Il reste des freins malgré le vote des quota
Alima TCHAOUSS, Benoît LECOMTE
2002
Mme Alima Tchaouss, membre du comité directeur de l’AREN (Association pour la Redynamisation de l’Elevage au Niger), parle du mouvement féminin au Niger : " Au moment de l’indépendance (1960), il y avait des organisations qu’on appelait Samaria au Niger, les femmes y faisaient des activités collectives, au niveau des communautés rurales. Les Samaria étaient mixtes. Les femmes et les hommes qui travaillaient ensemble. Mais les femmes n’avaient pas le pouvoir de décision au niveau de la Samaria. Les hommes décidaient de tout et pour certains petits travaux on faisait appel aux femmes. Pour des travaux n’ayant pas une très grande importance, pour balayer par exemple. Ou bien quand les hommes cultivaient aux champs collectifs, on appelait les femmes pour amener à manger aux hommes. Et quand il s’agissait de faire les activités vraiment créatrices, on appellait les femmes pour danser au tam-tam. Le rôle des femmes se limitait à cela.
En 1979, il y a eu la création au niveau du Ministère de la Santé, de la Direction de la Condition Féminine. C’est à ce moment-là que les femmes ont commencé à se rassembler dans les groupements féminins et au niveau national l’AFN (Association des Femmes du Niger) a travaillé avec les femmes rurales en leur apportant de nouvelles technologies (les moulins à grains, les décortiqueuses) pour alléger leurs tâches domestiques. L’AFN a eu aussi à faire pas mal de foyers féminins : les jeunes filles et les femmes apprenaient des métiers générateurs de revenus, comme la couture, le tricot, la broderie ou la cuisine pour celles qui voulaient faire de la restauration.
L’AFN était soutenue par l’Etat, elle existe toujours et ne travaille pas particulièrement avec les femmes rurales. Au sein même de l’AFN, il y a des citadines comme il y a des rurales. Aujourd’hui elle est un peu plus indépendante. Elle donne des crédits aux femmes au niveau des villages pour les activités génératrices de revenus et elle continue à leur apporter les moulins pour soulager leurs tâches quotidiennes. L’AFN a un peu partout des foyers féminins qui sont des centres d’apprentissage et de promotion féminine, où les femmes de tout âge, qu’elles soient lettrées ou illettrées, viennent pour se former. Il arrive même que le Ministère de la Promotion de la Femme envoie des agents pour l’encadrement des femmes. Très souvent, ce sont des compétences internes que l’association n’a pas.
Tout juste après la Conférence Nationale, il y a eu aussi l’émergence d’autres ONG et associations comme le RDFN (Rassemblement Démocratique des Femmes du Niger) et comme le COLUPRAT, comité qui lutte contre les pratiques traditionnelles néfastes comme l’excision, par exemple.
A la Conférence Nationale, comme il y a des temps de paroles pour les associations, beaucoup de femmes ont pu vraiment s’exprimer. C’est juste après cette conférence qu’il y a eu l’émergence des associations féminines, des ONG et de beaucoup de groupements féminins au niveau du Niger. Les femmes ont commencé à prendre vraiment conscience de leur rôle et de leur poids dans la société. Et, beaucoup ont adhéré dans des organisations.
Aujourd’hui, un peu partout dans les arrondissements, il y a des services de la promotion de la femme où se trouvent des animatrices qui organisent les femmes en groupements et qui les encadrent. Le rôle des animatrices de l’Etat est d’organiser, de former et de canaliser les activités des femmes. Elles jouent l’intermédiaire entre les femmes et les ONG, les partenaires au développement.
En 2000 une loi qui a été votée à l’Assemblée Nationale : la loi du quota qui donne une place minimale aux femmes dans les grandes fonctions de l’Etat.
Les femmes ont réussi à faire adopter cette loi à l’Assemblée Nationale. Mais jusqu’à preuve du contraire, les femmes sont réticentes, même quand on leur propose des postes, souvent elles ne veulent pas, elles ne sont pas vraiment prêtes à prendre leurs responsabilités et à assumer. Très souvent, on se dit que ce sont les maris parce que l’homme ne va pas hésiter à te dire que c’est soit le poste soit ton mariage. C’est frustrant pour l’homme qui est chef de famille, qui a le pouvoir de décision interne, qui n’a jamais été nommé ministre, qu’on propose à sa femme un poste ministériel. La répudiation étant permise chez nous, la polygamie aussi, la femme, quand elle fait la part des choses, n’hésitera pas à choisir son ménage pour pouvoir rester avec ses enfants. Parce qu’en cas de divorce, chez nous, on dit que les enfants reviennent d’office au mari. Donc pour une femme d’un certain âge, après de nombreuses années de mariage, avec beaucoup d’enfants souvent, quatre, sept ou huit, quitter ses enfants à cause d’une fonction, c’est un peu difficile ; surtout que cette fonction ne peut durer que deux mois. Alors il n’y a pas à hésiter, c’est le ménage qu’il faut choisir. Donc, cela constitue encore un frein. "
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, Niger, Niamey
L’évolution des organisations féminines démarre avec les associations mixtes, au sein desquelles les femmes ont peu de pouvoir et se développe grâce aux associations féminines qui gagnent du terrain et obtiennent une législation en faveur des femmes.
Voir les fiches extraites du même interview mené par Benoît Lecomte en 2001.
Entretien avec TCHAOUSS Alima, réalisé à Niamey en 2001.
Entretien
LECOMTE Benoît ; LUCAIN Mathilde
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