants sont reliées entre elles dans une armature urbaine mondiale. Les villes moyennes, de cent mille à deux ou trois millions d’habitants suivant les régions, polarisent et structurent un territoire ; elles sont à la fois autonomes et subordonnées aux mégapoles. Les villes ou les centres secondaires structurent l’espace rural et le relient à la société urbaine.
Chaque ville appartient à une ou plusieurs chaînes de villes. Ainsi se diffuse un modèle de consommation uniformisé par le commerce mondial, les échanges, les images médiatiques et le tourisme. C’est à partir des maillons de ces chaînes que se redéploient les activités productives, que se recomposent les processus de production et que se répartissent les emplois. C’est à travers cette armature qu’est redistribuée la force de travail à l’échelle mondiale et que s’organisent les migrations qui, par leur ampleur, structurent l’urbanisation à l’échelle de la planète.
Les mégapoles représentent la pointe avancée de l’urbanisation. Leur évolution est marquée par une rupture ; celle de la liaison étroite entre urbanisation et industrialisation qui a caractérisée la révolution industrielle et urbaine du XIX ème siècle. La généralisation du modèle industriel productiviste à l’échelle de la planète se heurte à une double limite. La première est celle de l’écosystème planétaire dont on mesure la fragilité, notamment, dans la dégradation de l’environnement des mégapoles, elles mêmes sources de nuisances et de pollutions. La seconde limite est celle de l’emploi mis à mal par l’accélération foudroyante de la productivité. L’imbrication entre emploi, statut social et revenus, traduite dans le travail considéré comme la valeur culturelle centrale de l’ordre social, est directement remise en cause par cette évolution.
Le rapport entre la ville et le territoire change de nature. La métropole industrielle se déployait sur un bassin d’emploi, elle organisait son site pour l’exploiter. La mégapole ignore son site ; elle suit une logique proliférante. Elle juxtapose des morceaux de ville-monde, reliés aux autres centres de l’armature mondiale, concentration de télécommunications, places financières, grands hôtels et consommation spectaculaire ; avec des quartiers qui s’autonomisent. L’initiative publique a perdu sa capacité de prévision et d’anticipation. La fragmentation urbaine redouble la fragmentation sociale.
transition sociale et exclusion
Repartons de la très éclairante formule d’Henri Lefebvre : « l’espace est la projection au sol des rapports sociaux ». L’interrogation porte sur l’avenir de ce rapport essentiel : le salariat. Que sera, dans l’avenir, la signification du salaire : le prix du travail, le revenu garanti, le statut social, le rapport à l’Etat ? La place dans la ville, l’accès à l’habitat sont intimement liés à la nature du revenu, plus encore qu’à son niveau. Un salaire stable constitue un statut social, il donne l’accès au crédit, au logement, à la consommation individuelle et collective ; il est la clé de l’intégration. A l’inverse, l’absence de revenu stable ouvre le processus d’exclusion par rapport à la société institutionnalisée. Sans revenu stable, nos sociétés ne savent plus reconnaître le droit à la sûreté, inscrit dans la déclaration des droits de l’homme, et abusivement confondu avec la sécurité et les glissements sécuritaires.
Pour Henri Lefebvre, qui rappelle qu’une crise ne sépare pas forcément deux moments favorables, la crise actuelle est celle qui sépare un monde fondé sur une valeur centrale, le travail à un monde qui ne serait plus fondé sur le travail ; et dans cette transition, des centaines de millions de personnes et des sociétés toute entières sont exclues du travail. Il ne s’agit évidemment pas du travail au sens commun du terme mais d’une valeur culturelle et sociale. Cette remise en cause d’un rapport social essentiel indique la profondeur des bouleversements.
Quatre grandes catégories se croisent dans les villes : ceux qui habitent, ceux qui travaillent, ceux qui « loisirent » et ceux qui contrôlent (hommes d’affaires et experts internationaux). La place de chacun dans la ville ne recouvre que partiellement les anciennes structurations sociales.
