Conseils pour aider les femmes au sein de groupements souvent mixtes (AREN)
Alima TCHAOUSS, Benoît LECOMTE
2002
Mme Alima Tchaouss, membre du comité directeur de l’AREN (Association pour la Redynamisation de l’Elevage au Niger), dit ceci : " Les travaux effectués par les femmes constituent un frein à leur épanouissement. Ils empêchent les femmes de s’adonner à d’autres activités. C’est ce qui fait que le taux de scolarisation de la jeune fille est très bas au Niger par rapport aux pays voisins.
Très souvent, lorsque les fillettes vont à l’école, à partir de dix ou douze ans les mamans font tout pour qu’elles restent à la maison pour les aider à travailler. Donc, c’est surtout de ce côté-là qu’il faut aider les femmes parce que tant que ces travaux-là ne sont pas soulagés, elles ne peuvent pas s’adonner à d’autres activités. Elles ne veulent pas laisser leurs filles aller à l’école parce que ce sont des femmes, elles s’occupent des enfants, elles font tout. Ce sont plus les filles que les mamans retiennent à la maison par rapport aux garçons. A l’âge de dix ans, tu vois toujours les petits garçons en train de jouer alors que la fille est à la maison en train d’aider sa maman à cuisiner ou à garder le bébé.
Ce qui freine un peu nos actions, ce sont les traditions et très souvent, il y a l’autorité maritale qui empêche les femmes de sortir ou de s’adonner aux activités génératrices de revenus. Ce sont les femmes qui sont le plus souvent à la maison. Pour travailler avec des femmes rurales, la première des choses c’est de s’adresser au chef du village, c’est très important ; lui donner les grandes lignes pour qu’il puisse faire une sensibilisation avant que vous n’arriviez sur le terrain. Parce que le chef du village, il peut être en contact direct avec le chef de famille pour parler un peu de ça aux hommes et après, vous pouvez rencontrer les femmes pour discuter. Sinon, les hommes les démotivent, ce sont eux les patrons du village et pour que toute nouvelle chose qui arrive, ils doivent être au courant avant les femmes. Je crois que c’est la chose la plus importante.
Très souvent, dans les interventions, on se dit : c’est une action pour les femmes, là il faut aller voir les femmes. Mais jusqu’à preuve du contraire, la femme plie toujours sous la domination de l’homme. On ne peut pas faire une action, un pas pour les femmes et que cela réussisse à 100 pour cent sans intégrer les hommes. Ce n’est pas possible.
Très souvent, pour qu’une sensibilisation ou une action passe vers la population, il faut partir sur la base de l’Islam. Il faut vraiment arriver à donner des exemples concrets dans la religion ou à se référer à certains textes du Coran. Là, on peut toucher directement la population qui est tout de suite d’accord. Mais quand il faut partir et parler au hasard, quelle que soit l’importance de l’action, on va se dire que ce sont des choses de Blancs, que ce sont des femmes ou des hommes qui se disent qu’ils ont été à l’école des Blancs et qui viennent ici avec des idées de blancs pour nous parler.
Au niveau de l’AREN, notre force c’est qu’on a beaucoup de groupements mixtes et les groupements mixtes dans un village, cela veut dire beaucoup de choses parce que tout le monde est parent de l’autre. Dans un groupement mixte, on peut trouver en même temps la femme et son mari, et dans ce cas-là, la sensibilisation est plus facile.
Je me souviens de l’assemblée générale de l’AREN où nous avions eu à faire des séances de sensibilisation sur le SIDA et sur les pratiques traditionnelles néfastes : c’était une sensibilisation destinée aux femmes mais il y a eu beaucoup d’hommes qui sont venus écouter. C’est vrai qu’on a, dans certains endroits, des groupements masculins et on a aussi des groupements typiquement féminins mais la plupart de nos groupements sont mixtes et l’AREN compte 325 groupements. Le genre est pris en compte et au niveau du Comité Directeur, il y a beaucoup de femmes, même au niveau du Secrétariat Exécutif.
Je crois que c’est plus facile dans un milieu peul. La majorité des membres de l’AREN sont des peuls, ce qui est normal puisque les Peuls sont des éleveurs et nous sommes une association d’éleveurs. Mais il y a beaucoup de brassages entre les ethnies et avec la manière dont nous faisons les mariages actuellement, on n’a pas de problèmes ethniques. C’est vrai que dans certaines régions il y a beaucoup de Peuls et d’autres où c’est typiquement des Haoussas, mais dans tous les villages, peuls ou haoussas, tu trouves des Zarmas. Ou dans un village zarma, tu vas trouver un Peul. Un homme, quand il a quatre femmes, il a toujours une femme haoussa même quand il est Zarma ! On a beaucoup de brassages. Culturellement on est de l’ethnie de son père. Par exemple, moi je suis zarma par mon père mais en me voyant, on sait que je suis peule... Ma mère est peule. "
genre, élevage, ethnie, pluralisme culturel, formation permanente, organisation paysanne
, Niger, Niamey
L’aide apportée aux femmes est importante pour soulager leur charge de travail domestique et ainsi leur permettre de développer d’autres activités. Mais la sensibilisation doit aussi passer par les hommes car le poids des traditions ne donne pas aux femmes de pouvoir de décision.
Voir les fiches extraites du même interview mené par Benoît Lecomte à Niamey en 2001.
Entretien avec TCHAOUSS Alima, réalisé à Niamey en 2001.
Entretien
LECOMTE Benoît ; LUCAIN Mathilde
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