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Guerre et drogue au Libéria

11 / 1993

Le Libéria est entré dans une situation de guerre civile depuis la fin de l’année 1989, lorsque Charles Taylor à la tête du Front national patriotique du Libéria (FNPL)a dirigé la rébellion contre la dictature du général Samuel Doe et l’Armée national du Libéria (AFL). Prince Johnson, un des lieutenants de Charles Taylor, n’a pas tardé à entrer en dissidence pour créer le Front national patriotique indépendant du Libéria (FNPIL)qui a ensuite pratiquement disparu de la scène. Le Mouvement de libération uni pour la démocratie au Libéria (ULIMO)constituait enfin la troisième composante politico-militaire qui est devenue le principal adversaire de Charles Taylor. L’ECOMOG, la force d’interposition de 16 pays d’Afrique de l’Ouest, sous contrôle nigérian, a tenté, depuis son intervention le 24 août l990, de ramener la paix. En avril l992, le gouvernement intérimaire d’Amos Sawyer, le FNPL et l’ULIMO manifestaient leur volonté d’arrêter les combats. La CEDAO, lors de son sommet de Dakar en juillet 1992, a sommé Charles Taylor de désarmer ses miliciens et comme ce dernier n’a pas obtempéré, l’ECOMOG a retiré les forces d’interposition des territoires contrôlés par le FNPL. Le conflit s’est rallumé entre l’ECOMOG,soutenu par l’ULIMO ET LE FNPL le 15 octobre l992. Après un éphémère cessez le feu, l’ECOMOG renforcé par un contingent de 5 000 soldats, a infligé un revers décisif à Charles Taylor privé de carburant et de munition à la suite des sanctions internationales prises contre lui. Il a en particulier perdu le contrôle de l’aéroport international Roberts, de la plantations de caoutchouc Firestone et du port de Buchanan.

Le rôle de la production et du trafic des drogues n’ont cessé de se développer durant tout ce conflit. Charles Taylor, pour financer la guerre menée par le FNPL, s’est d’abord livré au trafic d’or dans le comté de Lofa, frontalier de la Sierra Leone. Lorsqu’il en a été délogé par l’ULIMO, à la suite de l’échec de l’invasion du pays voisin, en l991, il a dû chercher des financements alternatifs et s’est tourné vers le trafic de drogue. Pour cela il a utilisé le port de Buchanan, au sud de Monrovia, plaque tournante de tous les trafics, qu’il a contrôlé de l990 à 1992. Il opérait également le port de San Pedro, à une centaine de kilomètres à l’intérieur du territoire de la Côte d’Ivoire. Ses partenaires étaient des commerçants contrebandiers grecs et libanais. Des cargos débarquaient des armes et embarquaient du bois précieux et des containers, dans lesquels, selon "radio trottoire" avaient été dissimulées d’importantes quantité de cannabis. Ces dernières provenaient de régions productrices sous contrôle du FNPL, qui s’étendent du Mont Nimba, à la frontière guinéenne, juqu’au cente du pays. Des journalistes ont déclaré avoir observé de grands champs dans des zônes marécageuses qui étaient avant la guerre consacrées à la culture du riz. Depuis sa participation à l’offensive contre les rebelles de la Sierra Leone soutenus par Charles Taylor, l’ULIMO contrôle également les plantations qui s’étendent le long de la frontière entre les deux pays. Mais les mêmes journalistes ont pu également constater que les forces de l’ECOMOG, en particulier les Nigerians et les Guinéens, ont mis à profit le port franc de Monrovia et leur collaboration avec des commerçants libanais et pakistanais, qui sont revenus en l991, après avoir fui le pays au début de la guerre civile, pour accorder une protection à la contrebande de toute sorte de marchandises débarquées et embarquées. Ce trafic de marchandises ne pourrait à lui seul expliquer les fortunes rapides que l’on observe à Monrovia et il est probable que la drogue prend le même chemin. Il existe également un important trafic aérien entre le Nigeria et le Liberia. L’aéroport international Roberts étant inutilisable, les avions empruntent celui de Spring Spain au centre ville. Selon les témoignagnes de journalistes, à chaque atterrissage l’aéroport est évacué de son personnel civile et protégé par un double cordon de militaires. Aucun contrôle des agences de lutte anti-drogue internationales n’étant possible, il est vraisemblable que les militaires nigérians qui participent activement au trafic dans leur pays, aient décidé de transformer le Libéria en plaque-tournante. Il est par ailleurs reconnu qu’un séjour au Libéria, en dépit des risques encourus, est très recherché par les officiers.

Mots-clés

drogue, trafic de drogue, guérilla, cannabis, trafic d’armes


, Libéria

Commentaire

La guerre au Libéria est un exemple supplémentaire de phénomènes qui avaient pu être étudiés au sein d’autres conflits, en particulier en Afghanistan et au Liban. La drogue après avoir été un des nerfs de la guerre en devient progressivement l’enjeu. Depuis la fin de l’antagonisme des blocs, en l’absence de soutien de la part des puissants protecteurs de l’Est et de l’Ouest de hier, les belligérants des conflits locaux sont plus que jamais à la recherche de sources de financement alternatif. Il n’est guère de conflits dans les années quatre-vingt-dix où la drogue ne soit désormais présente : Azerbaidjan, Tadjikistan, ex-Yougoslavie, Somalie, etc.

Notes

Nature = enquête

Source

Autre

KARIM FALL, Jean, OGD=OBSERVATOIRE GEOPOLITIQUE DES DROGUES

OGD (Observatoire Géopolitique des Drogues) - France

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