L’analyse diffère si on se place dans le cadre d’une société ou dans celui du système-monde. Ainsi, les classes ouvrières se réduisent dans de nombreux pays mais pas dans le monde ; il en est de même des possédants capables de vivre des revenus de leurs capitaux et de l’accès aux rentes et aux privilèges. Pour revenir aux classes ouvrières, elles n’occupent peut-être plus la place stratégique centrale qui leur avait été attribuée dans bien des représentations ; elles n’en sont pas moins présentes et structurantes. Les producteurs ne sont pas tous des salariés. Ce qu’on appelle, faute de mieux les secteurs informels occupent une large part de la population des villes.
Il reste deux grandes catégories qui nécessitent de nouvelles approches conceptuelles : celle des classes moyennes et celle des exclus. Les classes moyennes auxquelles appartiennent les techniciens, les intellectuels, les fonctionnaires et employée et les cadres de toute sorte qu’engendre l’approfondissement de la division sociale du travail et la reproduction sociale sont à la fois choyées en tant que base sociale des états et attaquées par la modernisation et son cortège de programmes d’ajustements structurels. L’histoire et la mémoire de ces couches sociales lient l’Etat et la ville. Par rapport à la logique du libéralisme et aux mécanismes de marché, ces couches sociales revendiquent l’égalité ; la délégation à l’Etat du rôle régulateur légitime toujours le développement de la bureaucratie. L’innovation sociale majeure sera celle qui dans l’avenir permettra de tendre à l’égalité sans générer de bureaucratie.
La mondialisation ne saurait être analysée en dehors de la tendance à l’accroissement des inégalités, de l’élargissement et de l’approfondissements des exclusions. Exclusion par la pauvreté et la misère liée aux inégalités de revenus. Exclusion du travail et des statuts sociaux liés au travail stable. Exclusion par la difficulté d’accès au logement. Exclusion culturelle de la reproduction sociale des « élites ». L’exclusion massive dont les mégapoles sont le théâtre brouille les identités. Les représentations classiques (communautaires, religieuses, nationales, sociales) ne rendent plus compte du rapport de l’individu au groupe. Il reste d’ailleurs à s’interroger sur le consensus troublant qui s’attache à ce terme. Emmanuel Terray rappelle par exemple qu’un tel accord n’a jamais existé sur la notion d’exploitation. L’exclusion ne peut-être retenue, sans être précisée, comme analyseur unique de l’évolution sociale.
Il reste que la planète des villes est aussi celle des exclus. Elle combine les formes graduées de l’exclusion : la planète des sans-abris et de l’habitat précaire qui progresse sensiblement ; les ghettos riches surprotégés ; les zones tampons peuplées de couches moyennes désemparées par la crise des états ; les centres dégradés et les banlieues périphériques où campent les nouveaux « barbares urbains ».
culture urbaine et ségrégation
Confrontée à la violence de cette ségrégation, la culture urbaine développe des tendances contradictoires. Elle est faite d’individualisme, de compétition, de débrouillardise, de violence, parfois de cruauté. Mais elle est aussi faite de possibilités d’autonomie, d’épanouissement de l’individu, de recherche de liberté et d’indépendance.
Vivre la mégapole, c’est vivre à la fois le temps du quartier au quotidien et le temps du monde. La distance entre le quartier et le monde s’étire dans l’espace et dans le temps. L’image en temps réel occulte la représentation du monde et privilégie le désordre comme forme dominante de l’ordre apparent. Elle renvoit chacun à la violence, métaphorique ou effective. La vie quotidienne dans la mégapole, la course au logement, à l’emploi, au revenu, au transport, relève du « système D ». Elle s’inscrit dans des stratégies familiales et patrimoniales qui s’étendent sur plusieurs générations.
Dans toutes les villes du monde, les relations de travail, les rencontres de parents d’élèves, les bandes de jeunes autour des écoles et dans les quartiers, les activités sportives, culturelles, politiques et les loisirs irriguent un tissu associatif d’une très grande diversité mais toujours territorialisé, marqué par les spécificités urbaines.
