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Naissance et travail de la FUGN (Fédération des Unions des Groupements Naam) au Burkina Faso (1988-1993)

Le point de vue d’un cadre burkinabé qui y a travaillé 5 ans

Etienne TOE, Christophe VADON

11 / 2001

Etienne Toe, ancien cadre de la FUGN et délégué de l’ONG Eau-Vive au Mali explique ceci : "Il n’y a pas de villages sans tons, il n’y a pas de communauté villageoise où on ne rencontre pas les tons. Les " tons " (groupement des jeunes d’une même classe d’âge en langue bambara) c’est la vieille organisation traditionnelle en Afrique de l’Ouest. Chez toutes les ethnies, il y a cette organisation qui sort de la nuit des temps. Dans le nord-ouest du Burkina Faso, au Yatenga, les tons sont appelés Naam : les Naam c’est les tons des jeunes.

Les " groupements Naam " vont venir dans les années 66 avec Bernard Lédéa Ouedraogo. Il apporte ce message au niveau des Naam : "Nous allons fonder les mêmes Naam mais en ajoutant cette fois-ci les "groupements", ce ne sont plus les "coumbi" (les jeunes seulement), ce sont les "Groupements Naam". La mentalité traditionnelle doit évoluer vers des formes améliorées. Voilà pourquoi quand le ton est purement traditionnel, il faut justement essayer de former, sensibiliser pour aboutir à la forme coopérative, forme de groupement. D’où l’association du nouveau au traditionnel. C’est cela que signifie "Groupements Naam".

Ceux-ci se forment dans les villages. Les paysans mettent en place une organisation, un bureau qui sont des structures modernes avec un président, des commissaires aux comptes, un trésorier, etc. Dans un groupement, on peut aller de 50 personnes à 200 personnes. Quand il y a plusieurs groupements Naam dans le village, on fait une coordination et on fait un bureau de coordination. Au niveau d’un département, ça va être l’Union. L’ensemble des Unions au niveau du pays vont créer la Fédération des Unions des Groupements Naam (FUGN)dont le siège est à Ouahigouya. Et ils vont faire une organisation au niveau du siège, créer des cellules techniques : cellule pour les travaux de céréales, cellule pour l’hydraulique, cellule pour l’agroforesterie, cellule pour la comptabilité, cellule pour le maraîchage, cellule pour les activités féminines, cellule pour l’artisanat. Et, au niveau de ces cellules, on fait appel à des compétences locales (des paysans qui ont une certaine expérience) à des compétences modernes qui sont issues des écoles modernes. Et ces gens-là vont s’associer pour aider les groupements à la base, les Naam.

Ils vont se forger des principes. D’abord la philosophie : "développer sans abîmer". Sans abîmer quoi ? Les identités culturelles, les identités. Et puis une méthode : "partir du paysan", de ce que le paysan est, de ce qu’il veut, de ce qu’il sait et sait faire ; donc de sa technologie. De son identité, de ce qu’il veut, de l’aspiration que le paysan a. Donc partir de l’initiative de la communauté villageoise et du paysan à la base et de la responsabilisation de la communauté et de l’individu. C’est ainsi qu’ils vont, avec cette solidarité, mener des activités dans tous les domaines du développement rural, en passant par la lutte anti-érosive, la lutte contre la désertification. Lédéa Bernard Ouedraogo disait ceci : "Ecoutez, il faut partir de nous. On va partir du monde africain traditionnel et on va essayer de découvrir dans ce monde des valeurs. Il faut donc identifier nos valeurs . Puis voir qu’est-ce qui peut marcher avec les nouveaux changements ? Et on va prendre des valeurs positives du monde moderne, du monde occidental et on va essayer de former une autre société. "

Cela va être une société hybride où chacun va se compléter. Par exemple, l’écriture c’est bien, c’est une très bonne valeur. Aujourd’hui ça permet de communiquer. Autre exemple, la gestion à long terme, au lieu de gérer au jour le jour car la gestion traditionnelle ne s’adapte plus à la situation aujourd’hui. Et ce qui est bien et qui n’est pas bien mais dont on a besoin obligatoirement c’est l’argent. L’argent c’est une valeur. Et cette valeur, peut être une mauvaise ou une bonne valeur. Donc, cherchons cette bonne valeur en Occident : les machines dont on a besoin pour être plus efficaces. Il faut aller chercher l’ordinateur ; ça aide à travailler. Et maintenant, il y a des valeurs en Afrique traditionnelle qu’il faut prendre. Une valeur, c’est quoi ? C’est la solidarité par exemple."

Mots-clés

organisation paysanne, tradition et modernité


, Burkina Faso, Ouahigouya

Commentaire

Quels sont l’histoire et la philosophie de la FUGN (Fédération des Unions de Groupements Naam) C’est ce qu’explique ici notre interlocuteur empreint de l’idée de métissage entre la culture traditionnelle et les opportunités qu’offre l’Occident et ses apports.

Notes

Etienne Toe nous fait connaître les rouages et l’évolution de la "mise en place" du développement de deux régions au Sahel. De l’Afrique traditionnelle aux contraintes géographiques et historiques, 4 fiches présentent ce cheminement.

Entretien avec TOE, Etienne réalisé en mai 2000 à Bamako (Mali).

Source

Entretien

VADON, Christophe ; GUERIN, Jérémie

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