Dph : Réflexion et action au service d’un territoire
Sonia BEN MESSAOUD, Vladimir UGARTE
03 / 2003
Ancienne colonie française et Département d’Outre-Mer depuis 1946, l’île de la Réunion connaît un accroissement démographique rapide depuis les années 1960. Exode rural, extension de quartiers insalubres, amplification du chômage, destruction des paysages ont conduit l’Etat français et les élus locaux, dans les années 70, à mettre en place des politiques de développement économique et social. Mais malgré ces interventions, l’habitat continue à se développer de façon anarchique : il devient bientôt évident qu’il faut penser l’aménagement du territoire de façon globale et non cloisonnée.
A partir de 1994, des sessions de formation et des échanges entre acteurs des "Hauts" (zone de montagne) et des "Bas" (zone littorale) sont favorisés grâce aux crédits publics. Pour renforcer cette stratégie, un centre documentaire sur la ville et l’aménagement du territoire est créé en 1995, puis en 1998 est lancée la revue AKOZ, "les cahiers réunionnais des acteurs du développement", pour capitaliser les réflexions de ces acteurs. Les idées et les analyses foisonnent mais ne parviennent pas à déboucher sur un projet de développement cohérent.
Le réseau Dph intervient à partir de cette époque. Son objectif sera de faciliter cette réflexion collective et de mettre en cohérence les approches nouvellement inventées à travers une meilleure formulation et une meilleure circulation des expériences locales. C’est en 1998 qu’un premier contact est établi entre la FPH et l’île de la Réunion. Au sein de la Délégation interministérielle et régionale de la Ville (DIV), Catherine Foret anime un programme de formation à l’échange d’expériences destiné à des chefs de projets et des agents du développement local. Ces derniers se réunissent tous les trois ans pour capitaliser leurs expériences mais, malgré une volonté d’agir en commun, l’absence d’une méthodologie se fait ressentir.
En mai 1998, la DIV organise les "Rencontres Ville Réunion", conférence au cours de laquelle Pierre Calame, directeur de la FPH, intervient sur le thème des échelles de la gouvernance, l’articulation du local et du global. En octobre 1998, une première session de formation de 5 jours, animée par Vladimir Ugarte et Dasa Radovic de la FPH, permet aux acteurs de faire connaissance avec la méthode Dph : définition des objectifs, sélection d’expériences en fonction des objectifs, entretiens croisés, rédaction de fiches, déduction des idées force, analyse, réécriture des fiches, identification des thèmes, etc. Le noyau constitué est composé d’une vingtaine de représentants d’associations d’éducation populaire mais aussi d’institutions publiques. Cette session conduit également les participants à réfléchir à la constitution d’un réseau local d’échanges d’expériences en fonction des grands défis à relever dans les domaines du développement urbain et rural. Sur le plan technique, le logiciel Dph est installé au Centre de Ressources politiques de la ville/Aménagement des Hauts et 5 personnes sont formées pendant deux jours à l’utilisation de ce logiciel.
A partir de 1999, le groupe informel constitué décide d’avancer dans cette stratégie en dehors de tout soutien ou financement officiel. Poursuivre la mise au point des fiches élaborées pendant la formation d’octobre 98, en produire de nouvelles, parvenir à créer une banque locale des expériences de développement et préciser peu à peu les conditions de fonctionnement et de structuration d’un réseau sont les objectifs qu’il se fixe. Ces agents de développement se réunissent tous les 2 mois, avec l’accord tacite de leur institution, mais sans protocole d’accord écrit. L’envoi des invitations et des comptes-rendus est assuré à tour de rôle par chacun, sur des sites à chaque fois différents. Afin d’élargir progressivement le réseau d’acteurs impliqués dans la démarche, une deuxième session de formation est organisée en mai 1999 par deux membres du groupe initial. Elle permet de former 10 personnes supplémentaires.
Mais produire "un projet réunionnais de développement" est un objectif très ambitieux pour des bénévoles. Malgré cela, le groupe réussit à porter le projet jusqu’aux institutions, afin que la qualification mutuelle soit reconnue au même titre que des formations plus classiques. L’organisme de formation IRTS (Institut Régional de formation des Travailleurs Sociaux) sollicite des financements publics pour produire une cinquantaine de fiches.
Le réseau local se structure et passe donc à la deuxième étape : relier ses expériences avec celles des autres îles de l’Océan Indien. L’atelier Grand Ilet, organisé en novembre 1999 par la FPH, la Fondation de France et la Fondation communautaire de l’Océan Indien, élargit le réseau aux acteurs des îles voisines. Cet atelier rassemble 35 agents de développement autour du concept d’"indianocéanité" : les outils et les méthodes Dph permettent d’élaborer un projet commun dans une perspective de renforcement de la coopération Sud-Sud.
méthodologie dph, politique de la ville, aménagement du territoire
, Réunion, France, Océan Indien
Plus que des institutions, ce sont d’abord des individus qui s’impliquent bénévolement dans Dph. Pour les Réunionnais, deux principes ont régi la conception de ce réseau : d’une part, un réseau n’existe que quand il y a activité de ses membres ; d’autre part, un réseau n’a pas de centre affiché mais des ressources et des compétences en partage. Ces deux principes ont pour corollaire le besoin d’une visibilité totale des règles du jeu pour l’ensemble.
Deux pratiques de Dph se sont développées avec le temps : un ensemble d’activités endogènes comprenant l’auto-formation, l’auto-évaluation, la capitalisation, et d’autres, plus "exogènes", impliquant la mutualisation et la construction d’échanges entre praticiens.
Cependant, d’après l’évaluation d’Emmanuel Souffrin, "le réseau donne l’impression d’être tiraillé entre plusieurs thématiques et objectifs : faire des fiches, faire du réseau, travailler à l’échelle indianocéanique, répondre aux enjeux locaux, dépasser l’engagement institutionnel..." C’est pour cela que dans les années à venir, le réseau souhaite expérimenter l’efficacité de l’action Dph autour des questions plus précisément sociales et économiques : travail et économie sociale, lien social, action et insertion sociale, etc.
Cette fiche a été rédigée à partir de textes de Daniel Guérin, Emmanuel Souffrin et Catherine Foret
Document de travail
CAH/DRIV (Délégation interministérielle et régionale de la Ville) - 10 rue de Nice, 97417 St Denis, LA REUNION - (Yolaine Blanpain) - Réunion - centreressources-reunion (@) wanadoo.fr