La peur de la solitude, très fortement intériorisée dans les villes renforce le sentiment d’appartenance à des groupes d’origines culturelles semblables. A la famille traditionnelle, à l’appartenance régionale et ethnique se superposent et se combinent de nouvelles solidarités, de nouveaux réseaux. La solidarité de proximité peut toujours s’appuyer sur le quartier et la ville ; la continuité avec la solidarité nationale est moins évidente, limitée et brouillée par la mondialisation. La culture de voisinage est de son côté elle aussi modifiée par la montée en puissance des réseaux de télécommunications. la communauté n’est plus formée seulement par ceux qui sont proches, elle est aussi constituée par tous ceux qui sont en relation.
Dans la structuration des villes, la relation entre les centres et les périphéries est essentielle. Elle oppose la réalité de la ségrégation au discours de la nouvelle modernité. Les banlieues connaissent une évolution contradictoire, à la fois subordonnées, restructurées autour des lignes de transport, des pôles d’activités, des zonages résidentiels de « standing » ou populaires. Elles sont à la fois des lieux d’oppression et des lieux de résistance. La solidarité dans les villes se construit aussi à partir des luttes urbaines, du désir d’autonomie et du refus de la relégation. La culture des banlieues populaires, bien vivante l’exprime de mille façons, notamment à travers la musique et tout ce que représente les rocks de Londres, Tokyo, Moscou, Berlin, Oran et ailleurs. D’une certaine façon, l’avenir des villes est dans le futur des banlieues.
formes de pouvoir et démocratie
Les histoires de la ville, de l’Etat, de la démocratie sont fortement enchevêtrées. La généralisation du modèle de l’Etat-Nation ne s’est pas imposé. Les Etats sont contestés par le haut, la tendance à la mondialisation, et par le bas, la revendication d’une démocratie de proximité.
Les Etats sont contestés par la mondialisation dont la rationalité est portée par les grandes entreprises. Celles-ci tirent leur pouvoir du contrôle de la technologie ; leur recherche d’efficacité et de productivité réduit de plus en plus les effectifs directement engagés dans la production. Mais, le moderne saint-simonisme, la croyance que le progrès technique suffira à faire reculer la misère et les inégalités, qu’il suffit de moins d’Etat et de la priorité donnée aux grandes entreprises ne peut tenir lieu de pensée politique. Ce délire de rationalité participe à la montée de l’irrationnel de tous ceux qui sont exclus de cette nouvelle modernité et qui cherchent refuge dans les nationalismes, les bonapartismes, les populismes et les intégrismes de toute sorte.
Les fonctions de régulation sociale et économique sont d’autant plus importantes que de moins en moins de personnes sont directement engagées dans la production. Certaines de ces fonctions pourraient être confiées aux villes à travers les institutions municipales. Celles-ci gèrent déjà directement, ou par délégation, l’éducation et la santé, les équipements et le logement social, mais aussi le revenu minimum et les actions d’insertion sociale. Une nouvelle vague municipaliste porte un projet d’articulation entre le mondial et le local.
La démocratie, née de la ville, est toujours l’occasion de passions orageuses. L’autonomisation du pouvoir municipal et le fonctionnement en réseaux ne sont pas en eux-mêmes des progrès. Ils peuvent aussi être propices au clientélisme et à la corruption. Mais la ville est aussi un des lieux les plus pertinents pour l’apprentissage de la démocratie. Le niveau municipal permet de traduire les aspirations en projets collectifs organisés. Il peut permettre le débat sur la différenciation entre citoyenneté et nationalité, sur la séparation entre la nation et l’Etat. Les villes de l’avenir seront diverses et contradictoires. C’est dans leur alchimie que s’élaborent de nouvelles formes du politique, sans que l’on puisse définir à priori le sens que prendront les rapports entre les Etats et les partis, les entreprises et les citoyens, les associations et les communautés, l’opinion publique et les médias.
conception urbaine et représentations
La révolution urbaine est inséparable d’une révolution dans le domaine des idées ; c’est une révolution des cultures et des représentations. la ville a toujours été l’interface entre l’Etat et le marché, les producteurs et la bureaucratie, la liberté et l’égalité. L’interrogation sur l’avenir porte sur l’évolution des valeurs de référence. Nous tenterons ici de montrer, à partir de quelques exemples, comment ces valeurs sont opératoires dans la conception et la production des villes.
