06 / 2001
Le CEDAPA (Centre d’Étude pour un Développement Agricole Plus Autonome) a été fondé en 1982, par André Pochon, dans un contexte d’industrialisation forcée de l’agriculture qui soulevait encore peu de questions. Le développement spectaculaire de l’agriculture-élevage en Bretagne, dans les années 55 à 70 avait été un grand succès apportant une efficience économique maximale et une nette amélioration de la qualité de vie des agriculteurs, tout en préservant les paysages et la qualité des sols. André Pochon, une des chevilles ouvrières de la première vague de modernisation et, au début au moins, fervent adhérent des innovations qui suivirent, fut amené à faire des constats préoccupants : si, auparavant, les agriculteurs avaient appris à produire plus en travaillant moins, ils étaient maintenant de plus en plus assujettis à un travail acharné et monotone. Certes, ils produisaient encore plus, mais les dépenses augmentaient de façon telle qu’en fin de compte ils gagnaient moins. Certains s’agrandissaient, beaucoup d’autres abdiquaient. La culture intensive du maïs hybride avait des conséquences inquiétantes : érosion des sols due aux terres nues en hiver et au printemps, lessivage des nitrates en automne, pollution par l’atrazine... L’intensification des élevages industriels avec les porcheries et les poulaillers ainsi que le système d’ensilage maïs-fourrage pour les bovins obligeait à épandre des déjections à des doses dépassant de loin les besoins des plantes, avec des conséquences néfastes pour la qualité des sols et des eaux. La course effrénée à la production entamée dans les années 70 ne risquait-elle pas de basculer dans la démesure ?
Des réponses sociales, éthiques, écologiques et économiques
André Pochon décida de tirer les conséquences de ses observations et, avec lui, un nombre croissant de fermes. Il créa le CEDAPA, un institut de recherche-action qui bientôt attirait l’attention de nombreux acteurs.
Aujourd’hui, le CEDAPA fait partie de la FRCIVAM (Fédération Régionale des Centres d’Initiatives pour Valoriser l’Agriculture et le Milieu rural) et du Réseau Agriculture Durable (RAD) ; il est membre du Collectif Eau Pure de la région de Saint-Brieuc et du groupe Cohérence (une coalition qui regroupe paysans, consommateurs et écologistes). Son action en faveur de la promotion d’une agriculture durable est reconnue non seulement par des ONG soucieuses de la préservation de l’environnement et des emplois, mais aussi par différents syndicats d’eau dont le Syndicat Mixte du Barrage du Gouët, responsable de la qualité des eaux, le Conseil Général des Côtes d’Armor et l’INRA.
Le CEDAPA rassemble plus de 400 agricultrices et agriculteurs costarmoricains qui s’efforcent de pratiquer une agriculture durable. Ils cherchent à mettre sur le marché des produits alimentaires de qualité en valorisant au mieux les ressources disponibles chez eux, à commencer par l’herbe. L’idée est de nourrir le troupeau à partir d’une alimentation produite sur l’exploitation. Ils privilégient le pâturage de prairies à base de trèfle blanc pour ce qui concerne l’élevage des ruminants. Rejetant la productivité à outrance, ils préfèrent développer des systèmes à taille humaine et à forte valeur ajoutée. Très attachés à l’idée d’une production agricole liée au sol, ils ont la satisfaction de rester autonomes et maîtres de leur développement.
Le CEDAPA accompagne des agriculteurs qui reconvertissent leur système de production au travers des Contrats Territoriaux d’Exploitation (CTE). A noter que les CTE définis par l’institut pour le département doivent correspondre à des normes particulièrement strictes en matière de respect de l’environnement. Il a fallu l’intervention énergique du préfet des Côtes d’Armor pour les défendre contre les propositions des agriculteurs conventionnels.
Parmi les obligations définies dans le cahier des charges du CEDAPA :
un système fourrager basé sur l’herbe,
pas d’azote minéral sur prairie, maïs, betteraves (quantité limitée sur les autres cultures),
lien au sol (un maximum de 140 unités d’azote organique produites sur l’exploitation et importées par hectare),
restriction de l’emploi des pesticides (insecticides et régulateurs de croissance interdits sur céréales,
maintien et reconstitution du bocage encouragé.
