En quelques années,les prix de vente du bétail ont été divisé par deux ou par trois dans le Sahel. Un boeuf, vendu il y a quelques années entre 125.000 et 200.000 FCFA, se vend difficilement aujourd’hui 50.000 FCFA. La dégradation de la situation des éleveurs leur fait renoncer aux dépenses de santé et de scolarisation, dans le but d’éviter de toucher à leur capital en animaux. Les régions sahéliennes qui étaient, pour des raisons de tradition , de nomadisme et de manque d’infrastructures, les régions les plus faiblement scolarisées, voient leur situation dans ce domaine se dégrader.
Cette situation difficile s’explique en partie par l’arrivée dans les ports d’Afrique de l’Ouest de viandes subventionnées de la CEE. Jusque dans les années 70, un équilibre s’était établit entre les pays exportateurs de viande (zone soudano-sahélienne)et les pays importateurs (zone côtière). Malheureusement cet équilibre s’est rompu, et on recourt de plus en plus aux importations en provenance de la CEE. Ainsi, pour la Côte d’Ivoire, les importations de viande extra-africaines sont passées de 10% de la consommation à 43% en 1988 pour s’arrêter à 32% en 1990.
Le prix très bas de cette viande congelée provenant des surplus communautaires européens, est un argument décisif, malgré la différence de qualité. Dans les pays importateurs de la sous-région, (Nigéria, Togo, etc.)la viande européenne se vend de 300 à 400 FCFA le kilo et la viande burkinabé de 700 à 800 FCFA. Aussi le Burkina a-t-il perdu beaucoup de clients et donc beaucoup de devises. En 1984, la valeur des exportations de viande du Burkina avait atteint 8 milliards de francs CFA contre 1,5 milliard en 1990. En 1970, la part du secteur élevage dans le PIB s’élevait à 20% . Aujourd’hui elle tourne autour de 12% .
En réaction à ce qu’on dénonce comme une concurrence déloyale, la Commission européenne a réduit de 2 FF/kg ses subventions sur les viandes destinées à l’Afrique de l’Ouest. Mais celles-ci restent subventionnées à 70%! Face à cette concurence qui reste plus que déloyale, l’Office national du commerce extérieur burkinabé axe ses efforts sur la diversification de la clientèle. Il s’intéresse à des pays qui, comme le Sénégal, limitent ou interdisent l’importation de viandes européennes ainsi qu’aux pays musulmans. Une partie des consommateurs d’Algérie, d’Iran et même d’Arabie Saoudite ont les moyens de préférer une viande de qualité, comme celle du zébu sahélien, à une viande de basse qualité, bradée par l’Europe.
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, Burkina Faso, Sahel
C’est ce genre d’information et d’analyse qu’il faut faire circuler dans l’opinion publique pour alimenter le débat sur l’agriculture européenne et sur l’aide au tiers monde. Certains de bonne foi, d’autres avec un cynisme à toute épreuve, justifient les subventions agricoles européennes qui contribuent, disent-ils, à lutter contre la faim dans le monde! Lorsqu’on lui présente des données aussi simples et aussi concrètes que celles de cet article, n’importe quel agriculteur français peut se mettre dans la peau d’un éleveur burkinabé. Il suffit de lui rappeler ses colères contre les agneaux surgelés de Nouvelle-Zélande ou contre les tomates du Maroc ou les vaches polonaises, importées en France à un prix largemment inférieur au coût de revient français.
Articles et dossiers
KERE, Lucie, SYFIA in. BULLETIN DE PRESSE DU SYFIA, 1993/10 (France), 57
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