Plusieurs valeurs en mutation jouent un rôle considérable dans l’évolution du rapport entre ville et société. Nous avons déjà parlé du travail et du salariat en tant que rapport social et culturel. De même, la propriété pourrait laisser la place à la garantie des droits d’usage, notamment en matière foncière. La famille en tant que structure sociale détermine toujours le rapport au logement et à la ville. Sa représentation est d’autant plus omniprésente que sa réalité est en crise, qu’il s’agisse de la notion même de couple ou des relations entre enfants et parents. pour prendre un exemple, on continue à concevoir et à construire des logements « normaux » pour des familles « normales » composées des deux parents avec leur deux enfants alors que, du fait des décès, des divorces et des ménages célibataires plus d’un enfant sur deux arrive à sa majorité sans vivre sous le même toit avec ses deux parents réunis. Sans même insister sur le déséquilibre de la pyramide des âges, sur l’espérance de vie croissante et l’importance de ceux qui sont considérés comme inactifs alors qu’ils sont en pleine possession de leurs moyens. Les logements, la ville, la société accusent une inadaptation croissante.
L’égalité dans la ville se lit à travers l’accès aux transports et aux équipements. De ce point de vue, il faut bien constater que les différenciations s’approfondissent et les écarts se creusent. Un simple exemple, un ménage parisien qui, dans les années 1970 voulait conserver un logement de qualité équivalente à celui des années 1960, sans consacrer au loyer une part plus importante de ses revenus, devait accepter de quitter Paris et s’éloigner de cinq à huit kilomètres. Dans les années 1980, il lui fallait accepter, RER aidant, un éloignement de vingt à quarante kilomètres.
Une indication de la rupture qualitative est donnée par l’évolution technologique. Les villes sont très dépendantes des technologies. La génération actuelle a été marquée par une série de découvertes et d’innovations qui se sont produites entre 1877 et 1899 en moins de douze ans. Il s’agit de l’acier (et des immeubles de grande hauteur), des ascenseurs, de la plomberie d’intérieur, de l’électricité (ampoules et trolley), du moteur à combustion (et de l’automobile), du métropolitain et du téléphone. Pour Janice Perlman et John Eberhard, de la New York Academy of Sciences, nous serions à la veille d’un nouveau « paquet technologique » qui marquerait la future génération des villes. Il s’agirait de la robotique et des systèmes associés, des satellites de communication, de la combinaison des lasers et des fibres optiques, de la conception assistée par ordinateur, des microprocesseurs et des mémoires électroniques, des nouveaux matériaux et des céramiques à haute résistance, des biotechnologies. La circulation de l’information et les communications laissent présager des villes qui pourraient fonctionner en réseaux, éventuellement discontinus, et qui seraient moins marquées par la gestion rigide des flux de matières et de personnes.
Les ruptures ne se limitent pas aux bouleversements que créeront, sans aucun doute, les innovations technologiques. Il faut prendre en compte, plus fondamentalement, la mutation de la pensée scientifique. De nouvelles théories vont se traduire par de nouvelles approches. La géométrie fractale, la théorie des catastrophes, la génétique, la réalité virtuelle conduisent à s’interroger sur les nouvelles façons de penser l’incertitude, le vivant, la discontinuité.
Nous sommes là au coeur des interrogations sur l’avenir des villes et des sociétés. L’histoire nous a appris que chaque nouvelle génération de villes correspondait à une nouvelle représentation du monde, articulant étroitement la pensée scientifique, l’organisation sociale et les modèles urbains. Pensons par exemple à la cité grecque et à la démocratie ; à la ville gothique et à la pensée scolastique ; à la ville baroque et à l’Etat ; à la cité industrielle ; à la ville hausmanienne ; à la Charte d’Athènes et au mouvement moderne.
La planète des villes est encore émergente. Parmi les avenirs possibles, est-il envisageable d’inventer une société sans exclusion et une démocratie sans barbares ?.L’art urbain de cet avenir devra faire face au double défi de la mondialisation et de la démocratie.
gustave massiah mai 1995