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ALORA, entreprise de confection

Valérie BERTRAND

1993

En mai 1992, Madame TRAON, âgée de 40 ans, de nationalité française et d’origine camerounaise, a créé en nom propre une petite entreprise de confection.

Ayant suivi une formation dans le domaine du tourisme, elle a travaillé pendant 15 ans comme responsable dans une agence de voyages, un secteur où les salaires sont faibles et les licenciements nombreux. Après avoir été licenciée deux fois, Mme TRAON s’est retrouvée au chômage en 1989.

En janvier 1990, grâce à l’ANPE (Agence Nationale pour l’Emploi), elle suit une formation dans le domaine du commerce international pendant six mois et effectue un stage au Canada (davantage axé sur la communication)./Bien qu’elle ait les compétences requises pour obtenir certains postes proposés par l’ANPE, sa nationalité camerounaise l’handicape. On lui conseille alors de reformuler son CV pour demander un poste moins qualifié. C’est ainsi qu’elle obtient une place d’employée dans une agence de voyages. Grâce à ses compétences, on lui confie rapidement de nombreuses responsabilités. Cependant, cela suscite la jalousie de ses collègues qui n’hésitent pas à l’accabler de travail.

Mme TRAON connaît alors de nombreux problèmes de santé (dépression nerveuse, fausse-couche...)et est licenciée. S’ajoutent à cela des problèmes familiaux (séparation conjugale, saisie de son pavillon).

Face à l’impossibilité de retrouver un emploi et à la diminution de ses indemnités de chômage, Mme TRAON décide de créer sa propre entreprise. Son nouveau compagnon collabore à la naissance de son projet. En effet, après avoir lu un article sur l’ADIE (Association pour le Droit à l’Initiative Economique)dans le journal Libération, il la pousse à prendre contact avec cet organisme et à monter un projet dans le domaine de la confection (pour lequel elle a quelques compétences).

Elle constitue donc un dossier pour l’ADIE et réalise quelques modèles de vêtement. Son projet est rapidement accepté en commission et un mois après elle bénéficie d’un prêt de 25.000 FF libellé au nom de ses fournisseurs. Ce prêt lui permet d’acheter une machine à coudre, un peu de stock de fournitures et matériel pour les marchés. Le remboursement se fera sur deux ans.

ADIE effectue un suivi. Mme TRAON participe à des réunions qui lui semblent très enrichissantes dans la mesure où les créateurs peuvent exposer leurs problèmes, demander des conseils et échanger leurs expériences.

Cette créatrice n’a pu bénéficier d’aucun prêt auprès des banques, ne disposant que d’un livret à la Caisse d’Epargne et d’un apport personnel de 3.000 FF. Parallèlement, Mme TRAON a entrepris les démarches nécessaires pour déposer ses statuts et obtenir des subventions auprès des pouvoirs publics. C’est ainsi qu’elle a suivi un stage de 12 jours obligatoires pour obtenir le statut d’artisan. Ce stage était organisé par la Chambre des Métiers et lui a paru intéressant.

Quatre mois ont été nécessaires pour obtenir l’ACCRE (Aide aux Chômeurs Créateurs et Repreneurs d’Entreprise). Du fait de l’importance de sa période de chômage (3 ans), elle n’a reçu que 16.000 FF.

Cependant, elle s’est vu refuser le FDIJ (Fonds Départemental pour l’Initiative des Jeunes), qui n’accepte pas de projet issu du domaine du prêt-à-porter.

Dès la création de son entreprise, Mme TRAON a pu rapidement vendre ses articles à une clientèle constituée pour l’essentiel de connaissances. Mais elle s’est heurtée à de nombreuses difficultés. En effet, ne fabriquant pas suffisamment d’articles, elle a sollicité l’aide de son compagnon pour confectionner des vêtements. Mais ceci est provisoire et elle envisage l’embauche d’une aide à mi-temps.

Son fonds de roulement est cependant insuffisant pour qu’elle se sente complètement autonome et pour qu’elle puisse répondre à des commandes en série. Elle envisage donc de solliciter à nouveau un prêt à l’ADIE, pour l’achat d’un stock de tissus.

Son souhait est de posséder un atelier et de pouvoir faire des ventes "portes ouvertes" ou de travailler avec un distributeur, au lieu d’écouler sa marchandise sur les marchés.

Bien entendu, maintenant l’exonération de charges sociales attribuées avec l’ACCRE a pris fin et Mme TRAON éprouve certaines difficultés financières, du fait d’un chiffre d’affaires insuffisant (10.000FF/mois hors taxes). D’après Mme TRAON, son entreprise est née grâce à l’ADIE, qui l’a largement soutenue. Ceci lui a permis de retrouver une certaine dignité et l’espoir qu’elle avait perdu.

Bien qu’ayant obtenu une subvention auprès des pouvoirs publics, l’ANPE ne lui a été d’aucun soutien moral dans la création de son entreprise.

Mots-clés

structure d’appui, institution financière, financement, création d’entreprise, projet de développement, artisan, association, banque


, France

Commentaire

Mme TRAON est, parmi les personnes que nous avons rencontrées, une de celles qui a connu le plus de difficultés personnelles avant de créer son entreprise. C’est certainement pour cela qu’elle a été très sensible au soutien moral dont elle a pu bénéficier de la part de l’ADIE. Les réunions organisées par l’ADIE sont particulièrement appréciées par les créateurs ayant rencontré de graves problèmes (moraux, psychologiques...)Par contre, les personnes soutenues par leurs familles et amis, n’ayant pas connu des problèmes d’ordre psychologiques, portent un jugement critique sur ces réunions et les considèrent comme des "rencontres de chiffonniers". En effet, ces réunions rassemblent des créateurs dans les domaines les plus variés, avec une prédominance pour le commerce ambulant de vêtements. Ainsi, les personnes cherchant un soutien moral à travers ces réunions sont en général satisfaites, ce qui n’est pas le cas pour celles qui cherchent un appui technique, ou du moins plus "professionnel".

Notes

Entretien avec Madame TRAON, 19 avril 1993, Paris.

Source

Entretien

BERTRAND,Valérie; FAUVINET, Claire, CEDAL FRANCE=CENTRE D'ETUDE DU DEVELOPPEMENT EN AMERIQUE LATINE

CEDAL FRANCE (Centre d’Etude du Développement en Amérique Latine) - France - cedal (@) globenet.org

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