120 agriculteurs respectent déjà ce cahier des charges et reçoivent une contrepartie financière de 1200 F / ha de surface agricole utile (SAU).
Après environ 20 ans d’expérience, les membres du réseau témoignent clairement qu’il est possible de réussir en pratiquant une agriculture durable, c’est-à-dire économe, respectueuse des sols et du paysage, créatrice de valeur ajoutée et d’emplois, transmissible aux générations futures.
La viabilité économique des systèmes herbagés
Un programme de recherche-action intitulé Systèmes Terre et Eau : mené avec l’Institut National de la Recherche Agronomique (INRA) et le Conseil général des Côtes d’Armor, ce programme visait à expertiser un réseau d’une vingtaine d’exploitations (production de lait et de viande bovine ou ovine) engagées dans une évolution vers des systèmes herbagers et économes, se voulant respectueux de l’environnement et, en particulier, garants de la qualité des eaux. Ce programme s’est déroulé de 93 à 97 et les conclusions ont été rendues publiques lors d’un colloque en avril 1999 (actes disponibles au CEDAPA). " Le Programme Systèmes Terre et Eau a montré que les systèmes herbagers tiennent la route ". C’est Claude Béranger, le responsable du centre INRA de Paris qui l’a souligné à plusieurs reprises.
Du côté de la viabilité, les systèmes à dominante herbagère et à faible usage d’intrants n’ont rien à envier aux systèmes conventionnels. La réduction très forte des coûts alimentaires de l’atelier laitier et des charges opérationnelles sur la surface fourragère a été plus marquée que la diminution du produit qui en a résulté. Le programme Systèmes Terre et Eau a permis de mettre en évidence le maintien de l’efficacité économique (revenu et excédent brut d’exploitation en pourcentage du produit brut) lors de l’évolution. L’exploitation laitière la plus concurrentielle (celle qui dégage la plus forte marge permettant de rémunérer les capitaux et le travail) est bien la petite exploitation herbagère... "Il n’y pas d’anachronisme là-dedans, affirme André Pochon, mais du bon sens : la vache fait toute seule (manger, épandre) ce que la grosse exploitation dite moderne s’évertue à faire à sa place (mais moins bien) à grand renfort de matériel, de fioul et de labeur."
Côté environnement, l’intérêt de ces systèmes tient au faible usage de pesticides sur la surface en herbe, ce qui induit une très faible charge à l’hectare de surface totale. Ramenée à la surface agricole, la charge en pesticides sur le réseau des exploitations a été d’environ dix fois inférieure (en 1996 et en 1997) à celle qui a été observée sur la surface du bassin du Pouliou correspondant à des systèmes de production conventionnels à base de maïs et de céréales (45 pour cent de la SAU).
Aujourd’hui, le CEDAPA continue d’étudier les fermes suivies dans le cadre de ce programme (réseau en production laitière, ovine et bovine).
Un programme de recherche sur la valorisation du lait a démarré cette année : système d’alimentation et qualité technologique, sensorielle et sanitaire des fromages et du beurre. Les partenaires sont l’INRA, le Conseil Général et un industriel fromager. L’objectif de cette étude est de rechercher si le lait produit à l’herbe est meilleur qu’un lait basique et d’obtenir une plus-value sur le litre de lait.
agriculture et environnement, eau, qualité de l’eau, sol, développement rural, protection de l’environnement
, France
Villes et développement durable : des expériences à échanger
Contact : CEDAPA, 2 avenue du Chalutier sans Pitié, BP. 332, 22193 Plerin Cedex, France - Tél. 02 96 74 75 50 - CEDAPA@wanadoo.fr
Sources supplémentaires : documentation du CEDAPA, André Pochon : Les champs du possible, La découverte et Syros, 1998.
Livre
POCHON, André, Les champs du possible, La Découverte, Syros, 1998
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